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Réforme de l'ISF: chez les ministres, le bingo pour Pénicaud

Des internautes nous ont demandé, d'après les déclarations de patrimoine des ministres, si ces derniers allaient profiter de la réforme de l'ISF.
par Cédric Mathiot
publié le 2 janvier 2018 à 16h23

Beaucoup d'internautes nous ont posé, sur Checknews.fr, la même question. Alors que les déclarations de patrimoine des ministres ont été rendues publiques à la fin de l'année, et qu'on compte un certain nombre de ministres «millionnaires», ces derniers vont-ils profiter (un peu, beaucoup?) de la réforme de l'ISF?

Pour rappel, l’ISF va se transformer en IFI (Impôt sur la fortune immobilière): si les seuils et le barème demeurent identiques, l’IFI ne taxera plus les biens mobiliers (actions, liquidités, placements financiers divers, etc.) se limitant comme son nom l’indique au seul patrimoine immobilier.

Muriel Pénicaud: 62 000 euros d’économie grâce à la réforme de l’ISF

Pour répondre à vos questions, nous avons demandé à Marc Uzan, avocat fiscaliste à Paris, d'évaluer l'impact de cette réforme sur l'impôt des membres du gouvernement, à partir des déclarations de patrimoines publiées sur le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Il ressort de ces simulations (qui se basent sur les masses des déclarations, et peuvent donc présenter quelques petites approximations) que c’est la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui est la plus grande bénéficiaire de la réforme, réalisant une économie de 62 000 euros par an par rapport à ce qu’elle payerait sur son patrimoine déclaré avec l’ISF ancienne formule.

Au sein du gouvernement, la ministre du Travail affiche le plus gros patrimoine, avec quelque 7,7 millions d’euros. Mais c’est surtout la structure de ce dernier qui lui fait profiter à plein de la réforme. Outre ses propriétés immobilières (qui ne pèsent que «marginalement» dans son patrimoine), elle possède surtout d’importants contrats d’assurance vie et liquidités, pour un total de près de 5,9 millions d’euros. Or, ce sont précisément là les exemples de produits mobiliers qui étaient taxés au titre de l’ISF, et qui cesseront de l’être au titre de l’IFI.

Muriel Pénicaud (après abattement de 30% sur la valeur de sa résidence principale) déclare un patrimoine qui aurait été imposable à hauteur de 7 112 000 euros au titre de l’ISF. Par la grâce de la réforme, ce n’est plus que 18% de son patrimoine net (uniquement l’immobilier, donc) qui se retrouve imposable au titre de l’IFI. Soit 1 250 000 euros, une somme inférieure au seuil de déclenchement de l’impôt (1,3 million d’euros). Muriel Pénicaud devient non imposable à l’IFI.

En valeur absolue, son imposition sur la fortune passe donc de 62 000 euros… à 0.

Nicolas Hulot, 50% d’économie grâce à la réforme (un peu plus de 10 000 euros)

Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, affiche un patrimoine proche de celui de la ministre du Travail en valeur absolue (plus de 7 millions d’euros). Mais il est très différent de par sa structure (ce qui explique que l’effet de la réforme de l’ISF a bien moins d’impact). Il est d’abord composé de biens immobiliers (qui continueront à être taxés au titre de l’IFI) pour près de 3 millions d’euros: il s’agit de ses maisons en Corse, Bretagne et Savoie. Il est également composé pour quelque 3 millions d’euros des titres de sa société, Eole. Des actions qui ne seront pas taxées par l’IFI… mais qui n’étaient pas taxées non plus au titre de l’ISF, étant des biens professionnels. En fait, seule une petite part du patrimoine de Nicolas Hulot est concerné directement par la réforme, il s’agit de ses placements financiers non immobiliers (970 000 €) et de ses liquidités (203 000 euros) et autres biens mobiliers (ses six véhicules).

Résultat : environ la moitié (52%) du patrimoine déclaré de Nicolas Hulot entrerait dans le calcul de l’ISF ancienne version. Avec l’IFI, cette part n’est plus que de 33%.

En valeur absolue, l’imposition passe de 20 000 euros à 8 500 euros.

Françoise Nyssen cesse d’être imposable… mais ne gagne que 3 000 euros

La situation de la ministre de la Culture est assez proche de celle de Nicolas Hulot, en ce sens que si elle affiche un patrimoine confortable (supérieur à 5 millions d’euros), celui-ci est en très grande partie constitué de biens professionnels (4 millions d’euros d’actions), qui n’étaient donc pas taxables au titre de l’ISF (et ne le seront pas non plus au titre de l’IFI). Le patrimoine déclaré de François Nyssen ne serait ainsi taxé (au titre de l’ISF ancienne formule) qu’à hauteur de 26% (immobilier, placements financiers et liquidités). Avec la réforme, elle cesse d’être imposable au titre de l’IFI, puisque son patrimoine taxable (l’immobilier) se trouve désormais en-deça du seuil de l’impôt. En valeur absolue, l’économie est toutefois faible: à peine plus de 3 000 euros (ce qu’elle aurait payé au titre de l’ISF).

Aucune économie pour Bruno Le Maire et Edouard Philippe, qui n’étaient pas imposables au titre de l’ISF.

Parmi les ministres millionnaires figurait aussi le nom d’Edouard Philippe. Le Premier ministre déclare un appartement parisien évalué à 1,25 million d’euros et un appartement d’une valeur de 400 000 euros. Le total de ses placements et liquidités atteint environ 55 000 euros, et il doit également rembourser un emprunt immobilier de 336 000 euros. Mais ce patrimoine ne le rendait pas imposable à l’ISF (se situant en-deçà du seuil de déclenchement de l’impôt). Il ne sera pas non plus taxé au titre de l’IFI. Son économie est donc nulle.

Même chose pour Bruno Le Maire, «maître de Bercy», qui n’était pas non plus imposable au titre de l’ISF et ne le sera donc pas non plus au titre de l’IFI.

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