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Barbara Pompili : "Construire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes serait vraiment dommageable"

La députée de la Somme Barbara Pompili (LREM) confie dans une interview au JDD ses espoirs pour Notre-Dame-des-Landes, pour les ambitions écologistes de l'exécutif, et pour son parti.

Thomas Liabot et Sarah Paillou , Mis à jour le
La députée Barbara Pompili dans son bureau à Paris, vendredi.
La députée Barbara Pompili dans son bureau à Paris, vendredi. © Sarah Paillou/JDD

Elle est présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale. Logiquement, la députée La République en marche (LREM) de la Somme Barbara Pompili surveille de près l'évolution du sensible dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes , qui voit son avenir se préciser avec la remise à l'exécutif, mercredi dernier, du rapport des médiateurs. "On sort de l'impasse", se réjouit auprès du JDD l'ancienne secrétaire d'Etat à la Biodiversité (2016-2017), qui prend position pour le réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique. Celle qui fut la première membre du gouvernement de François Hollande à rejoindre officiellement Emmanuel Macron critique aussi son parti, qui "a besoin de se structurer sur tout le territoire".

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Une "bonne nouvelle" pour Notre-Dame-des-Landes

Après la publication du rapport des médiateurs, le réaménagement de l’aéroport de Nantes Atlantique est réapparu comme crédible. Est-ce une satisfaction?
C'est une bonne nouvelle dans la mesure où on sort un peu de l'impasse. Avant, c'était : "Notre-Dame-des-Landes ou rien". On était un certain nombre à dire depuis longtemps que l'option de l'aménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique devait être considérée comme une alternative. Les expertises des médiateurs permettent de rendre crédible cette option. Maintenant il y a un choix politique à faire.

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Vous n'avez jamais caché votre opposition au projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Et si le chantier était malgré tout relancé?
Je trouverai ça vraiment dommageable car on dispose d'une alternative moins coûteuse, économiquement et pour l'environnement, qui peut répondre aux besoins liés à l'augmentation du trafic aérien. Cette option a aussi des défauts (le problème du bruit, qu'il va falloir gérer), mais qui sont moins graves qu'avec Notre-Dame-des-Landes. Si on pense que la préservation de l'environnement est essentielle, que montrer l'exemple est important, je crois que l'aménagement de Nantes Atlantique s'impose.

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Envoyer 4.000 soldats pour vider la ZAD, ce serait pire que tout parce que ça ferait gagner les extrêmes

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Comment gérer l'évacuation de la ZAD?
Le problème de la ZAD est complexe, avec des populations différentes : des agriculteurs, qui étaient là avant ; des idéalistes venus construire une autre manière de vivre en société ; et des gens très politisés qui, eux, peuvent être dangereux. On ne va pas pouvoir gérer ces populations de la même manière. Notre-Dame-des-Landes, c'est un énorme bourbier dont il faut sortir, mais pas brutalement. Il faut le faire sans se presser, en allant discuter avec les gens. Envoyer 4.000 soldats pour vider la ZAD, ce serait pire que tout parce que ça ferait gagner les extrêmes.

Les débuts de Macron, Hulot et de la majorité

Emmanuel Macron se veut moteur dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l'international et en France. Est-ce de l'opportunisme politique ou une vraie prise de conscience?
Qu'un des objectifs de sa mobilisation soit le rayonnement de la France à l'international, ou donner une image positive de sa présidence, ça ne me pose pas de problème. La question est de savoir si, aux niveaux national et européen, on met bien en application ce que l'on dit. Je crois qu'Emmanuel Macron a évolué sur la question de l'écologie. Avant, je le sentais intéressé mais pas forcément convaincu. Aujourd'hui, il a basculé : il a compris que c'était le sujet d'avenir essentiel mais aussi que la transition écologique permettrait de créer un nouveau modèle économique et des emplois... Ça, c'est plus sa culture.

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L'exécutif a reporté l'objectif de réduire à 50% la part d'électricité produite à partir du nucléaire à "2030 ou 2035", au lieu de 2025, comme le prévoyait la loi de transition énergétique. Est-ce une déception pour vous?
Le "lobby nucléaire" a tout fait pour discréditer la loi de transition énergétique. Son but était l'abandon de la loi, pour relancer un débat sur l'énergie qui nous aurait pris des mois. Pendant ce temps, on aurait lancé les travaux de rénovation et de mise aux normes des centrales nucléaires... Et à ce moment-là, comment justifier la fermeture de centrales pour lesquelles on aurait fait tant de travaux coûteux?

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Quand Nicolas Hulot accepte le report de la baisse du nucléaire à 50% de notre production, il sauve la loi de transition énergétique et il coupe l'herbe sous le pied de ceux qui voudraient la discréditer

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Ce report est donc une victoire, certes moindre, du lobby nucléaire?
De mon point de vue, c'est au contraire une défaite. Quand [le ministre de la Transition écologique et solidaire] Nicolas Hulot accepte le report, il sauve la loi de transition énergétique et il coupe l'herbe sous le pied de ceux qui voudraient la discréditer. Il a affirmé qu'on gardait la loi, qu'on l'appliquait. Il a sifflé la fin de la récré. Maintenant, on peut passer à la phase opérationnelle : la programmation pluriannuelle de l'énergie [PPE], qui est le mode d'emploi de la loi et qui sera prête en décembre 2019. C'est le point crucial du quinquennat. Parce que dans cette PPE, il y aura un calendrier précis de la baisse de la part d'électricité produite par le nucléaire, mais aussi celui du développement des énergies renouvelables. Enfin, on prend des décisions! C'est la victoire de l'action.

Quel regard portez-vous sur le travail de Nicolas Hulot au gouvernement?
Il a mis du temps à s'adapter à sa nouvelle mission, car ce n'est pas simple de passer de l'autre côté du miroir. Il est désormais confronté au réel, aux lobbies, aux arbitrages et il faut s'y adapter. Je pense qu'il a compris qu'il était au gouvernement pour "faire du Nicolas Hulot". Et ça marche : le glyphosate, par exemple, c'est une victoire politique. Il y a encore un an, la question portait sur la reconduction à 10 ans. Quand Nicolas Hulot a évoqué dans la presse le délai de trois ans, il a obligé tout le monde à se positionner autour de sa décision : le ministère de l'Agriculture, le Premier ministre, le Président, mais surtout la Commission européenne. Aujourd'hui, on est arrivé à une reconduction pour 5 ans, ce qui n'est pas terrible du tout, mais moitié moins que ce qui était prévu. Surtout, le Président a dit qu'on fixerait la limite à 3 ans en France. Jamais ça ne serait arrivé sans Nicolas Hulot. Ceux qui pensent qu'il n'en fait pas assez devrait réfléchir à ce qui se passerait s'il n'était plus ministre. Ce serait moins bien.

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(Sarah Paillou/JDD)

Avec le président de l'Assemblée, François de Rugy, et Nicolas Hulot, avez-vous le sentiment d'être la "vigie écologiste" d'En Marche?
Il y a un paradoxe : j'ai vu arriver à l'Assemblée nationale beaucoup de députés qui ont une sensibilité écologique, bien plus qu'avant. Les gens issus de la société civile sont en avance sur ces questions-là par rapport au monde politique. Mais au sein de l'Etat, des administrations, rien n'a changé au niveau des fonctionnements et des habitudes. On a parfois d'anciens réflexes qui sont toujours là même s'il y a des gens à l'Assemblée qui veulent faire avancer les choses. C'est un peu un choc des cultures et je suis curieuse de voir comment ça va évoluer. Evidemment, il y a des têtes de pont comme Nicolas Hulot, François de Rugy, Matthieu Orphelin ou moi, mais nous sommes les arbres qui cachent la forêt : derrière, il y a vraiment du monde.

L'écologie politique peut-elle encore exister par elle-même ou doit-elle nécessairement se fondre dans un plus grand ensemble?
On a essayé d'avoir une force écologiste identifiée avec EELV. C'était une très belle idée qui s'est heurtée au mur des réalités. On s'est divisé entre ceux qui voulaient participer au gouvernement pour faire bouger les choses et ceux qui estimaient que ça allait nous corrompre. Aujourd'hui, ce qui reste du parti est un petit noyau extrêmement sectaire. Quand le groupe La République en marche s'est mis en place, la question de savoir s'il fallait créer un courant écolo s'est posée. Mais il y avait un risque d'exclure de facto tous les autres qui ont cette sensibilité-là mais auraient eu l'impression qu'on faisait bande à part. Regardez ce qu'il se passe actuellement : les Verts qui sont en train de disparaître, le PS, Wauquiez qui répète "celui-là, s'il n'est pas content qu'il s'en aille"... Il y a un repli sur soi autour d'une espèce de pureté idéologique. Je ne fais pas de la politique pour ça mais pour améliorer la vie des gens.

La République en marche "a besoin d'un capitaine"

Pensez-vous que Christophe Castaner arrivera à "structurer" En Marche, comme vous le souhaitiez?
C'est trop tôt pour le dire mais je le souhaite. En Marche me fait penser à ce qu'on avait essayé de faire avec EELV, une grande maison qui s'ouvre à tous ceux qui ont envie de faire des choses. Mais je ne voudrais surtout pas que le soufflet retombe. Le mouvement a été lancé pour porter une candidature à la présidentielle puis pour les législatives. Il doit devenir plus que ça. On a besoin d'un mouvement qui se structure sur tout le territoire national. Il y a des endroits où ça se passe très bien, d'autres non.

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J'aurais préféré que Christophe Castaner consacre 100% de son temps à La République en Marche

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Christophe Castaner peut-il réussir cette mission tout en ayant conservé un poste au gouvernement? Vous étiez contre…
J'aurais préféré qu'il y consacre 100% de son temps. Mais il a dit à tout le monde qu'il se sentait capable d'assumer complètement les deux fonctions donc qu'il y aille! Je souhaite qu'il y arrive. En marche a besoin d'une présence, d'un capitaine.

Quel regard portez-vous sur les débuts des novices LREM? Jouez-vous un rôle particulier auprès d'eux?
Mon rôle au départ a été d'aider les novices à mieux connaître l'institution, les fonctionnements, éviter les pertes de temps, les pièges… C'est un peu comme quand un senior accueille un junior dans une entreprise. Aujourd'hui, on est arrivé au bout d'un cycle, les députés ont pris leurs marques pour la plupart. Mais ils ont tellement envie de faire des choses qu'ils ont tendance à en faire trop, à se disperser et à s'user Ils ont souvent abandonné un boulot qui leur plaisait et ils veulent donc se rendre utiles. Mais ils doivent accepter qu'ils ne pourront pas tout faire. C'est une discipline intellectuelle et psychologique qui n'est pas facile. On est donc passé de la découverte à la recherche de cet équilibre.

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