Qui est l'islamiste proche de Ben Laden qui a poignardé trois surveillants de prison ?

Qui est l'islamiste proche de Ben Laden qui a poignardé trois surveillants de prison ?
Comment cet homme timide et originaire de Gliwice, une petite ville du sud de la Pologne, est-il devenu l'ami de Ben Laden ? (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Incarcéré depuis 2003, Christian Ganczarski a agressé jeudi trois surveillants de la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil. Portrait.

Par Charlotte Cieslinski avec Mathieu Delahousse
· Publié le · Mis à jour le
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Garçon timide, devenu proche d'Oussama Ben Laden, puis complice des attentats de Djerba et peut-être de ceux du 11-Septembre, l'itinéraire de ce djihadiste, né en Pologne dans une famille catholique pratiquante est désarmant, vertigineux. Jeudi, il a agressé à l'arme blanche trois gardiens de la prison de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais. L'agression a eu lieu vers 16 heures, ont indiqué à "l'Obs" des sources syndicales. Christian Ganczarski, récemment placé en quartier disciplinaire, a profité de l'ouverture de la porte par les surveillants pour se jeter sur eux armé de ciseaux et couteau, en criant "Allah Akbar !"

Agé de 51 ans, en fin de peine, la détention de Christian Ganczarski ne posait pas de problème en particulier, selon des informations obtenues par "l'Obs". Mais qui est véritablement Christian Ganczarski ? Comment cet homme timide et originaire de Gliwice, une petite ville du sud de la Pologne, est-il devenu l'ami de Ben Laden ?

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Pas-de-Calais : trois surveillants de prison poignardés par un détenu radicalisé

Enfance catholique en Pologne

En 2009, le quotidien polonais "Dziennik" était allé à la rencontre de ses proches et de sa famille, à Glitwice. Andrzej Wierzbicki, qui a été son voisin, se souvient d'une famille catholique pratiquante, qui allait à la messe le dimanche et se confessait le vendredi :

"J’ai été stupéfait d’apprendre que Krystian était un terroriste, un islamiste ayant des liens avec Al-Qaida. J’aurais pu tout imaginer, mais pas qu’il puisse tuer des innocents. Pas lui !"

Son oncle Piotr et sa tante Malgorzata sont tout aussi abasourdis. "Nous avons su qu’il avait épousé une femme d’origine arabe. Ils ont eu deux enfants… Mais un terroriste ?", s'étranglent-ils dans "Dziennik". Malgorzata décrit aussi la détresse du père de Christian Ganczarski, Manfred : "Quand nous avons appris la nouvelle, nous avons immédiatement appelé Manfred, son père. Il pleurait et disait qu’il ne vivait que pour supporter le poids des péchés de Krystian. Il refusait d’admettre que l’homme dont on parlait était son fils. Ruta, la mère, est décédée peu après. Cela l’a meurtrie, j’en suis sûre. Son cœur n’a pas tenu". 

Conversion à l'islam en Allemagne

Christian Ganczarski a fait ses études en Allemagne, dans les environs de Duisburg. "Là, il a fréquenté un lycée professionnel pour devenir métallo", détaille un officier des renseignements polonais au quotidien "Dziennik". C'est à cette période, autour de 1986, qu'on situe sa conversion à l'islam : à Duisburg, il noue ses premiers contacts avec le monde arabe lorsqu'il commence à travailler. Un proche sous couvert d'anonymat témoigne : "Il voulait s’immerger dans la religion. Petit à petit, il a perdu le contact avec le monde extérieur et le travail. Il était furieux quand on l’appelait Krystian."

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Tout s'accélère après son mariage avec Nicola Gebrecht, une Allemande également convertie à l'islam. Ensemble, ils s'envolent pour l'Arabie saoudite afin d'y suivre un enseignement coranique... qu'il interrompra pour aller combattre en Tchétchénie. 

Amitié avec Oussama Ben Laden

A cette période, l'homme voyage au Pakistan, en Bosnie, en Afghanistan. On sait aujourd'hui que Ganczarski deviendra au fil des années responsable de la maintenance et du cryptage des réseaux de communication d'Al-Qaïda. Mais comment ? "Selon nos informations, il a rencontré Oussama Ben Laden à plusieurs reprises. Ils ont probablement sympathisé. Il faisait venir les médicaments pour le chef d’Al-Qaida. Pour cela, il se servait des ordonnances de sa fille, atteinte de diabète", poursuit l'officier des renseignements polonais auprès du quotidien "Dziennik".

Condamné pour l'attentat de Djerba

Christian Ganczarski avait été condamné en 2009 à 18 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises spéciale de Paris, pour complicité dans l'attentat de la synagogue de Djerba (Tunisie) en avril 2002, qui avait fait 21 morts dont plusieurs Français. Le quotidien "Dziennik" raconte : "Un jour, il a eu tort de répondre au téléphone, ce qu’il ne faisait jamais. Un de ses amis de Duisburg, un islamiste fanatique, l’a appelé pour lui annoncer que "la volonté d’Allah [allait] s’accomplir". Puis l’interlocuteur de Ganczarski est monté dans un camion rempli de bouteilles de gaz et a foncé sur des touristes à Djerba". Filé par la CIA, Ganczarski sera finalement arrêté à Roissy, pendant un transit. "Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, présentera alors "cette opération comme un grand succès de la lutte terroriste", souligne "Dziennik".

C'est au titre de cette complicité que Christian Ganczarski est actuellement incarcéré dans la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil dans laquelle il a agressé trois gardiens ce 11 janvier 2017. 

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Impliqué dans les attentats du 11-Septembre ?

Une source proche de l'enquête indique à "l'Obs" que Christian Ganczarski figure sur des documents retrouvés auprès de Mohammed Atta, un pilote des attentats du 11-Septembre. Selon "Dziennik", "c’est Ganczarski qui a recruté le Libanais qui pilotait un des avions qui se sont crashés contre le World Trade Center à New York". Selon les informations de "l'Obs", Christian Ganczarski devait terminer sa peine en janvier mais il était établi qu'il ne sortirait pas, selon une des procédures particulières : la France devait le remettre à l'Allemagne, son pays d'origine, qui devait le remettre aux USA dans le cadre du dossier du 11-Septembre.

"Le Monde" indique que Christian Ganczarski devait comparaître le 17 janvier devant un tribunal de Douai (Nord) dans le cadre d’une procédure d’extradition.  Selon des informations obtenues par "l'Obs", ce détenu avait été informé de son extradition à venir vers les Etats-Unis. Il en parle dans une conversation téléphonique. Une source judiciaire souffle à "l'Obs" qu'on ne peut d'ailleurs pas exclure une stratégie de sa part. Le seul but de cette agression de gardiens était-il de retarder son extradition ? 

Charlotte Cieslinski avec Mathieu Delahousse

Charlotte Cieslinski avec Mathieu Delahousse
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