Macron affiche ses «désaccords» avec Erdogan sur les droits de l’Homme

«Les démocraties doivent pleinement respecter l’Etat de droit», a déclaré le président français lors d’une conférence commune avec son homologue turc.

 Palais de l’Elysée (Paris), vendredi 5 janvier.
Palais de l’Elysée (Paris), vendredi 5 janvier. AFP/LUDOVIC MARIN

    Mercredi, lors de ses vœux à la presse, Emmanuel Macron avait promis qu'il évoquerait avec Recep Tayyip Erdogan « la situation des journalistes emprisonnés » en Turquie. Cela a bien été le cas, comme l'a fait savoir le président français ce vendredi après-midi au cours d'une conférence de presse commune avec son homologue turc.

    Tout en ayant conscience des « déstabilisations auxquelles la Turquie a eu à faire face », principalement la tentative de putsch manquée du 15 juillet 2016, Emmanuel Macron a mis en avant des « désaccords sur la vision des libertés individuelles ». « Les démocraties doivent pleinement respecter l'Etat de droit », a-t-il encore affirmé. Le chef de l'Etat a ainsi abordé « plusieurs cas » avec Erdogan, en particulier celui d'enseignants de l'université de Galatasaray accusés de « propagande terroriste » après avoir signé une pétition dénonçant le « massacre » de civils durant des opérations visant les rebelles du PKK.

    Vif échange entre Erdogan et un journaliste

    Emmanuel Macron a également mentionné le cas de « plusieurs dirigeants d'ONG et de journalistes » et a relayé « les noms transmis par Reporters sans frontières ». Le secrétaire général de RSF avait dénoncé un peu plus tôt la chape de plomb qui s'est abattue dans ce pays classé 155e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse.

    Le président français a déclaré être persuadé que des « solutions concrètes » seront trouvées. Un peu moins prolixe sur le sujet, Recep Tayyip Erdogan a une nouvelle fois dénoncé l'influence du FETO, le réseau du prédicateur Fethullah Gülen gülenistes, accusé d'être derrière la tentative de coup d'Etat il y a un an et demi. Le président turc s'est d'ailleurs emporté contre un journaliste d'« Envoyé spécial », lui reprochant de reprendre les arguments du FETO lorsqu'il a été interrogé sur la supposée fourniture d'armes aux djihadistes de Daech en janvier 2014.

    « En Turquie aussi, la justice est indépendante », a assuré le dirigeant turc, confirmant qu'Emmanuel Macron lui avait donné « certains noms ». Des noms sur lesquels il va demander des précisions à son tour à son ministre de la Justice, a-t-il assuré.

    Vers la fin de l'arlésienne européenne ?

    Conséquence des « évolutions récentes » et des « choix » opérés par la Turquie sur les libertés fondamentales, « aucune avancée » ne peut avoir lieu quant à une éventuelle entrée dans l'Union européenne, a estimé Emmanuel Macron « Nous devons sortir d'une hypocrisie qui consiste à penser qu'une progression naturelle vers l'ouverture de nouveaux chapitres (de négociation) est possible », a-t-il ajouté.

    Rappelant que son pays frappe en vain à la porte de l'Union européenne depuis 54 ans, Recep Tayyip Erdogan a expliqué que la Turquie était « fatiguée » d'attendre. « On ne peut pas en permanence implorer une entrée dans l'UE », a-t-il résumé. « L'Union européenne n'a pas toujours bien fait avec la Turquie parce qu'elle a laissé croire que des choses étaient possibles alors qu'elles ne l'étaient pas totalement », a reconnu Emmanuel Macron.

    A défaut d'une entrée dans l'UE comme Etat membre à part entière, le président français s'est fait l'avocat d'un « partenariat » entre Ankara et Bruxelles pour « préserver l'ancrage de la Turquie et du peuple turc dans l'Europe et de faire que son avenir se construise en regardant l'Europe et avec l'Europe ».