Economie

Economie

Le marché mondial des devises est-il manipulé par quelques grands acteurs?

L'image du courtier comptant les billets appartient (presque) au passé. Aujourd'hui, les transactions sur les devises passent principalement par les plateformes électroniques.

© ATTA KENARE - BELGAIMAGE

12 mars 2014 à 07:11Temps de lecture
Michel Visart

On l'appelle le FOREX, pour "foreign exchange", en français le commerce des devises étrangères. Environ 5300 milliards de dollars sont échangés chaque jour sur le marché des devises qui est le premier marché mondial, toutes " marchandises " confondues.

Malgré cette taille il est dominé par quelques intervenants. Plus de la moitié du volume des échanges passent par cinq grandes banques. Les deux premières places du podium sont européennes, l'allemande Deutsche Bank et la suisse UBS. Suivent trois américaines: Citi, Barclays et JP Morgan. Stanislas Standaert, professeur de finances à l'Université de Mons explique ce qui a conduit à cet oligopole : " On peut parler de sélection naturelle. Il est extrêmement difficile pour des petites banques de survivre sur ce marché parce que ces banques ne sont pas en mesure d’offrir des marges aussi étroites entre les cours vendeurs et acheteurs que les grandes banques. Pour gagner de l’argent, il faut travailler sur de très grands volumes ce qui favorise les grandes institutions ".

La fin des intermédiaires

Bien sûr, toutes les banques traitent les devises mais pour de nombreuses d'entre elles, l'exécution des ordres passe désormais par les plateformes des plus grandes institutions. Le phénomène est encore accentué par le fait que trois transactions sur quatre passent aujourd'hui directement par voie électronique, sans intermédiaire. Et cela va plus loin, environ un tiers des transactions sont effectuées par des automates. Il s'agit de programmes informatiques qui interviennent dans des délais ultracourts dans le but de profiter quasi instantanément des variations des cours.

Un contrôle impossible

Le marché des devises est donc de plus en plus grand et de plus en plus automatique. D’où cette question : est-il encore possible de le contrôler? Clairement, un vrai contrôle est devenu quasi impossible mais c’est un paradoxe car il apparait que certains y parviennent de manière totalement illégale. En effet, le nombre réduit d'acteurs favorise les manipulations. Depuis quelques mois, neuf des plus grandes banques ont licencié une vingtaine de leurs traders en devises, souvent les plus expérimentés. Certains parlent déjà d'un énorme scandale potentiel.

Pour Stanislas Standaert, le risque devrait toutefois être limité : " Bien sûr, il peut y avoir des manipulations mais je ne pense pas qu’elles puissent être très importantes ou systématiques. Si vous êtes bien informé et si vous avez de bonnes relations avec d’autres acteurs importants du marché, vous pouvez en tirer profit et chercher à influencer les cours du fixing qui servent de référence pour d’autres transactions ".

En pratique, cela se passe ainsi. A un moment défini, par exemple en fin de journée, le cours de référence (le fixing) est déterminé et il sert pour exécuter les transactions engagées auparavant. Les traders qui comptent sont peu nombreux, ils se connaissent, ils se parlent via des " chatrooms " et ils peuvent le cas échéant combiner leurs offres et leurs demandes pour influencer le fixing. C'est là-dessus que portent les soupçons. C’est un dossier qui ne fait que commencer.

Michel Visart

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Tous les sujets de l'article

Articles recommandés pour vous