Jean-Guy Talamoni : «Les Corses nous ont donné un mandat très clair»

Alors que s'installe aujourd'hui la nouvelle collectivité unique, le nationaliste Jean-Guy Talamoni juge que le gouvernement Macron connaît mal la question corse.

Ajaccio, mars 2017. L’indépendantiste Jean-Guy Talamoni présidera l’assemblée de la nouvelle collectivité unique de Corse.
Ajaccio, mars 2017. L’indépendantiste Jean-Guy Talamoni présidera l’assemblée de la nouvelle collectivité unique de Corse. AFP/PASCAL POCHARD-CASABIANCA

    Président sortant de l'Assemblée de Corse, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni s'apprête à se succéder aujourd'hui à lui-même lors de l'installation de la nouvelle collectivité unique de l'île. Les nationalistes, qui ont obtenu 57 % des suffrages le 10 décembre, y disposent de la majorité absolue.

    Lors de l'installation de la précédente Assemblée, en décembre 2015, vous aviez prononcé la totalité de votre discours en corse. Allez-vous faire de même aujourd'hui ?

    Jean-Guy Talamoni. Oui. Le corse est la langue de la Corse, on ne peut donc pas me reprocher de le parler ! Il y a par rapport à cela une sensibilité toute parisienne. Même les Madrilènes, qui ne sont pas très bien disposés en ce moment à l'égard des Catalans, ne leur reprochent pas de parler catalan ! Ici, tout le monde trouve normal qu'un élu corse, nationaliste de surcroît, s'exprime en corse. En revanche, lorsque j'ai reçu le Premier ministre Manuel Valls ou le président François Hollande, je ne leur ai pas parlé en corse, car cela aurait été discourtois et nous ne sommes pas dans la provocation.

    Quels sont les textes que vous jugez prioritaire de faire adopter durant cette mandature ?

    L'enjeu politique, ce n'est pas tellement de prendre de nouvelles délibérations, mais de conduire Paris à prendre en compte celles déjà votées. Certaines l'ont été, avec notre appui, avant même que nous dirigions l'Assemblée : la coofficialité de la langue corse, le statut de résident, le transfert de fiscalité à la collectivité territoriale de Corse et l'amnistie pour les prisonniers et les recherchés. Nous avons ensuite fait voter, dans les deux années suivantes, des délibérations importantes sur les transports maritimes ou la gestion des déchets.

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    Trouvez-vous Emmanuel Macron et son gouvernement réceptifs à vos demandes ?

    Nous ne voulons pas préjuger des discussions qui vont s'ouvrir avec le gouvernement dans les jours à venir, notamment avec M me Gourault, qui a été désignée comme Madame Corse...

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    L'annonce de cette désignation vous a-t-elle surpris ?

    Nous n'en avons pas été avertis, ce qui n'est pas une bonne méthode. Mais nous ne voulons pas développer une hyper-susceptibilité sur ce sujet : nous allons nous asseoir autour de la table sans a priori et pour avancer. Ce qui néanmoins n'est pas très positif, ce sont les déclarations de certains membres du gouvernement -- je pense, par exemple, au porte-parole Benjamin Griveaux --, qui ne connaissent absolument rien à la question corse.

    Le président Macron vient de se dire ouvert à des évolutions possibles, mais dans le respect de la Constitution, en excluant clairement le statut des résidents et la coofficialité de la langue...

    Le problème, c'est que le même homme a dit rigoureusement l'inverse lorsqu'il est venu en Corse, à Furiani, durant la campagne. Il avait alors dit qu'il était prêt à envisager de réviser la Constitution si nécessaire. Je crois qu'à l'heure actuelle ni le président de la République ni aucun membre de son gouvernement ne sont vraiment au courant de la question corse... Je souhaite qu'on évite désormais, avant même de s'asseoir autour de la table, de fermer des portes et de faire des déclarations qui ne sont pas éclairées par un travail en commun. Nous ne voulons pas compromettre les chances de réussir dans ce dialogue.

    Quand ce dialogue va-t-il commencer ?

    Nous n'avons pas encore de date précise, mais ce sera dans les jours à venir. Nous allons travailler avec Mme Gourault et certainement avec d'autres membres du gouvernement. Notre projet avait été adopté par les Corses qui nous ont élus en 2015. Il a été ensuite validé de manière massive lors des dernières législatives, où nous avons eu trois députés sur les quatre de l'île. Puis il y a eu l'élection de décembre, qui a été un véritable raz de marée. Une telle majorité absolue nous force à être ouverts, mais en même temps sûrs de nous. Les Corses nous ont donné un mandat très clair, que nous n'allons pas trahir.

    Quels enseignements tirez-vous de la crise en Catalogne ?

    Nous suivons cette crise avec attention. Nous ne sommes cependant pas dans la même séquence. Il y a ici un contrat de mandature entre les deux courants du nationalisme, les autonomistes et les indépendantistes. Ce contrat sur dix ans ne comporte pas de processus d'accès à l'indépendance. On sait très bien que si l'on votait demain sur l'indépendance en Corse, il n'y aurait pas de majorité pour cela. La question ne se pose donc pas aujourd'hui. On verra dans dix ans.

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