FOOTBALLNarcissique et brillant, on vous raconte l'arbitre tacleur Tony Chapron

Arbitre narcissique, universitaire brillant et futur journaliste… On vous raconte l’arbitre tacleur Tony Chapron

FOOTBALLTrès mal vu en Ligue 1, Tony Chapron est un personnage plus complexe qu’il n’y paraît…
Tony Chapron lors de son craquage
Tony Chapron lors de son craquage - SIPA
B.V. avec J.L, F.L, A.G,

B.V. avec J.L, F.L, A.G,

L'essentiel

  • L’arbitre Tony Chapron a craqué dimanche lors de Nantes-PSG.
  • Considéré comme un arbitre vaniteux, il n’est pas apprécié en Ligue 1.
  • Le personnage est plus complexe qu’il n’y paraît.

«Il a toujours cherché à se mettre en avant, un truc comme ça devait bien finir par arriver ». Cette mine de l’ancien footballeur Rafik Saïfi contre Tony Chapron serait presque trop méchante pour qu’on s’en serve dans notre portrait de« l’arbitre tacleur » de Nantes-PSG, désormais célèbre dans le monde entier. Sauf que la majorité des témoins contactés pour parler de Chapron ont fini par nous en lâcher une dans ce genre-là. Arrogant tendance chambreur, vaniteux limite autoritariste, Chapron, suspendu jusqu’à nouvel ordre par la direction technique de l’arbitrage, est un des sifflets les plus détestés de Ligue 1.

Saïfi raconte son « histoire » avec Chapron. Elle date de 2007, alors que Chapron n’a que deux années d’arbitrage en pro derrière lui.

« Ça a commencé quand j’ai réclamé une faute. Il m’a parlé mal en me disant "ferme ta gueule". Evidemment, ça ne m’a pas plu, je me suis énervé et je lui ai dit "ne me parle pas comme ça". C’est là qu’il m’a répondu qu’il parlait à son assistant dans l’oreillette. Vous imaginez qu’un arbitre puisse parler comme ça à son assistant ? Il a senti qu’il avait dépassé les bornes à mon avis avant de me faire le coup de l’assistant. Je l’ai recroisé après sur d’autres matchs, je lui ai serré la main, mais je n'ai plus jamais essayé de lui parler. On parle dans les vestiaires et je ne suis pas le seul à qui c’est arrivé, vous savez. C’est comme s’il voulait toujours se montrer. Je ne me suis jamais embrouillé avec un arbitre en dix ans en France. Mais avec lui, vraiment, c’était pas possible. » »

Des histoires comme celle-là, Chapron en traîne une caravane. En termes de casseroles, le type est une légende vivante de notre Ligue 1. Résumé rapide :

  • Deux penalties sifflés dans le même match contre Mario Yépès (PSG) pour des tirages de maillot anecdotiques (2006-2007)
  • Une prise de bec légendaire avec le président de Valenciennes, Francis Decourrière, après un match à trois rouges et autant d’erreurs grossières (2008-2009)
  • Trois expulsions carnavalesques de joueurs lensois dans un derby face à Lille (2010)
  • Une suspension de sifflet pour avoir dénoncé « l’incompétence de la Fédération dans le domaine de l’arbitrage » (2011)
  • Un échange rocambolesque avec Didier Deschamps, alors entraîneur de l’OM. « Vous avez été mauvais », lui lance DD après un penalty oublié sur Brandao. « Vous aussi », lui aurait répondu l’arbitre
  • Une accusation d’avoir chambré les supporters du Gazélec d’Ajaccio à la fin d’un match avec notamment un doigt d’honneur en direction du public

« Vous êtes nuls, vous allez descendre »

Ancien président de Valenciennes, Francis Decourrière a été suspendu de longs mois pour avoir traité Chapron de « raclure de bidet » et de « lie de l’humanité » après un Valenciennes-Bordeaux en 2009. Avec un peu de recul, il est toujours aussi amer envers l’arbitre :

« Je n’ai pas envie de tirer sur l’ambulance mais je pense que ça fait un moment qu’il aurait dû être retiré du circuit. C’est quelqu’un de très narcissique moi, un bon arbitre c’est quelqu’un dont on ne retient pas le nom à la fin du match. Avec Chapron, on sait toujours quel match il a arbitré… Ce que j’ai dit n’était pas glorieux, j’aurais dû me maîtriser et j’aurais pu m’en passer mais j’en avais marre. Ce jour-là, il avait mis deux rouges et cinq jaunes à nos joueurs. Mais surtout, il avait dit à notre défenseur Rafael "Vous êtes nuls, vous allez descendre". C’est ce qui avait mis le feu aux poudres. » »

S’il fallait résumer en une anecdote ce que la Ligue 1 pense de l’arbitre qui a donné le plus de cartons rouges en France depuis 2005, on choisirait sans doute celle avec Zlatan Ibrahimovic. La scène se déroule à la fin d’un PSG-Lorient, en 2015. Auteur d’un triplé, le Suédois vient réclamer le ballon de la rencontre au coup de sifflet final, comme la coutume le veut.

« - Zlatan : Le ballon ?
- Chapron : Je vous vois après.
- Zlatan : Ne l’oubliez pas, normalement vous devez me le donner. Ne faites pas ça pour les caméras. »

La scène se poursuit dans les couloirs du Parc des Princes.

« - Zlatan : Vous avez le ballon ?
- Chapron : Attendez, je me décide.
- Zlatan : J’attends quoi ?
- Chapron : Attendez, je réfléchis…
- Zlatan : Ah ! Ok, vous voulez être le boss maintenant ? Ok, vous êtes le boss, c’est très bien pour les caméras.
- Chapron : Je vais me décider plus tard…
- Zlatan : Très bien, décidez alors. »

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Chapron finira par amener le ballon dans le vestiaire parisien. Peu importe. Dire qu’il est haï par une grosse partie de la Ligue 1 est un euphémisme. Pour essayer d’adoucir un peu la note, on a tenté de contacter des anciens arbitres qui l’ont côtoyé. Guère mieux : « Ça allait un peu mieux depuis quelques années. Il ne défrayait plus la chronique, il avait changé son fonctionnement avec les joueurs » tente un ancien arbitre international, avant de nous énumérer à son tour les multiples ratés de Chapron et de s’étonner qu’il ait du jour au lendemain « perdu son numéro ».

Bref, tout ça ressemble à un portrait-robot (et bourré de clichés) de l’arbitre un peu bas du front plein d’aigreur et « nazi » du sifflet. Sauf que quelque chose ne colle pas. Titulaire d’une maîtrise et d’un DEA en sociologie du sport à l’université de Caen puis d’un doctorat en sciences politiques à Nanterre, Chapron est présenté comme un cerveau. « C’est quelqu’un qui aurait pu mener une brillante carrière universitaire s’il avait voulu, explique l’enseignant Jean Saint-Martin, qui a collaboré avec Chapron sur le livre ‘Le Sport et ses valeurs, paru en 2004’. Un homme d’une grande culture générale, aux opinions toujours très argumentées, tout sauf impétueux. »

Nabil Dirar a écopé de huit matchs de suspension pour avoir fortement contesté une décision de TOny Chapron, lors de Monaco-Nice (1-0) le 6 février 2016.
Nabil Dirar a écopé de huit matchs de suspension pour avoir fortement contesté une décision de TOny Chapron, lors de Monaco-Nice (1-0) le 6 février 2016.  - BEBERT BRUNO/SIPA

« Il avait commencé une thèse de doctorat sur l’arbitrage, et le fait d’étudier à la fois l’objet et d’être partie prenante puisqu’il est arbitre de haut niveau, il a compris qu’il ne pouvait pas mener les deux de front, poursuit son ami Mickaël Attali, professeur des universités à Rennes et ancien collègue de Chapron à l’UFR Staps de Grenoble où Chapron a enseigné deux ans au début des années 2000. »

Tous deux le décrivent comme réfléchi, droit, et ne comprennent pas son geste. « Il croit beaucoup au rôle de la règle dans la vie sociale, explique Mickaël Attali. C’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’il mettait beaucoup de cartons rouges, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. C’est quelqu’un qui a un recul critique important et qui a une très forte éthique. Le connaissant, il doit beaucoup cogiter depuis dimanche soir. J’ai lu qu’il avait disculpé le défenseur nantais dans son rapport, ça lui ressemble. »

Comment expliquer alors qu’il prenne autant la lumière dans un métier d’ombre ? « Il aime bien les lectures critiques, celles qui vont à contre-courant de l’avis général, avance Jean Saint-Martin. Il a des convictions et le courage de ses opinions. »

Comme lorsqu’il a plus ou moins lancé un mouvement de grève des arbitres en 2011 pour obtenir de meilleurs salaires, ce qui lui a valu une suspension. Ou qu’en 2006, alors qu’il était tout jeune arbitre, il a pris à partie le président de la Ligue, Frédéric Thiriez, lors d’un stage d’été devant tous les collègues pour le même genre de revendication. « On sentait une âme contestataire », décrit un témoin de la scène.

A la retraite à la fin de la saison, voire avant si la commission de discipline ne le loupe pas, Tony Chapron a déjà un plan de reconversion pour lui et son âme contestataire. L’été dernier, certains aspirants journalistes l’ont vu plancher sur le concours d’entrée de l’école de journalisme de Grenoble. S’il y est aussi hautain, vaniteux et insultant, il devrait a priori s’en sortir dans ce métier.

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