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Monde

Le charbon menace d’engloutir une forêt, à Hambach, en Allemagne

Convoitée par le géant de l’énergie RWE, la forêt de Hambach, dont le sous-sol regorge de lignite, est au cœur du mouvement de résistance contre l’exploitation du charbon en Allemagne.

  • Berlin (Allemagne), correspondance

C’est un joli coin de forêt au cœur du bassin minier rhénan, l’un des derniers poumons verts de la région, coincé entre les agglomérations de Cologne et d’Aix-la-Chapelle. La forêt de Hambach est réputée pour ses chênes et ses charmes, ses chauves-souris, grenouilles et oiseaux rares. Mais un autre de ses trésors attire la convoitise : son sous-sol riche en lignite, le moins cher des combustibles fossiles. Le plus polluant aussi.

En moins de 40 ans, les pelleteuses ont englouti 90 % de la forêt, sa faune, sa flore et plusieurs villages voisins pour y creuser la plus grande mine à ciel ouvert d’Allemagne. Quarante millions de tonnes de « charbon brun » en sont extraites chaque année par les excavatrices géantes de la compagnie d’énergie RWE. Et pour assurer l’alimentation de ses centrales électriques jusqu’en 2040, elle prévoit l’abattage complet du bois.

La mine de charbon de Hambach.

Outre-Rhin, la forêt de Hambach est devenue l’un des emblèmes du mouvement de lutte contre le sacro-saint charbon allemand, première source de production d’électricité du pays. À la lisière de ce qu’il reste de la forêt, face à la mine, plusieurs dizaines de militants occupent les lieux depuis 2012, dans des cabanes en haut des arbres. « C’est un combat très symbolique, contre le capitalisme, contre ces entreprises qui détruisent la planète, explique Sara, une militante francophone. RWE promet de créer une nouvelle forêt un peu plus loin, mais il faudra très longtemps pour qu’un écosystème équivalent à celui de Hambach s’y développe. »

« Ça vaut le coup de se battre pour chaque arbre, pour chaque mètre carré de forêt restant » 

Le groupe vit des dons de la population locale et observe une mobilisation croissante. « Le problème du charbon préoccupe de plus en plus de gens et le lien se fait entre la question du charbon et l’avenir de la forêt, poursuit Sara. La couverture médiatique a aussi joué, avec les blocages de mines organisés par Ende Gelände et l’organisation de la COP23 en novembre près d’ici, à Bonn. »

Le sauvetage de la forêt de Hambach passe aussi par les tribunaux. L’organisation environnementale allemande Bund en est la figure de proue depuis les années 1990. « Ça vaut le coup de se battre pour chaque arbre, pour chaque mètre carré de forêt restant, explique Dirk Jansen, le directeur de la section régionale de Rhénanie-du-Nord–Westphalie. La forêt de Hambach ne fait plus que 700 hectares aujourd’hui, mais elle est toujours l’espace naturel le plus important de la région à la fois par sa taille mais aussi par sa biodiversité. »

Plusieurs centaines de manifestants réunis dimanche 10 décembre contre l’abattage de la forêt de Hambach.

Concrètement, BUND porte plainte contre l’autorisation d’exploitation de la mine de Hambach jusqu’en 2030, délivrée par les autorités régionales. Elle critique notamment l’absence d’étude d’impact environnemental du projet, notamment sur une espèce protégée de chauve-souris, la Murin de Bechstein. Après plusieurs échecs, l’ONG vient de remporter sa première victoire : la cour d’appel de Münster a ordonné la suspension des travaux d’abattage en attendant une décision sur le fond au début de l’année 2018. Le géant de l’énergie ne semble en tout cas pas prêt à revoir ses plans. « Nous sommes confiants du fait que les travaux vont bientôt reprendre » a affirmé le porte-parole de RWE, Guido Steffen, à la Deutsche Welle. Dans la Zad de Hambach, on ne croit guère à une issue positive : « On se prépare à une évacuation d’un moment à l’autre », explique Sara. A quelques mètres de là, les excavatrices de la mine continuent de creuser.

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