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Politique

Édouard Philippe : « Le choix se formalise désormais ainsi : “Notre-Dame-des-Landes ou le réaménagement de Nantes Atlantique” »

Édouard Philippe a parlé mercredi midi 13 décembre. Son intervention et le rapport des trois médiateurs sont à écouter et à télécharger dans cet article. Ainsi que les explications des médiateurs, les réactions des différentes parties, et le dossier de cette étape cruciale de l’histoire de Notre-Dame-des-Landes.

  • 12h00 : Édouard Philippe a pris la parole devant les journalistes réunis à Matignon pendant quelques minutes. Lors de son intervention, il a salué le travail des trois médiateurs, qui ont « écouté et rencontré 300 personnes en six mois, et commandé des expertises indépendantes nouvelles ». D’après lui, ce rapport a permis « d’identifier des sujets qui n’avaient pas fait l’objet d’analyses et d’apporter éléments nouveaux », comme notamment « le réaménagement complet » de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique.

Les déclarations d’Édouard Philippe

Édouard Philippe a présenté les « trois éléments » qui lui semblent importants dans ce « travail intéressant ».

D’abord, « les besoins liés au développement du transport aérien dans le Grand Ouest justifient la réalisation d’une plate-forme qui sera dimensionnée sur les hypothèses connues, c’est-à-dire le doublement du trafic aérien d’ici 2040 ».

Ensuite, « il existe deux façons de répondre à ce besoin : la première serait de réaliser Notre-Dame-des-Landes tel qu’il a été conçu ; la seconde serait de procéder à un réaménagement complet de l’aéroport de Nantes Atlantique ». Les deux hypothèses « présentent des avantages et des inconvénients, et à certains égards des incertitudes », a-t-il souligné. « Mais là où jusqu’à présent le raisonnement qui était privilégié consistait à se poser la question “Notre-Dame-des-Landes ou rien”, le choix se formalise désormais ainsi : “Notre-Dame-des-Landes ou le réaménagement de Nantes Atlantique”. »

Le gouvernement prendra « avant la fin du mois de janvier une décision ».

« Cette décision sera claire, assumée par le gouvernement et elle doit nous permettre d’une part de répondre aux besoins identifiés de développement du trafic aérien dans le Grand Ouest, et d’autre part de garantir un retour à la normale, notamment s’agissant des questions relatives à l’ordre public. Ce retour à la normale est légitimement attendu par l’ensemble des habitants de la région. »

    • Écouter ici :
      Déclaration d’Edouard Philppe le 13 décembre 2017 sur Notre-Dame-des-Landes.
    • Télécharger le rapport :
    • Télécharger la synthèse du rapport :
    • Lien de la Mission de médiation
  • 11h30 : le Premier ministre, Édouard Philippe, procède à une séance photo à Matignon, avant la remise du rapport des médiateurs autour de midi.

Les ministres Nicolas Hulot et Élisabeth Borne vont recevoir les élus et parties prenantes qui le souhaitent sur les conclusions du rapport.


Les médiateurs s’expliquent

  • 13 h 20 : Les trois médiateurs, Anne Boquet, Michel Badré et Gérard Feldzer, commencent leur « explication de texte » au ministère de la Transition écologique et solidaire.
Les trois médiateurs, Gérard Feldzer, Anne Boquet, et Michel Badré.

« Les médiateurs ont travaillé sans parti pris et en toute impartialité, a expliqué Anne Boquet. La mission a étudié les conditions de succès et de mise en œuvre de la future décision, quelle que soit son orientation. Il nous apparait clairement que dans tous les cas, deux nécessités s’imposent : d’abord, un retour à un état de droit sur la Zad ; ensuite, le développement d’un contrat de territoire. »

« Nous n’avons pas assez écouté les opposants dans ce dossier. Il y a eu des failles dans le débat démocratique, dès le début de la création de la Zad en 1974… », a aussi dit Anne Boquet.

Pour Gérard Felzer, « il n’existe pas de recettes miracles et quelle que soit la décision, il y aura des vents contraires. On va essayer de sortir par le haut avec des propositions positives. Nous en avons fait 39. »

Michel Badré : « Pour le projet de Notre-Dame-des-Landes, le handicap principal est l’étalement urbain (l’artificialisation des terres). Pour Nantes-Atlantique, c’est le bruit. »


Les réactions des anti-aéroport

  • Ivan Fouquet est architecte, membre de l’Atelier citoyen, un collectif qui a mené plusieurs contre-expertises sur Notre-Dame-des-Landes. Il réagit pour Reporterre.

Ce rapport semble plutôt positif, mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Il faut attendre la décision d’Emmanuel Macron. La médiation a apporté quelque chose d’inédit et de nouveau. Avant les consultations étaient biaisées — périmètre restreint, manipulation politique — il s’agit donc d’une ouverture assez inédite.

La grande nouveauté, c’est que la solution Nantes-Atlantique est enfin acceptée officiellement. Ceci est notamment le fruit des pressions et des contre-expertises menées par les associations depuis des années pour faire reconnaître l’optimisation de Nantes-Atlantique comme une alternative.

Pour nous, l’agrandissement n’est pas forcément nécessaire, car on ne connait pas le trafic en 2040 : on parle de doublement, mais il n’y aura peut-être plus de kérosène ! L’essentiel, c’est de rénover et d’optimiser ce qui existe déjà.

Nous avons eu, depuis six mois, une dizaine de réunions avec les médiateurs, avec des confrontations avec la Direction générale de l’aviation, très prudente sur le dossier. Résultat, le rapport est très timide, les médiateurs ont mis en avant des éléments raisonnables, pour ménager la chèvre et le chou. Par exemple, sur le coût de Nantes-Atlantique, nous avons estimé que les travaux s’élèveraient à 150/200 millions d’euros, contre 450 millions d’euros selon la médiation. Mais dans tous les cas, ça reste deux fois moins cher que Notre-Dame-des-Landes.

  • Denez L’Hostis est membre de la Fédération régionale Bretagne environnement nature. Reporterre a recueilli sa réaction.

Ce rapport est le fruit d’une démarche intéressante, qui a permis de mettre à plat un certain nombre de dossiers qui avaient été bâclés. Il y a donc une richesse de l’information qui permet de battre en brèche la légitimité de la consultation de l’an dernier. Les bonnes infos n’étaient pas à disposition des votants.

Cette démarche, qui consiste à écouter tous les acteurs, à creuser les points de friction, les tabous, peut servir de modèles pour d’autres dossiers en souffrance dans le pays.

Par contre, il n’y a pas dans le rapport d’approche global sur l’architecture aéroportuaire française : nous avons des aéroports tous les 80 km, trois fois plus qu’en Allemagne : est-ce bien nécessaire ?

Plus globalement, ce rapport confirme une remise en cause des grands projets d’infrastructure, et surtout de la procédure par laquelle ils sont portés : il faut une meilleure prise en compte des parties prenantes, et une meilleure prise en compte des problématiques de climat et de biodiversité.

  • Françoise Verchère est membre de la Cedpa (Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes). Sa réaction a été recueillie par Reporterre.

Ma première réaction à la lecture du rapport, c’est un soulagement intellectuel. Retrouver, écrit par des gens qui ont pris le temps de tout étudier dans les détails, des points sur lesquels on se bat depuis plusieurs années, c’est réjouissant. Ce rapport donne au gouvernement des bases pour sortir de ce dossier.

Plusieurs points m’apparaissent capitaux : d’abord, le rapport pointe la défaillance du processus de décision : il n’y a pas eu de débat de fond avant la consultation publique. Le mépris des opposants, le saucissonnage des procédures, expliquent l’impasse démocratique dans laquelle on s’est retrouvé. S’il y a une Zad, c’est bien parce qu’il y a eu une défaillance dans le processus de décision, et que nous, citoyens, n’avons pas été écoutés.

La mission reconnait que la déclaration d’utilité publique (DUP) a été accordée en 2008 sur la base de constats erronés. Or c’est sur la base de ces constats erronés que nous avons été déboutés de plusieurs de nos recours. Il faut donc revoir les critères de délivrance d’une DUP, c’est capital. On ne peut plus continuer avec des procédures datant du XXe siècle.

Un autre point essentiel, c’est que les médiateurs démontre que l’aéroport de Nantes-Atlantique est une alternative crédible. Les arguments ressassés pendant la campagne de l’an dernier [lors de la consultation] sont ainsi tous démontés : les dommages sur le lac de Grand-Lieu, la limite de l’urbanisation, le coût.

Les médiateurs sont aussi très clair sur le fait qu’il y a eu un gel des aménagements de Nantes-Atlantique, au prétexte que la seule option, c’était le transfert à Notre-Dame-des-Landes : par exemple, le plan de gestion du bruit est aujourd’hui obsolète. Mais ils montrent, par des préconisations, que l’on peut tout à fait améliorer les choses pour répondre aux demandes des riverains sur le bruit.

Je pense que la présence dans les gouvernements précédents de Premiers ministres de l’Ouest très attachés à l’idée d’un grand équipement aéroportuaire, Fillon et Ayrault, a sérieusement plombé ce dossier et a empêché de sortir de la crise. Hollande est resté dans l’indécision et Valls s’est engouffré dans l’aspect sécuritaire.

Sur l’avenir de la Zad, en cas d’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, on ne peut pas parler d’évacuation. Il s’agirait plutôt d’un retour à l’ordre public, car la Zad n’est pas un fortin armé et clos : à partir du moment où il n’y a plus de menaces, il n’y a plus de zone à défendre.

Mais il faut un projet de territoire qui permettent aux nouveaux habitants (les zadistes) de s’installer, aux paysans de cultiver. Un projet qui permette une agriculture respectueuse de l’environnement, des expérimentations sociales, agricoles, forestières. C’est un beau lieu où s’expérimentent des liens sociaux différents, une agriculture différente, un rapport au travail différent. On a besoin de ces espaces là.

  • Pour le député européen écologiste Yannick Jadot, « le rapport #NDDL valide que la rénovation de Nantes Atlantique est possible, c’est une avancée considérable et une réalité que la consultation Valls avait pris soin de masquer. Place maintenant au courage et au bon sens afin que le bocage revienne à sa vocation agricole ».
  • Pour France nature environnement, « le rapport conforte les arguments contre le projet » : « à sa lecture, les arguments en faveur de la construction d’un nouvel aéroport tombent les uns après les autres : non, le trafic aérien n’est pas incompatible avec la préservation du lac de Grand-Lieu. Non, le bruit ne va pas augmenter, ni empêcher les projets immobiliers au centre de Nantes. Non, la rénovation n’est pas plus coûteuse que le transfert puisque la nouvelle estimation financière diminue de moitié le coût estimé par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en 2013 ».

    Pour Michel Dubromel, président de FNE, « le gouvernement doit prendre une décision courageuse en faveur de la modernisation de l’aéroport actuel. Celle-ci marquera la volonté du président Macron de faire de la transition écologique et solidaire l’une des priorités du quinquennat. Nous avons besoin d’un nouveau modèle de société assumant les défis sociaux et environnementaux pour notre avenir et celui de nos enfants ».

    Du côté de Notre-Dame-des-Landes, le retour à la normale ne sera possible, d’après l’ONG, que si « un processus concerté s’ouvre sur la question foncière et agricole, où puisse s’enraciner un véritable projet collectif agroécologique, où chacun trouve sa place ».

  • Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique, sur Twitter : « Ces expertises rendent inéluctables [l’]abandon du projet de #NDDL ; Il est urgent que les élus retravaillent un vrai projet pour le 44 ! »
  • Le député LREM Matthieu Orphelin applaudit : « Le réaménagement Nantes-Atlantique est enfin considéré comme une alternative crédible ! »

Les réactions des pro-aéroport

  • Joël Carn, ingénieur, membre des Ailes pour l’Ouest (pro-aéroport) : « Il n’y a rien de nouveau, lors de la consultation du 26 juin 2016, le peuple concerné a clairement dit oui au transfert de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes ».
  • Pour Bruno Retailleau, sénateur de Vendée et pro-aéroport, « les deux solutions ont déjà été étudiées. Les contraintes environnementales autour de l’aéroport de #Nantes empêchent son développement. Le Grand Ouest est habité par 8 millions de personnes, il nous faut un nouvel aéroport. L’État de droit doit être respecté ».
  • Christophe Clergeau, président du groupe socialiste à la région Pays de la Loire et favorable au projet de Notre-Dame-des-Landes, sur Twitter :
    « Le rapport remis à Édouard Philippe apporte un éclairage complémentaire mais ne change rien à ma position favorable au transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Il appartient à Emmanuel Macron de décider en ayant bien conscience des enjeux de développement du Grand Ouest. »
  • Yasmine Ghenaï, conseillère municipale de Nantes, s’est rendue devant l’Assemblée nationale pour manifester, à l’appel des Ailes pour l’Ouest, en faveur du projet de Notre-Dame-des-Landes :
    « Notre avis ne compte pas pour du beurre, respectez la consultation », a-t-elle tweeté.

C’était mardi soir…

Ce mercredi 13 décembre, une nouvelle étape cruciale se joue dans le dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : les trois médiateurs vont rendre leur rapport au Premier ministre (nous vous les avons présentés ici). Nommés il y a six mois, leur mission était d’« envisager les solutions permettant de répondre aux impératifs d’aménagement, dans un dialogue apaisé avec les acteurs et dans le respect de l’ordre public », selon la commande d’Édouard Philippe. En somme, « étudier l’ensemble des options », pour reprendre les mots plusieurs fois utilisés par le Premier ministre et le président de la République.

Certaines annexes du rapport ont fuité lundi 11 décembre au soir, montrant que l’option d’un agrandissement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique, plutôt que la construction d’un nouveau à Notre-Dame des Landes, a été sérieusement étudiée. Et qu’elle coûterait deux fois moins cher.

Ce mercredi matin, invité de France Bleu Loire-Océan, l’ancien Premier ministre et ardent défenseur du projet de Notre-Dame-des-Landes Jean-Marc Ayrault a réaffirmé que « ce n’est pas un projet du passé. Mais un projet relancé dans les années 2000 par le gouvernement Jospin avec Dominique Voynet comme ministre ». Il a ajouté : « Il faut savoir si ce sont ceux qui sont dans l’illégalité qui l’emportent. [...] Tous les contentieux en justice ont été perdus par les opposants, et il y a eu le référendum ! Le président Macron ne peut pas être insensible au droit et à l’état de droit. »

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