Arabie saoudite : libérez Raif Badawi !

Le blogueur a été condamné en 2013 à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet pour avoir prôné la tolérance religieuse. Sa femme se bat pour sa libération.

Par Clarence Rodriguez*

Ensaf Haidar a assisté, le 10 janvier à la Maison de l'Amérique latine à Paris, à la remise du prix Simone de Beauvoir à la romancière et essayiste turque Asli Erdogan.

Ensaf Haidar a assisté, le 10 janvier à la Maison de l'Amérique latine à Paris, à la remise du prix Simone de Beauvoir à la romancière et essayiste turque Asli Erdogan.

© Clarence Rodriguez

Temps de lecture : 4 min

Cinq ans après… Raif Badawi, lauréat du prix Sakharov 2015, est toujours en prison. Le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, alias « MBS », instigateur de nombreuses réformes sociétales dans son royaume, fera-t-il un geste « royal » en libérant le jeune Saoudien cette année ?

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Ensaf Haidar, l'épouse de Raif Badawi, nourrit un petit espoir… Depuis octobre 2013, Ensaf Haidar et ses trois enfants (âgés de 14, 13 et 11 ans) se sont exilés dans la ville de Sherbrooke au Québec. C'est de là que la jeune femme de 32 ans se bat sans faillir pour la libération de son mari. Ce dernier a été condamné par la justice saoudienne à 10 ans de prison, 1 000 coups de fouet et 232 000 euros d'amende pour « insulte envers l'islam » et pour avoir créé et animé un site, Free Saudi Liberals (« Libérez les libéraux saoudiens »), prônant la tolérance religieuse et proposant aux internautes un forum pour débattre des idées et des réformes susceptibles de faire évoluer les mentalités et la société saoudiennes vers davantage de liberté citoyenne. Le 9 janvier 2015, le jeune blogueur saoudien a reçu cinquante coups de fouet devant la foule réunie sur la place de la mosquée de Djufali à Jeddah, suscitant un tollé international. Ensaf Haidar est à Paris. Clarence Rodriguez l'a interviewée.

Clarence Rodriguez : Vous avez récemment appris que Raif était inscrit sur une liste de « Pardon royal ». Cela signifie-t-il que votre mari pourrait prochainement être libéré ?

Ensaf Haidar : J'ai en effet appris que son nom figurait sur une liste établie par les autorités dont les personnes sont incarcérées pour avoir bafoué la liberté d'expression. C'est une délégation de parlementaires européens qui s'est rendue en octobre dernier à Riyad qui m'a avertie. Seul le roi Salmane peut accorder la grâce royale. Malgré l'attente insoutenable pour mes enfants et moi-même. Je veux y croire ! Je veux y croire parce que Mohammed ben Salmane est un jeune prince (33 ans, NDLR) qui insuffle actuellement un souffle nouveau dans le royaume. Il sera demain le prochain roi d'Arabie saoudite. Toutes les décisions ou les réformes de ces derniers mois donnent une autre image du pays. Une image d'ouverture et de modernité. J'attends avec impatience que Mohammed ben Salmane ou son père, le roi Salmane, libèrent Raif.

Mais apparemment, « si Raif Badawi obtenait le pardon de son propre père, il serait automatiquement libéré ?

Impensable ! C'est le député libéral fédéral Omar Alghabra qui m'a fait cette demande à la suite d'une rencontre avec l'ambassadeur de l'Arabie saoudite. Je ne me vois pas demander à mon beau-père d'écrire une lettre en ce sens, alors qu'il est en partie responsable de l'emprisonnement de son fils, également accusé de « désobéissance à son père ». Raif a en effet pris parti pour sa sœur Samar – elle-même militante féministe dénonçant depuis longtemps la tutelle masculine. Dans ses papiers publiés sur son blog, mon mari a dénoncé l'abus de son père qui empêchait sa sœur d'épouser l'homme de son choix. Samar a elle-même été incarcérée pour désobéissance.

Il semblerait que des pays européens comme la Suède, l'Allemagne, l'Autriche, la Norvège vous soutiennent énormément. Plus que la France ?

Oui, tous les pays que vous avez cités m'aident beaucoup. La France est plutôt timorée. Elle est même discrète. Je voudrais profiter d'être à Paris pour rencontrer le président Macron ou Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Je souhaiterais qu'Emmanuel Macron, qui entretient de bonnes relations avec MBS, soutienne le dossier de Raif. S'il pouvait l'évoquer lorsque Mohammed ben Salmane se rendra prochainement à Paris fin février ou début mars, je serais heureuse. Mes enfants aussi. Pour moi, la France est le pays des droits de l'homme.

Comment va Raif Badawi ?

Il est très affecté moralement. Il souffre toujours de son problème aux reins. La dernière fois que je l'ai eu au téléphone, c'était la semaine dernière. C'est lui qui nous appelle de la prison située à 80 kilomètres de Jeddah. La communication ne dure jamais plus de dix minutes. Mais ce sont dix petites minutes de bonheur durant lesquelles on parle des enfants… Cela nous fait du bien de l'entendre. Je le tiens au courant de mes déplacements à l'étranger pour tenter de le faire libérer. À la maison, il est partout. Des portraits de lui sont affichés à tous les murs de l'appartement. Il est avec nous. Mais le plus dur pour Dode, Maryam et Nejwa, c'est de ne pas pouvoir l'embrasser, de ne pas être tenus dans ses bras.

* Clarence Rodriguez est journaliste, auteure d'« Arabie saoudite 3.0, paroles de la jeunesse saoudienne », éditions Erick Bonnier (octobre 2017). Correspondante à Riyad de 2005 à 2017.

** Ensaf Haidar, présidente de la Fondation Raif Badawi, a répondu à l'invitation de la journaliste et écrivaine Djemila Benhabib à l'événement organisé par l'Observatoire de la laïcité et dont elle est la marraine : « Avec Charlie, j'écris ton nom, laïcité ». Samedi 13 janvier, place de la Bourse à Saint-Denis à 14 heures.

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Commentaires (8)

  • Mokummer

    C’ Est un pays qui va vers la modernité. Quel père peut continuer à condamner son fils de cette façon et pour la religion. LIBÉREZ CE GARÇON.

  • dutch1

    Ce dossier se traitera dans la discrétion, indépendamment de la realpolitik (que j'approuve par ailleurs).

    Inutile de mettre le prince MBS en porte-à- faux par des pressions publiques auxquelles il ne saurait céder. Raif Badawi sera libéré le plus discrètement possible.

    Dans ces pays les progressistes évoluent en terrain miné. Le chemin est encore long.

  • Tourangeau

    Ce pays a toujours été et restera toujours extrémiste vu qu’il est gouverné par la religion de plus du courant wahabite qui est très fortement intolérant et qui a soutenu pendant des années des terroristes.