ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES - Les cours d'école primaire se ressemblent toutes. Des terrains de sport au milieu, des garçons jouant dessus et des filles sur les côtés. C'est le constat dressé par la géographe Edith Maruéjouls.
Cette spécialiste du territoire étudie les cours d'école depuis 2010. Elle s'est fait remarquer lors de la conférence TedX Women de novembre 2017. D'après elle, l'espace de plusieurs établissements scolaires serait inégalement réparti, ce, dès le plus jeune âge. Ainsi, les garçons jouent tous les jours aux sports collectifs. Ils se dirigent vers les terrains dessinés sur le sol et situés au centre des cours de récréation. Ils jouent au football, au basket, au hand... Peu de filles les accompagnent.
"Les filles ne courent pas"
Dans les trois écoles observées, la géographe du genre a demandé aux garçons pourquoi ils jouaient le plus souvent entre eux. Leur réponse: "les filles ne courent pas". Elle leur répondait alors: "comment veux-tu qu'elles courent si tu ne leur donnes pas le ballon?". Tous admettaient l'ambiguïté.
Les garçons au milieu donc, et les filles sur les côtés, dans le petit espace situé entre les lignes blanches des terrains et les murs de la cour. Voire un espace encore plus restreint, quand dans la cour de ce collège à Bordeaux par exemple, la largeur du terrain de foot est égale à celle de la cour globale. Les filles se dépensent autrement, en sautant à l'élastique, à la corde, dans des marelles, ou bien se marrent sur 1-2-3 soleil.
"Logique masculine"
"C'est une vraie discrimination spatiale, assure Édith Maruéjouls, créatrice de l'Arobe (L'Atelier recherche observatoire égalité). Elle n'est pas clairement voulue, elle est implicite, et se déroule invariablement, quel que soit le milieu social ou le quartier. L'idée de départ est de faire bouger les enfants avec ces terrains de sport, mais ils ont été pensés dans une logique masculine, omettant que les garçons étaient davantage éduqués à aimer les sports de ballon que les filles."
C'est là qu'Édith et les établissements qui font appel à elle entrent en action. "À l'école privée Saint-Louis-Sainte-Thérèse de Bordeaux, nous avons imaginé que chaque maîtresse reçoive un baby-foot. La symbolique de la maîtresse jouant à ce jeu nous plaisait et contrastait avec les idées reçues sur le genre."
Deux balles, pas plus
Problème: une partie dure longtemps et les plus dominants les accaparaient. "Nous avons mis en place des plannings très serrés mélangeant filles et garçons pour qu'à chaque récréation, tout le monde joue deux balles, maximum. Même si on gagne, on est obligés de céder sa place. Les règles sont affichées près des baby-foots. Et ça marche."
Au collège Edouard Vaillant, à Bordeaux encore, filles et garçons se sont placés sur des cartes reproduisant la cour de récréation pour constater ensemble le partage inégal du territoire.
Jouer avec l'enseignant
À l'école primaire du Peyrouat à Mont-de-Marsan, préfecture des Landes, on a organisé des récréations sans ballon. Tous les jeudis, d'autres jeux collectifs sont proposés par les enseignants, comme le "frisbee-foot". "Les enfants adorent voir leur maître ou maîtresse s'amuser avec eux, ils adhèrent tous au projet, du CP au CM2, constate Édith Maruéjouls. Et les plus frêles savent qu'ils seront protégés grâce à la présence de l'enseignant, donc ils ont envie de jouer. Parmi eux, on trouve aussi des garçons d'ordinaire exclus des terrains parce que moins charismatiques."
Ce travail de mixité s'est opéré également lors de la mise en rang. "À partir du CE2, les rangs ne sont plus mixtes, constate la géographe. Or, en jouant ensemble, nous avons remarqué que les enfants se mélangeaient plus après le jeu, quand il s'agissait d'aller à la cantine par exemple."
Ces bonnes pratiques ont permis à l'école d'être honorée du prix du projet égalitaire filles/garçons.
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