Sans neutralité du net, à quoi ressemblerait notre quotidien en ligne ?

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Sans neutralité du net, à quoi ressemblerait notre quotidien en ligne ?

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Manifestant pour la neutralité du net le 29 novembre 2017 à Los Angeles
Manifestant pour la neutralité du net le 29 novembre 2017 à Los Angeles
© Reuters - Kyle Grillot

Aux États-Unis, la Commission fédérale des communications doit abroger ce jeudi une règle obligeant tous les fournisseurs d'accès à Internet à traiter tous les services en ligne de la même manière : la fameuse "neutralité du net". Une mesure qui intéresse déjà beaucoup leurs équivalents français.

Le sujet a l'air extrêmement technique, mais il peut potentiellement avoir des conséquences très visibles dans notre vie quotidienne, où Internet a une place de plus en plus importante. Évidemment, la remise en question de la neutralité du net ne concerne pour l'instant que les États-Unis, mais ces derniers ont une forte influence sur les usages en France, où des hauts responsables comme Xavier Niel (Free) ou Stéphane Richard (Orange) ont souvent envisagé un "Internet à plusieurs niveaux".

Neutralité du net ?

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C'est déjà demain
3 min

Internet, c'est comme un tuyau. Un tuyau qui envoie vers votre domicile ou votre téléphone des données : du texte, du son, de la vidéo... L'idée de la neutralité du net, c'est qu'un fournisseur d'accès vous fournit, contre le prix de votre abonnement, ce tuyau sans avoir la moindre influence sur ce que vous y envoyez ou ce que vous en recevez. Ce principe est tacite, mais il a été inscrit dans la loi en 2015 par l'administration Obama, et en octobre 2016 par l'Union européenne.

Un principe qui gêne les fournisseurs d'accès car certains contenus sont plus "lourds" que d'autres. Ils souhaiteraient donc pouvoir faire payer aux internautes ou aux fournisseurs de contenus cette différence. En résumé, ne plus proposer un accès à Internet dans son ensemble, mais à des Internets plus ou moins vastes en fonction de ce que vous voudrez payer, des accords avec certains sites, etc.

Et ça pourrait changer...

Voici quelques situations concrètes où la fin de la neutralité du net pourra avoir des conséquences.

...ce que vous regardez

Situation un : avec votre nouvelle box Internet, vous avez un nouveau bouquet de plusieurs dizaines de chaînes de télé, formidable ! Amateur de documentaires animalier, vous avez pas moins de trois canaux à votre disposition pour vos fin de journées. Deux d'entre elles sont comprises dans votre forfait mais votre connexion est limitée, vous obligeant à les regarder en basse résolution, ce qui est dommage après avoir acheté un écran 4K tout neuf. La troisième, en revanche, est une chaîne appartenant au même groupe que votre fournisseur d'accès, et est donc accessible en très haute résolution de manière illimitée avec votre abonnement : vous risquez donc de privilégier celle-ci, quel que soit le contenu proposé par les trois.

Situation deux : la télévision, c'est trop "XXe siècle", vous avez décidé de souscrire un abonnement à un service de vidéo en ligne. Là encore, trois choix s'offrent à vous, tous à un prix mensuel similaire. Comme ces services sont très gourmands pour votre connexion Internet, le fournisseur vous fait payer un supplément pour deux d'entre eux. En revanche, le troisième appartenant au même groupe, il est compris dans votre forfait. Vous risquez donc de le choisir par défaut, et tant pis si votre série préférée était sur un autre service.

...ce que vous écoutez

Les services de streaming musical sont en pleine explosion depuis quelques années. Et eux aussi peuvent être gourmands pour votre connexion. Si la neutralité du net n'existait pas, votre fournisseur d'accès pourrait par exemple vous proposer un abonnement plus cher pour pouvoir choisir celui que vous voulez, mais aussi favoriser l'un d'eux. Par exemple en limitant le débit sur les autres, et en vous proposant votre morceau préféré en intégralité... Avec quelques coupures. Ou encore en ne facturant pas l'utilisation d'un service en particulier dans la consommation mensuelle de votre forfait téléphonique, vous orientant ainsi plutôt vers celui-ci.

...qui vous informe

Les groupes qui possèdent des fournisseurs d'accès possèdent aussi parfois des médias. Or quel meilleur moyen de vous orienter plutôt vers certains titres de presse "de la maison" que de faciliter leur accès autant que possible. Le fournisseur d'accès pourrait par exemple vous offrir un accès illimité au site d'un journal en particulier. Un peu comme si, dans un kiosque, Libération ou Le Figaro étaient posés tous les jours au-dessus de la pile, quand L'Humanité ou L'Express seraient systématiquement cachés dessous. Un média alternatif en vidéo, par exemple, pourrait aussi être proposé par défaut dans une version dégradée.

....qui vous côtoyez

En l'absence de neutralité du net, et un Internet à la carte, on peut aussi imaginer des restrictions géographiques. Là où le net a souvent eu pour ambition de rapprocher des individus ou des collectivités éloignées géographiquement, on aurait à l'inverse une connexion favorisant ce qui est proche.

Par exemple, le coût de votre abonnement est aujourd'hui exactement le même (et la qualité de connexion également) lorsque vous discutez en vidéo avec un Breton ou avec un Québécois. Sans neutralité du net, on peut imaginer un accès à Internet normal, où la connexion avec un autre ordinateur très éloigné serait calamiteuse, et un accès "premium", vous garantissant une connexion parfaite quel que soit votre interlocuteur.

...ce que vous payez

Le but n'est évidemment pas une "censure" en soi, puisque toutes ces limitations seraient en fait faciles à lever... à condition de passer à la caisse. C'est aussi ce qui inquiète les associations spécialisées : qu'on parvienne à un Internet (et donc à un accès à la connaissance et à l'information) à deux vitesses, selon que l'on pourra payer 20, 30, 40 euros ou plus chaque mois pour y accéder.

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