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Prisons : les surveillants inquiets face au nombre grandissant de détenus radicalisés

Après l’agression de trois gardiens par un détenu djihadiste, dans le Pas-de-Calais, des syndicats appellent à une deuxième journée de blocage des centres pénitentiaires.

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Publié le 15 janvier 2018 à 20h52, modifié le 16 janvier 2018 à 10h07

Temps de Lecture 4 min.

Sous les projecteurs des médias, cette agression à l’arme blanche de trois gardiens par un détenu djihadiste à la prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, le 11 janvier. Dans la trivialité du quotidien, « une violence devenue la norme », faite de crachats, d’insultes et d’invectives. A la faveur d’un fait divers est de nouveau mise en lumière la situation dans les prisons françaises, où les conditions de travail des surveillants pénitentiaires sont décrites comme « intenables » par tous les syndicats.

Dans toute la France, des centres pénitentiaires ont été bloqués lundi 15 janvier, à l’appel de trois syndicats l’UFAP-UNSA Justice, syndicat majoritaire, la CGT Pénitentiaire et FO Pénitentiaire, qui ont lancé une « opération prison morte ». Un appel qui a été réitéré pour la journée de mardi. A l’unisson, les syndicats témoignent « d’un besoin de structures spécialisées », réclamant « des moyens humains et financiers », pour « assurer la sécurité des personnels » et « la bonne prise en charge des détenus ».

Attentif à la colère des surveillants de prison, le président Emmanuel Macron a annoncé avoir demandé « un plan pénitentiaire global » d’ici à la fin février, portant notamment sur l’immobilier des prisons, le renseignement pénitentiaire et les personnels.

  • Un mouvement de blocage avec « service minimum »

Après une première journée d’action vendredi 12 janvier, plusieurs centaines de surveillants ont perturbé lundi le fonctionnement quotidien des prisons, optant pour « un service minimum ». A l’extérieur des prisons, des barricades avec des palettes, des braseros de pneus et des banderoles. A l’intérieur, les cantines ne sont pas réapprovisionnées, les parloirs sont annulés, les avocats n’ont plus le droit de cité et les intervenants externes ne peuvent plus organiser leurs activités.

Dans les établissements où le blocage est total, les personnels de nuit n’ont pas pu regagner leur domicile et ont été réquisitionnés pour surveiller les coursives. « Comme ils sont moins nombreux que les surveillants en journée, le travail ne peut pas être effectué comme d’habitude », fait savoir Stéphane Barraut, secrétaire général adjoint de l’UFAP-UNSA.

  • Des conditions de travail qui se délitent depuis dix ans

En réalité, « cela fait une dizaine d’années que l’on n’exerce plus notre travail comme il faudrait », lâche le syndicaliste âgé de 49 ans, qui officie dans les prisons depuis plus de vingt ans. Le quadragénaire se souvient de ses idéaux de début de carrière, quand il pensait encore pouvoir « aider et prendre en charge les détenus », cette époque où « il y avait encore un lien entre les personnes incarcérées et les surveillants ».

Que s’est-il passé durant la décennie écoulée pour expliquer ce délitement des conditions de travail ? Les syndicats évoquant pêle-mêle une surpopulation carcérale grandissante, couplée à une baisse des personnels, qui se retrouvent seuls pour surveiller des coursives de cent détenus. « Notre métier n’est plus attractif », résume M. Barraut, qui regrette que son travail se résume désormais « à ouvrir et fermer des portes ».

Il énumère « des conditions de travail où l’on est mobilisable toute l’année, soir et week-end, au détriment de la vie de famille », les heures supplémentaires impayées, une paye qui commence à 1 400 euros et termine à 2 100 euros en fin de carrière, « prime de risque compris », ou encore des vacances en dehors des périodes scolaires. 

Surtout, le syndicaliste constate « une mutation de la population carcérale ». Exeunt les grands bandits. Les détenus sont désormais plus jeunes. Et plus radicalisés. « Ils refusent farouchement toute forme d’autorité et ne sont pas là pour faire leur peine, mais pour s’opposer au système », constate le secrétaire général adjoint de l’UFAP-UNSA, évoquant des agressions de plus en plus nombreuses, comme celle survenue à Vendin-le-Vieil, qui a provoqué la démission du directeur de la prison.

Selon Jean-François Forget, secrétaire général de l’UFAP-UNSA Justice, le personnel pénitentiaire subit entre quatre mille et cinq mille agressions physiques et une quinzaine de prises d’otage par an.

  • Les surveillants réclament des « moyens adéquats »

Face à cette évolution des profils de détenus, avec laquelle le gouvernement navigue à vue, les personnels pénitentiaires réclament « un changement profond de l’organisation des prisons », passant par davantage de moyens humains. « Des gens vont revenir de Syrie, on ne pourra pas les gérer dans nos structures actuelles, nous avons besoin d’établissements spécialisés », estime Stéphane Barraut, qui suggère la création de « prisons à taille humaine », soit pas plus de cent détenus et un personnel « plus nombreux et mieux formé ».

« On ne demande pas de créer des bunkers, mais de mettre les moyens adéquats pour gérer ces profils particuliers, et pour éviter une contagion auprès des autres détenus. »

Le 4 septembre 2016, une attaque terroriste commise à la prison d’Osny (Val-d’Oise) avait marqué l’échec des unités spécialisées dans la prise en charge des détenus dits « radicalisés ». « Il faut une véritable étanchéité, avec des structures à part », réclame M. Barraut, conscient que « cela coûte plus cher que des unités spécialisées au sein des prisons, mais la sécurité ne devrait pas avoir de prix ».

  • Amorce d’un dialogue avec le gouvernement

Les syndicats reprochent à la ministre de la justice, Nicole Belloubet, « un manque de dialogue » depuis sa prise de fonction. La garde des sceaux doit justement le renforcer mardi en rencontrant les personnels de la prison de Vendin-le-Vieil, établissement d’une centaine de détenus inauguré en 2015.

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Emmanuel Macron, lui, a déclaré lundi que la prison, au-delà des 15 000 places supplémentaires promises, doit être « profondément modernisée » mais ne doit pas être « la réponse quasi systématique pour les peines à un certain niveau ». Le chef de l’Etat a plaidé pour la mise en place « massive » d’autres peines, comme les travaux d’intérêt général ou le bracelet électronique.

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