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Deux études mesurent l’ampleur de la discrimination à la location en France

Les populations d’origines supposées maghrébine et africaine ont globalement 26 % de chances de moins que la moyenne de pouvoir visiter un logement.

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Publié le 15 décembre 2017 à 06h35, modifié le 15 décembre 2017 à 18h58

Temps de Lecture 4 min.

Les populations d’origines supposées maghrébine et africaine ont 26 % de chances de moins que la moyenne de visiter un logement à louer.

Le laboratoire de recherches du CNRS Travail emploi et politiques publiques (TEPP) publie, vendredi 15 décembre, une étude d’une ampleur inédite sur la discrimination à la location d’appartements, à l’œuvre dans de nombreuses villes de France. Elle vise notamment les populations d’origines supposées maghrébine et africaine qui ont globalement 26 % de chances de moins que la moyenne de visiter un logement à louer.

Ce sont quatre chercheurs des universités de Bourgogne-Franche-Comté, Marne-la-Vallée et Le Mans qui ont réalisé un « testing », méthode scientifique qui mesure les écarts de taux de réussite entre des candidatures fictives.

Ils ont élaboré les réponses de huit candidats fictifs, aux profils variés, à une centaine d’annonces de location du parc privé émanant de particuliers et d’agences immobilières, dans chacune des cinquante villes cibles.

Un profil se voulait neutre – devant servir de référence –, celui d’un certain Sébastien Petit ; un deuxième, Frédéric Rousseau, affichait une adresse dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) où il candidate ; Kevin Durand mentionnait qu’il était âgé de vingt ans ; quatre profils portaient des patronymes supposant une origine maghrébine, Mohamed Chettouh, Mounir Mehdaoui, fonctionnaire, Karim Benchargui, également résident en QPV, et Nordine M’Barek ; enfin, Désiré Sambou campait le candidat d’origine présumée africaine.

25 000 messages type

Tous recherchaient un deux pièces vide ou meublé, loué environ 500 euros par mois, et ont répondu à un total de 5 000 annonces publiées sur Leboncoin, Se Loger ou Logic Immo, adressant environ 25 000 messages type : « Madame, Monsieur, l’appartement que vous proposez correspond à ce que je recherche. Serait-il possible de le visiter ? Pour le dossier de location, pouvez-vous me donner la liste des pièces demandées », en précisant parfois l’âge, l’adresse et les motivations comme « J’ai 22 ans et je cherche un appartement pour m’installer », « Je suis fonctionnaire et je viens d’être muté »

Résultat : seules 17 % des annonces ont suscité les mêmes réponses des bailleurs aux six candidats (choisis parmi les huit profils). Autrement dit, dans 83 % des cas, les annonceurs ont été sélectifs et ont traité les candidats différemment, affichant bien une attitude discriminatoire.

Le profil neutre de Sébastien Petit reçoit, en moyenne, 13,9 % de réponses positives, plus fréquentes chez les loueurs professionnels que chez les particuliers, tandis que Mohamed Chettouh n’obtient que 10,2 % de réponses non négatives : la différence de 3,7 points équivaut à 26,7 % de chances en moins. Désiré Sambou obtient le moins de succès, à 9,44 % soit 32,5 % de chances en moins.

Si le candidat d’origine maghrébine est fonctionnaire, ce qui lui suppose une stabilité professionnelle, il améliore un peu ses chances, à 10,7 %, sans parvenir au score du « Français moyen » qu’il est tout autant. « Les annonceurs perçoivent bien la meilleure qualité de candidature avec le rassurant statut de fonctionnaire mais ça ne suffit pas », commente l’économiste Loïc du Parquet, enseignant-chercheur à l’université du Mans et l’un des auteurs. L’adresse et l’âge ne semblent, en revanche, pas jouer de rôle, être jeune, maghrébin et habiter en QPV paraissant même susciter un peu plus de bienveillance.

« Très peu de personnes se plaindront »

L’intérêt de l’étude du TEPP est aussi de dresser une cartographie et un palmarès des villes accueillantes : Nice, Paris, Poitiers, Rouen, Bordeaux sont les moins discriminantes, mais la ségrégation sévit partout et de façon plus marquée à Perpignan, Limoges, Valenciennes, Avignon ou Nancy : « Il semble, mais cela est difficile à établir de manière formelle, que plus les villes sont grandes et ont des populations brassées et hétérogènes, moins la discrimination s’y fait sentir », remarque M. du Parquet.

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Le Défenseur des droits a, lui aussi, jeudi 14 décembre, publié son « enquête de perception » sur le même thème et selon une méthode différente mais aboutissant à des résultats concordants. Il a interrogé mille personnes ayant, au cours des cinq dernières années, cherché un logement à louer dans les parcs privé et social et établit que 14 % d’entre elles disent avoir été discriminées dans cette quête.

Ce taux grimpe à 40 % chez les personnes perçues comme noires, 30 % comme arabes, 24 % pour les mères seules avec des enfants de moins de trois ans. Les hommes vus comme blancs et diplômés du supérieur ne sont que 5 % à se plaindre de discrimination et les familles bi-parentales, 8 %.

« Malgré ces taux élevés, très peu de personnes se plaindront et saisiront la justice, 80 % d’entre elles estimant que ça ne sert à rien, et nous comptons bien saisir l’occasion de la nouvelle loi logement pour aborder les moyens de réduire cette injustice », promet Sarah Benichou, chef du département Promotion de l’égalité de l’accès aux droits auprès du Défenseur des droits.

Il est vrai que les jugements sont, en cette matière, rarissimes. Un bailleur social, Logirep, a été condamné en cassation, le 13 juillet, pour des faits de discrimination envers une personne noire et, en décembre 2016, une agence Laforêt avait été épinglée par les médias pour avoir indiqué, dans une fiche de location censée rester confidentielle : « Attention, important pour la sélection des locataires : nationalité française obligatoire, pas de Noir. »

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