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#metoo : « L’absence de solidarité des femmes me sidère », selon l’historienne Michelle Perrot

Dans un entretien, l’historienne réagit à la tribune critique vis-à-vis de #metoo publiée dans « Le Monde » le 9 janvier.

Propos recueillis par Nicolas Truong

Publié le 11 janvier 2018 à 10h34, modifié le 04 octobre 2022 à 17h39

Temps de Lecture 6 min.

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Michelle Perrot, le 3 octobre 2009 dans les locaux du « Monde ».

Historienne de renommée internationale, spécialiste de l’histoire des femmes, professeure émérite à l’université Paris-VII – Denis-Diderot à laquelle la revue Critique consacre un numéro entier, en septembre 2017 (n° 843-844 : « Michelle Perrot : l’histoire ouverte », éditions de Minuit), auteure de Mon histoire des femmes (Seuil, 2006), de Histoire de chambres (Seuil, 2009 - Prix Femina essai) et directrice, avec Georges Duby, de Histoire des femmes en Occident, Plon, 1990-1991 (5 volumes), Michelle Perrot fait une analyse critique de la tribune des cent femmes pour « libérer une autre parole », publiée dans Le Monde du mercredi 10 janvier et notamment cosignée par Catherine Deneuve.

Les cent femmes réunies en collectif pour « libérer une autre parole » ont-elles eu raison de vouloir contrer le « puritanisme » apparu selon elles avec l’affaire Weinstein ?

J’aurais aimé que ces cent femmes créatrices mettent leur connaissance du milieu artistique et médiatique et leur prestige « au service » des révoltées de #metoo, même si elles n’ont jamais eu personnellement affaire à des « porcs » ! On peut se sentir solidaire d’une injustice sans l’avoir éprouvée.

Leur distance de femmes non concernées, libres et triomphantes au-dessus de la mêlée des corps, réfugiées dans leur for intérieur inexpugnable, me déçoit plus qu’elle ne me choque. Leur absence de solidarité et leur inconscience des violences réelles subies par les femmes me sidèrent. Mais après tout, elles disent ce qu’elles pensent, d’autres partagent leur point de vue. Le débat existe. Il faut l’assumer.

Sur quels points les rejoignez-vous ?

Ces femmes attirent l’attention sur la frontière parfois ténue qui sépare drague, séduction, harcèlement, cette zone confuse, trouble, où les sexes se côtoient, sans savoir encore s’il s’agit de jeu, de désir ou de captation. L’imaginaire, la poésie, le roman s’y abreuvent. On peut comprendre. Mais s’agit-il bien de cela ?

Elles refusent que le sexe fort soit totalement assimilé à la race porcine, ce qui ne serait ni juste ni plaisant pour leurs partenaires, elles (ou eux)-mêmes dévalués par cette proximité. Mais en est-il question ? Assurément non.

Dénoncer les abus de quelques-uns ne représente pas la « vague purificatrice » de je ne sais quelle Inquisition

Elles redoutent que cette protestation féminine ne fasse reculer les frontières des libertés de tous ordres : sexuelle, artistique, créatrice. Qu’un moralisme de retour ne recouvre les plages découvertes et parfois rudement conquises par la pensée libertaire, comme jadis on recouvrait les nudités des fresques de Michel-Ange. Que le corps et le sexe redeviennent un monde interdit. Qu’au nom de la protection des femmes, un insidieux ordre moral ne favorise la censure contraire à l’invention créatrice et à la libre circulation des désirs. Dès longtemps, les analyses de Foucault ont démêlé les fils noirs de l’histoire de la sexualité et les pièges des interdits. Et là, oui, on peut frémir.

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