Mais qui a tué Thomas Sankara ?

Dans un webdocumentaire passionnant, le service Afrique de RFI, mené par Laurent Correau, enquête sur la mort non élucidée du président burkinabé.

Par Elise Racque

Publié le 17 décembre 2017 à 11h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h38

Le 15 octobre 1987, le président burkinabé Thomas Sankara, 37 ans, au pouvoir depuis un peu plus de quatre ans, meurt assassiné. Trente ans plus tard – et alors qu’Emmanuel Macron a annoncé fin novembre la déclassification de toutes les archives françaises sur cette affaire –, la mort de l’anti-impérialiste révolutionnaire n’est toujours pas élucidée. Principal suspect : son ami Blaise Compaoré, qui prit les rênes du pays le jour de sa disparition. Dans une enquête multimédia captivante, RFI ausculte la relation entre les deux hommes, la possible responsabilité de la Libye et de la Côte d’Ivoire, mais aussi celle de la France. Laurent Correau, le chef du service Afrique de RFI, juge cette affaire « symptomatique d’une époque ».

Il y a peu de preuves, comment trier le vrai du faux dans cette histoire ?

Notre objectif était de retrouver les acteurs de l’époque pour restituer les événements de manière polyphonique et le plus précisément possible. Plusieurs versions cohabitent, mais on peut distinguer les certitudes et les zones d’ombre. Par exemple, notre entretien avec le seul témoin direct vivant de l’assassinat nous donne la conviction que Sankara a été tué immédiatement, sans pouvoir se défendre. Cela permet d’éliminer la thèse qui défend une arrestation ayant mal tourné. Notre but était de fournir des pistes d’enquête. Ce sera aux juges de trancher sur le véritable rôle de Blaise Compaoré.

La relation difficile entre Sankara et Compaoré est-elle révélatrice de cette époque ?

Tout à fait. La mort de Sankara est symptomatique de la complexité de cette période. Ce dernier et Compaoré avaient une relation fraternelle — les parents du premier avaient même adopté le second. Cette histoire met aussi en lumière les liens entre Sankara et la France, ainsi qu’avec la Libye. Les notes et les télégrammes diplomatiques auxquels nous avons eu accès montrent l’indécision des plus hautes autorités françaises. Certains insistent sur la nécessité de s’entendre avec le pouvoir sankariste. D’autres expriment leur inquiétude face à une potentielle contagion de la révolution à toute l’Afrique de l’Ouest.

A-t-il été facile de rencontrer les témoins ?

En France, il y a une vraie gêne. Des archives sont encore interdites d’accès. Beaucoup témoignent sous l’anonymat, et sont dans un déni total vis-à-vis de la responsabilité française. Même attitude du côté de la Côte d’Ivoire. Toutefois, de nouveaux acteurs acceptent désormais de parler. Après la mise en ligne des premiers épisodes de notre enquête, l’ancien ambassadeur de Libye à Ouagadougou nous a contactés pour livrer son propre regard sur l’affaire. C’est très révélateur de la manière dont le début d’un récit public peut relancer une histoire, même ancienne. 

 

indecision A lire et écouter : Qui a fait tuer Sankara ?

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