Dopage : «Jusqu'où Armstrong a-t-il menti ?»

Philippe Brunel, journaliste, s'interroge dans un livre sortir mercredi sur la possible utilisation par Lance Armstrong d'un moteur pour gagner le Tour de France. Une enquête troublante.

Sestrières (Italie), le 13 juillet 1999. A 6 km de l’arrivée, Lance Armstrong s’envole vers la victoire d’étape, consolidant ainsi son maillot jaune.
Sestrières (Italie), le 13 juillet 1999. A 6 km de l’arrivée, Lance Armstrong s’envole vers la victoire d’étape, consolidant ainsi son maillot jaune. AFP/ PATRICK KOVARIK

    Fin 1998, Lance Armstrong a-t-il acheté — indirectement — à l'ingénieur hongrois Istvan Varjas son prototype de moteur miniaturisé pour remporter sept Tours de France à partir de 1999 ? Dans « Rouler plus vite que la mort », Philippe Brunel, 61 ans, journaliste à L'Equipe, enquête sur cette hypothèse.

    Votre livre se lit comme un roman...
    Philippe Brunel.
    La vie d'Armstrong est un roman en soi, mais celle de Varjas aussi. Les deux mêlées, ça donne une coloration romanesque à la chose, mais elle est réelle !

    Quel regard portez-vous justement sur ce fameux Istvan Varjas, le physicien hongrois inventeur du moteur dans les vélos ?
    Comme tous les inventeurs, il peut être un personnage très obscur, ambivalent, équivoque. Je suis rentré peu à peu en confiance avec lui. Et les choses se sont enchaînées. Il m'a dit : « Voilà, en 1998 on m'a payé 2 millions de dollars pour que je me taise pendant dix ans. » Après, je juxtapose les faits, je procède par collages, par collision d'images. Rien d'autre. Je laisse le lecteur avoir son propre avis. Ce ne sont que des troublantes coïncidences. Pas des preuves.

    Pourquoi mêler Armstrong à ça?
    Il nous a vendu une légende. Beaucoup de gens ont voulu y croire. Bien des années après devant Oprah Winfrey, il dit que tout était faux, qu'il avait menti. On est en droit de se poser la question : jusqu'où Armstrong a-t-il menti? Voilà, c'est tout. Mais je ne l'accuse pas. Je mets en corrélation des événements.

    Le procédé est redoutablement efficace...
    La frontière entre le doute et la conviction est mince. Il y a eu aussi cette histoire du journaliste irlandais qui l'interrogeait, en 2016, dans l'émission de radio « Off the Ball ». En duplex, à l'improviste, il lui demande s'il a utilisé le moteur. Et, là, Armstrong dit : « Vous êtes fou de me poser cette question, ça n'existait pas à mon époque. » Alors que ça existait. Ou il a menti consciemment. Ou il ne savait pas.

    Du coup, qu'en est-il pour les autres coureurs soupçonnés notamment Cancellara et Froome?
    Si ça existe depuis vingt ans, est-ce qu'on peut penser qu'une Belge de 18 ans, un amateur italien et un 3e Catégorie en Dordogne (NDLR : les premiers à se faire attraper par des contrôles) ont été les seuls à utiliser ce truc-là? On est dans l'ère du doute. Mais il doit bien y avoir une solution. C'est bien de la part de l'UCI d'avoir nommé Péraud pour lutter contre la fraude technologique. J'ai l'impression qu'ils prennent les choses avec sérieux. Il est temps d'établir des règles drastiques. Moi, je fais ça parce que j'aime le cyclisme. Je voudrais que les jeunes puissent s'émouvoir face au Tour et être sûrs que ce qu'ils voient est vraiment réel.

    « Rouler plus vite que la mort », de Philippe Brunel, Ed. Grasset, 198 pages, 18 euros.