LE SEXE SELON MAÏA
Votre libido joue-t-elle l’autruche en cette fin d’année ? Tout est normal. Entre le mouvement #balancetonporc, la charge mentale, les révélations sur les viols de masse en Syrie, la pornification du quotidien ou le fossé salarial qui ne se résorbe pas : non seulement l’actualité sexuelle/sexuée est conflictuelle en elle-même, mais nous atteignons un point d’exaspération qui nous rapproche collectivement du point Lysistrata. Le sexe ? Sans nous. Stop. On a trop donné.
Est-ce que c’est fini, se demandent certains en s’arrachant les petites peaux autour des ongles ? Non. Qu’on parle d’abus sexuels ou de sexualisation du ménage, cette histoire-là a commencé il y a trop longtemps pour être classée comme « effet de mode ». Et puisque nous parlons tendance, puisque les femmes manifestement vident leur sac, laissez-moi vous proposer une prédiction : le prochain déferlement va tomber sur nos pratiques sexuelles concrètes – celles du couple, celles qui se déroulent dans le consentement mais pas forcément dans l’égalité.
La grande majorité des femmes sont clitoridiennes. Vous le savez. Vous l’avez lu, entendu à la radio, je vous ai moi-même assommé de chiffres cette année. Plus nous avançons sur les sentiers pas toujours commodes de la connaissance, plus nous constatons que la très artificielle division entre plaisir clitoridien et plaisir vaginal se déplace en direction du clitoris – ou plutôt en direction d’une combinaison des plaisirs. La science recolle les morceaux des femmes. En l’occurrence, plus vous êtes ambidextre, mieux c’est – mais en attendant qu’on vous greffe quelques bras supplémentaires façon Shiva, les femmes sont clitoridiennes. Certains scientifiques nient carrément l’existence de l’orgasme vaginal.
Ces faits médicaux n’ont pourtant aucun impact sur nos pratiques. Etrange, non ? Car quand on demande aux hommes de décrire leur expérience, ces derniers évoquent leur incroyable coup de chance : « Bien sûr que les femmes sont majoritairement clitoridiennes, je ne vis pas dans une grotte ! C’est seulement que moi, je ne tombe que sur des vaginales. » Pour rappel, 56 % des femmes ont déjà simulé au lit (les 44 % restantes mentent, n’ont pas compris la question ou sont trop occupées à jouer avec leur nouveau vibromasseur).
Le sexe façon « spaghettis au micro-ondes »
Le même déni est à l’œuvre autour du mouvement #balancetonporc : « Bien sûr que les femmes sont harcelées, mais moi, je ne connais aucun harceleur, d’ailleurs mon comportement a toujours été aussi nickel-chrome que la moto de Johnny. » Titiou Lecoq en fait également la remarque dans Libérées !, son récent (et très recommandable) ouvrage sur le non-partage des tâches domestiques : « Je ne rencontrais que les élues chez qui la révolution des esprits et des gestes avait déjà eu lieu (…). J’étais face à un constat classique, qui revient dans presque toutes les études sur le sujet : quand ils sont interrogés, la plupart des couples trouvent que leur propre répartition est juste. » Encore plus étrange, n’est-ce pas ? Les soucis liés au sexe et à la sexualité n’arrivent qu’aux autres. Les chiffres ? Eh bien, ce ne sont que des chiffres, justement. Abstraits, désincarnés.
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