Vol à 350 000 euros d’Edouard Philippe : on a vérifié les explications de Matignon

Il est « compliqué » et « cher » de déplacer un Premier ministre a affirmé ce mercredi Edouard Philippe après la polémique sur son vol privé pour revenir de Nouvelle-Calédonie début décembre. Analyse des différentes explications fournies par Matignon depuis 24 heures.

 L’intérieur d’un A340 privé de la compagnie Aéro Vision.
L’intérieur d’un A340 privé de la compagnie Aéro Vision. Capture d’écran site Aéro Vision

    Le 5 décembre, de retour de Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre et son équipe ont loué un avion privé à la société Aéro Vision pour voyager dans de « meilleures conditions ». Edouard Philippe « assume » les 350 000 € déboursés pour affréter ce vol privé entre Tokyo et Paris. La principale explication de ce retour « précipité » est le principe de présence du Premier ministre sur le territoire en cas d'absence du président de la République. Même si la règle a souffert par le passé de nombreuses exceptions, le chef du gouvernement doit se trouver en métropole en l'absence du chef de l'Etat, rappelle Matignon.

    Tour d'horizon des différentes explications avancées par les services du Premier ministre au cours des dernières 24 heures pour justifier ce vol.

    L'inconfort de l'A340 de l'Armée de l'air

    Pour Matignon, l'A340 de l'Armée de l'air, assez ancien et sans sièges business, « ne sert pas en temps normal à transporter ni des autorités militaires ni des membres du gouvernement en long courrier et de nuit ». En l'absence de l'A330 présidentiel, réservé pour le voyage d'Emmanuel Macron du 6 décembre en Algérie, il a été utilisé « exceptionnellement » par le Premier ministre entre Nouméa et Tokyo « justement pour faire des économies ». « L'avion militaire ne remplissait pas les conditions d'accueil du Premier ministre. Ce dernier doit pouvoir assurer ses fonctions, doit pouvoir travailler, faire sa toilette, s'allonger pour pouvoir assurer sa journée de travail. » Sur le vol aller entre Tokyo et Nouméa, « Edouard Philippe a dormi sur quatre sièges au milieu de l'A340, en raison de sa taille », a précisé le service de presse de Matignon, photo à l'appui.

    Contacté par « le Parisien », le service de presse de l'Armée de l'air a refusé de commenter « un vol dans le cadre d'un voyage officiel ». En revanche, il a accepté de préciser les missions de l'escadron de transport Esterel qui a assuré ce vol. « Il assure toutes les missions de transports militaires des trois armées sur de longues distances. Il sert aussi à acheminer des militaires français lors des opérations extérieures. L'escadron Esterel est composé de 5 Airbus qui sont stationnés à Roissy, 3 A310 et 2 A340, des TLRA (Très Long Rayon d'action) qui peuvent être engagés sur un court préavis pour une distance très éloignée », nous précise-t-on.

    « Ce sont des équipages avec un système d'alerte, sollicités lors des catastrophes humanitaires », ajoute-t-on au Sirpa Air. « L'A340 utilisé par Matignon a ainsi été le premier avion ayant transporté la sécurité civile dans les Antilles après le passage d'Irma. Sa configuration est très flexible, il sert aussi régulièrement lors de voyages officiels pour le transport de membres du gouvernement et de journalistes ». Le coût de ce type de vol n'est en revanche pas connu.

    La présence du Premier ministre à un Conseil de défense

    Dans un premier temps, selon l'AFP, l'usage de l'A340 version luxe d'Aéro Vision aurait permis au PM de gagner deux heures dans son planning chargé du 6 décembre. « Les deux heures ont permis au Premier ministre de revenir dans les temps impartis, alors qu'Emmanuel Macron s'apprêtait à décoller pour l'Algérie (il a atterri à 10h50 à Alger) et qu'un Conseil de défense était prévu à l'Elysée à 8 heures », pouvait-on lire dans une dépêche de 19h41, datée du 5 décembre. Il semblerait que cette explication soit un quiproquo. En effet, le Conseil de défense restreint avait été reporté au 8 décembre à 15h30 comme le montre l'agenda présidentiel.

    La question du coût d'un Tokyo-Paris

    Le vol de l'ensemble de la délégation a coûté 1, 3 million d'euros (aller-retour), les 350 000 euros du vol privé compris. Au total, ce sont 52 personnes qui sont revenues avec lui dans la délégation. « Dans un déplacement ministériel, toutes les personnalités sont logées dans les mêmes conditions. On peut le regretter, mais c'est l'usage », se justifie-t-on à Matignon.

    Matignon a, selon nos informations, cherché à négocier le prix du billet sur un vol de ligne Tokyo-Paris à 7600 € en première classe ou en business, mais l'avion atterrissait à 16 heures, ce qui posait problème en raison de l'agenda du président de la République. Sur un vol commercial classique d'Air France, un Tokyo-Paris en première classe coûte entre 4000 € et 8000 € en fonction de l'horaire de départ. Au prix négocié de 7600 €, le vol aurait donc coûté 395 200 euros à Matignon.

    Un A340 « classique » peut aussi être loué de manière privée pour la modique somme de 10 743 euros de l'heure. Ce qui pour un vol de onze heures, représenterait une somme de 118 173 euros, mais aurait nécessité de s'y prendre en amont.

    « Au total, le coût des vols pour ce déplacement ministériel a coûté 30 % moins cher pour l'Etat que le dernier voyage similaire en Nouvelle-Calédonie », celui de Manuel Valls en 2016, a également souligné Matignon. « Le vol de Manuel Valls avait coûté 2 millions d'euros, et 1,6 million pour celui de Jean-Marc Ayrault », soulignent les services d'Edouard Philippe. Manuel Valls a, de son côté, reconnu qu'un « déplacement de ce type est toujours très coûteux. »