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Favoritisme à l’INA : Mathieu Gallet condamné à un an de prison avec sursis

Jugé en tant qu’ancien président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’actuel président de Radio France fait appel du jugement.

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Publié le 15 janvier 2018 à 13h54, modifié le 16 janvier 2018 à 07h18

Temps de Lecture 5 min.

Le jugement est lourd : l’ancien président de l’Institut national de l’audiovisuel Mathieu Gallet a été condamné à un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende, lundi 15 janvier. L’actuel président de Radio France était jugé pour « favoritisme », soupçonné d’avoir commandé environ 400 000 euros de prestations à deux sociétés de conseil sans avoir respecté les règles des marchés publics, lorsqu’il présidait l’INA. Le tribunal a plutôt suivi les conclusions du parquet, qui avait requis dix-huit mois de prison avec sursis et 40 000 euros d’amende, lors d’une longue audience tenue le 16 novembre.

  • Une décision contestée en appel par M. Gallet

Contacté par Le Monde, l’avocat de Mathieu Gallet, Christophe Ingrain, annonce sa volonté de contester le jugement :

« Nous faisons immédiatement appel pour que la cour examine ce dossier avec sérénité et dans le respect des droits de la défense. Compte tenu des conditions dans lesquelles l’enquête et l’audience se sont déroulées, la décision du tribunal n’est pas une surprise. »

Dans leur plaidoirie, les avocats de Mathieu Gallet avaient tenté d’obtenir la nullité de la procédure en arguant que la procureure de la République de Créteil, Amélie Cladière, se serait montrée « partiale » et aurait commis des erreurs : par exemple en imposant à un personnage public une garde à vue superflue, en n’interrogeant pas certains acteurs-clés ou en envoyant deux citations à comparaître successives.

Les avocats avaient même porté plainte contre le parquet de Créteil pour violation du secret de l’enquête car, selon eux, l’enquête pour favoritisme n’était pas officiellement close quand, le 23 juin dernier, les agences de presse ont appris auprès du parquet le renvoi en correctionnelle de Mathieu Gallet.

  • Deux contrats de conseil au cœur de l’affaire

Lors de l’audition, Mathieu Gallet avait plaidé la méconnaissance de certains usages des établissements publics, assurant qu’« avant [son] arrivée à l’INA, [il] n’avai [t] jamais été confronté à ces questions de marché public ». A l’audience s’étaient affrontées deux cultures : d’un côté, l’habitude, courante dans le secteur privé, d’avoir recours à des consultants extérieurs pour mener des audits, accompagner des projets ou dispenser des conseils en communication. De l’autre, le souci de la dépense de l’argent de l’Etat, avec notamment les procédures de marchés publics.

Deux contrats étaient concernés. Le premier avait été signé avec le cabinet de conseil Roland Berger en 2013, pour accompagner la fusion des directions des archives et du dépôt légal. Un premier marché a été passé avec appel d’offres, mais il a été suivi d’un avenant puis d’un « marché complémentaire », pour un montant total de 290 000 euros, ce qui aurait pu justifier une procédure « d’appel d’offres européen ».

Selon l’accusation, l’INA dirigé par Mathieu Gallet a « saucissonné » le marché pour éviter cette procédure plus contraignante et pour le confier à Roland Berger, qui avait déjà travaillé pour l’INA en 2010. La défense avait rétorqué que seize candidats avaient été mis en concurrence, puis cinq offres formelles longuement examinées. Et que les avenants et le marché complémentaire avaient été rendus nécessaires, car la réforme s’était révélée « difficile » à mener.

Le second contrat n’avait, lui, pas fait l’objet d’une mise en concurrence. Il s’agissait de prestations commandées à Balises, la société du consultant Denis Pingaud : pour 5 000 euros par mois, soit un total de 130 000 euros, ce qui aurait dû déclencher un appel d’offres, selon la procureure. M. Gallet a justifié le choix d’un conseiller qu’il connaissait depuis 2008 et a assuré s’être « reposé sur les équipes en place », qui n’auraient pas demandé la mise en concurrence de ce contrat. « Cela a été fait » à Radio France, a ajouté M. Gallet, qui est ensuite devenu président de cette entreprise de l’audiovisuel public : une société de M. Pingaud y a obtenu un contrat de douze mois, ensuite soumis à un appel d’offres.

  • Mathieu Gallet n’entend pas démissionner de Radio France

Cette affaire pose la question des conséquences pour Mathieu Gallet : ce jugement peut-il gêner son action à Radio France ou obérer son avenir ? De façon préventive, le président de Radio France, interrogé par Le Monde, avait exclu de démissionner en cas de condamnation, lors d’un entretien recueilli mi-décembre : « Mon mandat court jusqu’en mai 2019 et je resterai pleinement investi jusque-là. »

Lire l’entretien avec Mathieu Gallet : Article réservé à nos abonnés « Rapprocher des structures, est-ce être plus fort ou être plus lourd ? »

Le dossier est délicat. Dans la majorité issue de l’élection d’Emmanuel Macron, l’action de Mathieu Gallet semble faire l’objet d’une certaine bienveillance. Les choix budgétaires et les expressions de l’exécutif ont davantage ciblé le groupe France Télévisions de Delphine Ernotte que Radio France.

Joint par Le Monde, le ministère de la culture préfère prudemment renvoyer vers le Conseil supérieur de l’audiovisuel, seule autorité à pouvoir mettre fin à son mandat :

« C’est d’abord à Mathieu Gallet qu’il revient d’apprécier les éventuelles conséquences de la décision. La loi donne actuellement au seul CSA le pouvoir de nommer et de défaire les mandats. Dans ce cadre, toute intervention de l’exécutif serait critiquable. L’audiovisuel public est dans une situation spécifique : ses dirigeants doivent bénéficier de garanties d’indépendance par rapport à l’exécutif. »

Et dans un communiqué diffusé lundi soir, Mme Nyssen « réaffirme son attachement au respect des règles de la commande publique et à l’exemplarité des dirigeants des établissements et des entreprises publiques ». « Ces exigences sont le fondement indispensable de la confiance de nos concitoyens dans l’action publique », ajoute la ministre de la culture.

  • Quelles conséquences ?

« Le mandat des présidents (…) peut leur être retiré, par décision motivée », prise par le CSA « à la majorité des membres qui le composent », dit la loi de novembre 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Selon nos informations, le Conseil ne devrait pas se pencher sur le cas Gallet avant au minimum mercredi, jour de sa prochaine session plénière.

Pour arguer en faveur du maintien de M. Gallet, il pourrait être mis en avant que les faits ne concernent pas Radio France mais son entreprise précédente. Par ailleurs, le fait que Mathieu Gallet ait fait appel pourrait pousser le CSA à différer sa décision.

La réaction des syndicats sera scrutée. Philippe Ballet, président de l’UNSA (quatrième syndicat de la maison), ne demande pas le départ de M. Gallet : « Doit-il démissionner ? Non, vu qu’il a fait appel. » Il regrette toutefois que « la décision conteste un peu la légitimité du président à la tête de Radio France, à un moment où la relation et le rapport de force avec la tutelle sont importants » en raison de la réforme de l’audiovisuel public annoncée par le gouvernement.

Alors que la procédure de renouvellement du mandat de Mathieu Gallet devrait, en principe, être enclenchée à la fin de 2018, l’exécutif envisage, auparavant, de changer le mode de nomination pour le confier au conseil d’administration des entreprises concernées. De plus, le gouvernement imagine de créer une structure pilotant à la fois Radio France et France Télévisions, ce qui supposerait de nommer un dirigeant unique dès le courant de 2018. Un poste auquel Mathieu Gallet pourrait, en principe, se porter candidat.

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