Colombie : Mundo Nuevo, le laboratoire belge d'un monde nouveau…

Le projet Mundo Nuevo travaille avec la communauté indienne voisine à la construction d'un havre d'auto-suffisance.

© Pascale Sury

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Par Pascale Sury & Jonathan Bradfer

C’est l’histoire d’un utopiste, un jeune Belge et son idée folle : créer un nouveau monde, un petit lopin de terre où l’homme et la nature vivent en harmonie, avec le rêve de devenir auto-suffisant.

Philippe Bekaert a voulu "changer de modèle" dans sa vie. Son projet va avoir 3 ans et tous les signaux sont positifs pour continuer.
Philippe Bekaert a voulu "changer de modèle" dans sa vie. Son projet va avoir 3 ans et tous les signaux sont positifs pour continuer. © Pascale Sury

Philippe Bekaert vient juste d’avoir 30 ans. Jardinier indépendant à Bruxelles, il était fatigué de bosser 14h par jour. Formé en économie et poussé par la “folie de la jeunesse”, c’est alors qu’a germé l’envie d’un autre modèle plus respectueux de la nature et des communautés locales. Alors, pour donner plus de sens à sa vie, il est parti à l’âge de 27 ans sans savoir réellement où il allait s’installer. Aujourd’hui, après des années de travail pour tout reconstruire, il peut nous dire “Bienvenue à Mundo Nuevo, là où tout est possible”.

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Situé dans la Sierra Nevada de Santa Marta (au nord de la Colombie), juste au-dessus de Minca, Mundo Nuevo est une ferme biologique et une auberge, dédiées à la durabilité et à l’éducation à travers la préservation des ressources naturelles de la terre. Projets de permaculture, de reforestation, de réserve naturelle, préservation de l’eau des montagnes, apiculture, recyclage très poussé, tout ce petit monde est animé par la nécessité d’une vie durable et la volonté d’avoir un impact positif sur son environnement. Le rêve ? Atteindre l’auto-suffisance tout en assurant l’emploi à long terme.

Philippe nous accueille les pieds nus, connecté à la terre, avec sa longue barbe qu’il rasera seulement, il en a fait le pari, le jour où la communauté sera auto-suffisante. En attendant, il vit dans sa petite cabane en bois construite il y a deux ans avec des matériaux de récupération et du bois offert par la forêt, tel Robinson Crusoé : “Le changement vient de soi-même. Tout le monde doit participer au changement. On n’a plus le temps d’attendre. Il est urgent de bouger.”

Loin des multinationales et de la mondialisation, Mundo Nuevo et ses volontaires cultivent leurs semences et leurs produits sur le modèle de la permaculture.
Loin des multinationales et de la mondialisation, Mundo Nuevo et ses volontaires cultivent leurs semences et leurs produits sur le modèle de la permaculture. © Pascale Sury

En accueillant des voyageurs dans son “hostel”, Mundo Nuevo se donne les moyens de financer ses idées ainsi que l’emploi de 18 personnes à temps plein. C’est le noyau de son activité économique. Le reste des bonnes énergies vient des nombreux volontaires qui décident de venir passer un peu de temps et de s’inspirer ici. Tous les jours, 25 personnes s’activent dans la propriété et vivent en communauté : “nous voulons faire de Mundo Nuevo un think-tank, un incubateur, un lieu d’exposition de la vie durable!”. La ferme accueille donc de jeunes entrepreneurs comme Katrina, américaine et son projet de savon naturel “sierra sana” ! Bref, Mundo Nuevo est un petit laboratoire pour un monde nouveau et auto-suffisant.

Les 4 grands principes de Mundo Nuevo sont l’eau, l’alimentation, la stabilité économique et l’énergie. Le tout animé par l’éducation, la sensibilisation et la communauté. “Sans eau, il n’y a pas de vie. Mundo Nevo a la chance d’avoir une source. La stabilité économique nous vient grâce à nos chers clients. L’indépendance énergétique, c’est juste un investissement. Il reste donc l’alimentation et c’est le gros morceau. Notre but final pour une alimentation durable est de cultiver et produire tout ce que l’on consomme, excepté le sel ! Avec un modèle de permaculture pour la production de tous les fruits, légumes, herbes aromatiques et épices, graines, huile d’avocat, plantes médicinales, noix, champignons, oeufs, etc…” Côté cuisine, c’est nourriture végétarienne pour tout le monde !

Léandro : "On est dans un moment-clé du développement humain, notre société prend de plus en plus de vitesse, c’est maintenant qu’il faut faire des choix judicieux !"
Léandro : "On est dans un moment-clé du développement humain, notre société prend de plus en plus de vitesse, c’est maintenant qu’il faut faire des choix judicieux !" © Pascale Sury

L’objectif est titanesque mais pas impossible sur ce flanc de montagne de 49 hectares, étendu entre 550m et 1150m d’altitude et traversé par 2 petits cours d’eau. Une situation qui offre une large période de récolte sur 3 espaces de potager et plusieurs microclimats. La Culebrera, un des 3 jardins de la propriété est méticuleusement entretenu par Léandro, Belge de 27 ans qui a étudié l’agronomie à Gembloux. Il travaille aussi selon les principes de la permaculture et l’aide des abeilles de ses ruches. Il vit là en solitaire, à quelque centaines de mètres en aval de la ferme principale.

Mundo Nuevo est une communauté qui a aujourd’hui une organisation sociocratique, chaque membre a voix au chapitre et a des responsabilités différentes mais une valeur et une rémunération égalitaire. Philippe, même s’il est à la base de ce projet, a arrêté d’être le “chef”.

Jacinto Gil Daza est un sage de la communauté des Wiwas. C'est la première fois que ces Indiens collaborent avec le "petit frère" (leur manière d'appeler le reste du monde).
Jacinto Gil Daza est un sage de la communauté des Wiwas. C'est la première fois que ces Indiens collaborent avec le "petit frère" (leur manière d'appeler le reste du monde). © Pascale Sury

Et cette belle équation ne serait pas parfaite si elle n’intégrait pas les gardiens de cette montagne : la communauté des indiens Wiwas. Ils ont bâti ensemble le projet du village indigène, Awindua. Un petit village traditionnel, à côté de la ferme, dans lequel la communauté séjourne et tente de promouvoir sa culture et les traditions de ces familles. Nous sommes accueuillis par Luntana Gil Alberto, 21 ans, devenu un ami de Philippe Bekaert, et son grand oncle, Jacinto Gil Daza, 64 ans et Mamo (guide spirituel, sage de la communauté). “On fait partie d’un même monde. On est sur la même planète, donc, collaborons ensemble”, dit Luntana. Le sage prend alors la parole en Damana, la langue indigène des Wiwas. “Il faut prendre soin de la terre, de la Pachamama, la terre mère. Arrêter de gaspiller les minerais, de polluer le fleuve,… Être plus respectueux de la terre et arrêter de détruire les éléments naturels.”

Philippe devant sa magnifique cabane construite en quelques semaines avec les matériaux donnés par la forêt.
Philippe devant sa magnifique cabane construite en quelques semaines avec les matériaux donnés par la forêt. © Pascale Sury

Philippe n’a pas encore atteint l’auto-suffisance mais il a déjà réussi à construire un véritable petit coin de paradis. Un lieu de guerre utilisé dans le passé par les guérilleros et les paramilitaires qui est devenu un havre de paix, de partage et de belles valeurs.

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