Daech : la France accueille déjà les enfants de la guerre

De nombreux mineurs sont rentrés avant même les défaites récentes de Daech en Syrie et en Irak. Un dispositif très discret a été mis en place en Seine-Saint-Denis où 44 enfants ont été accueillis depuis un an.

Les enfants revenus des zones de djihad sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Les enfants revenus des zones de djihad sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. AP /Vadim Ghirda

    Alors que la question du retour de personnes parties faire le djihad devient de plus en plus problématique (lire encadré), une population à part fait déjà l'objet de procédures d'accueil en France : les mineurs revenant des zones de conflit. Et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis. Dès qu'ils posent le pied à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, les enfants de djihadistes français, qu'ils soient nés en France ou à Raqqa, relèvent de la justice et de l'aide sociale à l'enfance du département. Depuis un an et demi, 44 mineurs sont arrivés, à l'image de ces quatre derniers, âgés de 3 à 11 ans, dont une fratrie de trois, rentrés d'Irak le 18 décembre.

    « En général, on dispose de très peu d'informations à leur arrivée, témoigne une source judiciaire, certains n'ont même pas d'état civil. » Sur les 44 déjà revenus, 33 sont nés en France, les autres ont poussé leur premier cri à l'étranger : en Arabie saoudite, Irak, Syrie ou sur la route de Gaziantep (Turquie)... Une recherche de filiation doit alors être menée pour déterminer avec certitude leur ascendance.

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    Les premiers jours sont consacrés à l'évaluation de l'état de santé physique et psychique de ces jeunes, dans le cadre d'un placement provisoire ordonné par le parquet. « Ces enfants sont perturbés, ils ont vécu des bombardements », résume sans trop s'étendre Thierry Baranger, coordinateur du tribunal pour enfants de Bobigny. « On ne sait pas ce qu'ils ont vu, vécu, ni à quoi ils ont participé pour les plus âgés », renchérit un autre magistrat. « Il est fondamental de ne pas séparer les fratries », poursuit le juge Baranger.

    Le lieu de placement tenu secret

    Les leviers classiques de protection de l'enfance sont activés, avec un suivi par des éducateurs et des placements, soit dans la famille élargie si le juge estime que c'est opportun -- certains des enfants ont ainsi été confiés à leurs grands-parents, et deux petits ont été remis à leur mère placée sous contrôle judiciaire -- soit en famille d'accueil dans le département. Il s'agit de familles d'accueil avec lesquelles l'administration a l'habitude de travailler, « les plus solides », confie un cadre de la direction de la famille.

    Dans plus d'une vingtaine de cas, la Seine-Saint-Denis a passé la main à d'autres départements d'où étaient originaires les enfants et où ils ont encore de la famille. Il reste à ce jour 21 enfants (âgés de 6 à 8 ans majoritairement) pris en charge dans ce département dans la plus grande discrétion. « Le secret du lieu de placement est indispensable, précise un magistrat de Bobigny. Y compris pour éviter que des membres de la famille ne décident de les enlever. »

    L'histoire et le passé de ces enfants ne sont pas anodins et suscitent de l'inquiétude dans les rangs des travailleurs sociaux. En cas de droit de visite accordé aux parents emprisonnés, il leur faut accompagner l'enfant en prison ou lors de visites médiatisées par un tiers. « L'intérêt est que ces enfants soient traités comme des enfants. Ce sont des gamins avant tout, des victimes », insiste un magistrat. Tous les intervenants ne sont pas de cet avis et, en coulisse, certains regrettent qu'une prise en charge plus spécifique ne soit pas mise en oeuvre.