12 ans. L'âge des appareils dentaires et des premières poussées d'acnés. Et aussi, d'après l'Organisation mondiale de la santé, l'âge idéal pour commencer les cours sur la sexualité. Ce vendredi l'OMS a en effet recommandé que soient mis en place des cours d'éducation sexuelle dans toutes les écoles, et ce dès 12 ans. Dans la ligne de mire de l'ONU, la lutte contre les grossesses non-désirées. En France le concept d'éducation à la sexualité en milieu scolaire est plus large, et se décline sous deux formes complémentaires: dans les classiques cours de sciences, et à l'occasion de "séances d'information".

L'Education à la sexualité, "composante essentielle de la construction de la personne"

L'éducation à la sexualité a fait son entrée dans les lycées français en 1973 - il s'agissait alors d'un enseignement facultatif, axé sur la contraception et les maladies vénériennes. Aujourd'hui l'éducation à la sexualité en milieu scolaire est obligatoire. La loi du 4 juillet 2001 prévoit ainsi trois séances annuelles d'éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées. Des séances axées sur les connaissances biologiques mais aussi sur "les dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles et éthiques" de la sexualité. Dis autrement, il ne s'agit pas seulement d'expliquer aux élèves "comment on fait les bébés" - et comment on peut éviter de les faire - , mais aussi de les informer sur les notions de respect, de liberté, de choix, etc.

Ces "séances d'information" instituées par la loi prennent des formes très différentes en fonction de l'âge des élèves. Au primaire les enseignants peuvent par exemple choisir de travailler sur les stéréotypes sexistes à l'occasion d'un cours d'histoire de l'art ou de français. Au collège et au lycée, on privilégie les groupes de paroles, les sessions d'échanges encadrées par des professionnels de santé ou des représentants d'associations comme le Planning familial (voir des exemples de séances). Le tout organisé, sur la base du volontariat, par des membres de l'équipe enseignante - professeurs, documentalistes, conseillers principaux d'éducation, infirmières scolaires.

Un ombre au tableau: la fréquence de ces séances. "Dans la pratique, en collège comme en lycée, nous sommes loin des 3 séances annuelles prévues par la loi! témoigne Caroline Rebhi, membre du bureau national du Planning familial. Le plus souvent ces séances sont organisées une seule fois dans l'année, uniquement à destination des 4e et des 3e, parfois des secondes". Joëlle Garraud, professeur de collège en Rhône-Alpes et formatrice sur ces questions pour le rectorat de Lyon, confirme: "Aucun établissement ne réussit à faire ses trois séances par an. Pour y arriver il faudrait notamment prévoir quelques heures sur l'éducation à la sexualité dans la formation initiale des futurs enseignants".

Objectif manqué pour la loi de 2001? Chantal Picot, chargée de la mise en oeuvre de l'éducation à la sexualité au ministère de 1994 à 2013, relativise: "La France fait partie des pays développés dans lesquels le plus d'adolescents ont une contraception - 87% des premiers rapports sont protégés. Le message passe, donc".

Puberté, contraception, et biologie du plaisir

Le message passe d'autant mieux que l'éducation à la sexualité, outre ces séances d'information annuelles, s'invite aussi très officiellement dans les cours de sciences, en cycle 3 (CE2, CM1, CM2), en quatrième, et en première. "La reproduction de l'homme et l'éducation à la sexualité sont effectivement au programme du cycle 3, témoigne Emilie Bidault, enseignante en CM1-CM2 à l'Institution du Saint-Esprit, une école privée de Beauvais, dans l'Oise. Nous devons aborder la puberté, l'anatomie des appareils génitaux féminins et masculins, la reproduction, l'accouchement, la contraception (voir des exemples de cours). Mais tous les enseignants que je connais abordent cette thématique en CM2. En CE2, ce serait trop tôt. Alors qu'en CM2, les enfants ont entre 10 et 12 ans, et c'est le bon moment pour aborder ces sujets qui les 'travaillent' beaucoup".

Après le primaire, l'éducation à la sexualité revient ensuite au menu du collège, en quatrième , via le cours de Sciences et vie de la terre (SVT), qui met l'accent mis sur "les phénomènes physiologiques liées à la puberté et à la reproduction". Au lycée enfin, le programme de SVT de 1ère prévoit l'étude de "la mise en place de l'appareil génital". Avec un petit supplément pour les 1ères S, qui, depuis la mise en place des nouveaux programmes de première scientifique en 2011, ont droit à un cours sur..."la biologie du plaisir".

Un enseignement obligatoire, et incontournable

Et les parents dans tout ça? La circulaire qui définit la mise en oeuvre de la loi de 2001 prévoit notamment "d'informer ou d'associer les parents d'élèves". Dans les faits, c'est rarement le cas. "Une erreur" pour Hélène Romano, docteur en psychopathologie à Créteil et auteur d'Ecole, Sexe et Vidéo. Elle cite en exemple la récente polémique sur le prétendu enseignement de la théorie du genre à l'école: "Si les parents avaient été informés il n'y aurait pas eu de polémique, ou en tout cas pas de cette ampleur". Pour la spécialiste, l'éducation sexuelle a toute sa place à l'école. "Mais dans l'idéal, ajoute-t-elle, il faudrait que parents et enseignants construisent ensemble une éducation sexuelle de qualité, en partant des questions et des attentes des jeunes".

Qu'en pense le ministère de l'éducation nationale? "L'éducation à la sexualité relève de la co-éducation avec les parents, peut-être plus que d'autres enseignements, reconnait Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire au Ministère de l'éducation nationale. Ils nous faut donc, sans doute, encore progresser sur l'information des familles". Chiche?