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Pourquoi une députée d'extrême droite a le droit d'organiser... un colloque d'anti-IVG à l'Assemblée
François de Rugy ne compte pas demander l'interdiction du colloque de Marie-France Lorho.
CITIZENSIDE / StA©phane ROUPPERT / Citizenside

Pourquoi une députée d'extrême droite a le droit d'organiser... un colloque d'anti-IVG à l'Assemblée

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Un colloque animé par des anti-IVG aura lieu à l'Assemblée nationale, le 17 janvier. Ce jeudi 14 décembre, une députée LREM a demandé son retrait... lequel provoquerait un précédent. Explications.

Le 17 janvier 2018, les anti-IVG investissent l'Assemblée nationale. Des membres d'associations comme Choisir la vie, l'Institut du Bon Pasteur, Riposte catholique ou l'Action française, qui présentent toutes la particularité d’assumer des positions anti-avortement, devraient en effet se croiser au détour d'un sympathique colloque intitulé "Affronter le transhumanisme". C'est ce qu'a annoncé la députée d'extrême droite Marie-France Lorho ce jeudi 14 décembre, en partageant le programme de cette "journée de la vie", sur son blog.

De quoi provoquer la colère de la députée LREM Marie-Pierre Rixain, par ailleurs présidente de la Délégation aux droits des femmes. Sur Twitter, l’élue s’est dit "scandalisée que l’Assemblée nationale où Simone Veil s'est battue pour l'IVG, ouvre en 2017 ses portes à de telles idées obscurantistes", avant de suggérer le "retrait" du colloque. Le hic, c’est que cette réunion, pour aussi extrémiste qu’elle soit, a le droit d'être organisée.

Colloque polémique sur le Syrie

De nombreux colloques sont organisés tous les ans à l’Assemblée nationale. Il suffit pour cela qu’un député réserve une salle et transmette la liste des intervenants extérieurs aux services de l’Assemblée nationale en temps et en heure. Il arrive bien sûr que certains colloques fassent polémique. Le 13 avril dernier, le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault s’est indigné de la présence, à un colloque organisé à l’Assemblée à l’initiative de plusieurs députés, d’un ministre syrien de Bachar Al Assad, en pleine guerre civile. En 2015, un colloque organisé par des députés EELV, intitulé "Désintoxiquons notre santé de l'emprise des lobbys. Pour une autre politique du médicament en France", a par ailleurs suscité la fureur du syndicat de l’industrie pharmaceutique.

A chaque fois, ces colloques ont bien eu lieu. Selon l’entourage du président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, interrogé par Franceinfo, "tant que l'on reste dans le cadre fixé par la loi", l'Assemblée "n'a pas de droit de regard" sur ce que les députés organisent. Tout député a en effet le droit de demander la mise à disposition de salles de réunion, y compris pour un colloque. Seule condition, la demande de réservation doit être contre-signée par le président du groupe parlementaire de l’élu. Or, Marie-France Lorho n’appartient à aucun groupe... Dans ce cas-là, seuls les questeurs peuvent s’opposer à la tenue d’une réunion. Mais cette opposition est censée être motivée.

Difficile pour les questeurs d’invoquer des motifs politiques. Si le pedigree des intervenants de la journée du 17 janvier laisse envisager des propos ultra-conservateurs dans l’enceinte du Parlement, la députée qui organise cet événement a bel et bien été élue démocratiquement dans sa circonscription du Vaucluse. Quoi qu’on pense de ses positions (extrêmes), elle représente ainsi la Nation, comme tout autre parlementaire. L’empêcher de disposer d’un droit accessible à chaque député constituerait donc un précédent.

"Journée de la vie" en 2016

Ce type de réunion peut toutefois être interdite si elle est susceptible de porter atteinte à l’ordre public. Dans le cas présent, l’entourage de Marie-France Lorho fait valoir que tel n’est pas le cas : "Aucun intervenant n’a jamais été condamné pour ses propos. Le cadre législatif actuel sur la bio-ethique ne nous convient pas mais nous en parlerons très tranquillement, comme nous l’avons déjà fait à l’Assemblée." En 2016, le député d’extrême droite Jacques Bompard – auquel Marie-France Lorho a succédé – avait déjà organisé une « journée de la vie » dans une salle de l’Assemblée nationale, et ce dans l’indifférence générale.

Reste la possibilité pour les questeurs d’arguer que la salle en question doit être mise à disposition de députés pour le travail législatif. Ce cas de figure est possible si un organisme considéré comme « prioritaire » par les services de l’Assemblée nationale en fait la demande. Parmi eux, on retrouve... la délégation aux droits des femmes, présidée par Marie-Pierre Rixain.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne