Rapport alarmant de la Cour des comptes sur le Grand Paris

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Rapport alarmant de la cour des comptes sur le grand paris[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

par Myriam Rivet

PARIS (Reuters) - La Cour des comptes dresse un constat alarmant sur le Grand Paris Express dans un rapport à paraître mercredi consulté par Reuters qui évoque une dérive continuelle des coûts, de sérieux doutes sur le respect des échéances olympiques de 2024 et le risque pour les finances publiques à court et moyen terme.

Le Grand Paris Express est un nouveau réseau de lignes de métro automatiques visant à désengorger le réseau actuel et relier entre eux les départements de la proche couronne .

Sa réalisation, pour le compte de l'Etat, a été confiée à la Société du Grand Paris (SGP), une structure créée en 2010.

"La Cour croit nécessaire d'alerter sur le dérapage considérable du coût prévisionnel du projet de Grand Paris Express", peut-on lire dans ce rapport qui évoque des dépenses totales désormais estimées à 38,5 milliards d'euros, contre un objectif initial de 25,5 milliards.

Ces montants comprennent des contributions exceptionnelles - qualifiées de "discutables" - notamment au projet EOLE de prolongement du RER E à l'ouest, ainsi que le transfert - jugé "contestable" - du financement de l'acquisition de véhicules de maintenance des infrastructures, confié à la SGP et non à la RATP, future gestionnaire des infrastructures.

"LA SGP disperse ses moyens vers le financement d'infrastructures ne relevant pas de son périmètre de maîtrise d'ouvrage", observe la Cour.

UN CALENDRIER TRÈS - VOIRE TROP - SERRÉ

Alors que l'ouverture partielle de ce réseau est envisagée pour l'accueil des Jeux olympiques à Paris en 2024, la Cour fait part de ses "sérieuses interrogations sur la capacité à respecter les échéances olympiques".

Elle s'interroge notamment sur la capacité du secteur des travaux publics à répondre à la demande alors que l'ensemble des lignes du Grand Paris Express ont une plage de travaux commune entre 2019 et 2023 et que d'autres très grands projets souterrains (EOLE, CDG Express, liaison ferroviaire Lyon-Turin) sont prévus simultanément.

Ce calendrier resserré "expose la SGP à un risque de très faible concurrence - voire à des pratiques anticoncurrentielles -, à des prix élevés et à une faible disponibilité des moyens matériels, techniques et humains", note la Cour.

Avant même son accélération en vue des Jeux olympiques, le calendrier de réalisation est devenu "une contrainte majeure" pour la SGP, qui se traduit par "une tendance constante à faire primer les objectifs de délais sur ceux de maîtrise des coûts, des prises de risques opérationnels, et une absence de considération pour les estimations de coûts (...) pouvant aboutir à un emballement et à une perte de contrôle technique et financier du projet", met en garde la Cour.

Le financement du projet du Grand Paris Express s'appuie sur un panier de recettes fiscales affectées, sur une redevance qui sera versée par le ou les futurs exploitants du Grand Paris Express, ainsi que sur des emprunts de financement et de refinancement.

Avec cette dérive des coûts, qui se combine à des incertitudes sur les recettes attendues, la Cour s'inquiète également de la soutenabilité du modèle économique et du caractère amortissable de la dette à long terme.

La SGP étant considérée comme faisant partie des administrations publiques en comptabilité nationale, son déficit est classé en déficit public et l'encours de sa dette est pris en compte dans la dette publique, rappelle la Cour en évoquant une incidence "significative" sur les comptes public.

Ce projet "pèsera sur la trajectoire de dépenses, de déficit et de dette publics de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022".

DÉCISIONS IMMINENTES DE L'EXÉCUTIF

À moyen et long termes, en s'en tenant aux hypothèses médianes sur les coûts et sur les recettes, la SGP accroîtrait le déficit public de 0,14 point en 2025 et de 0,05 point en 2050 et représenterait environ 1,13 point de PIB de dette publique supplémentaire en 2025 et 0,69 point en 2050.

Forte de ce constat, la Cour préconise une réforme de la gouvernance de la SGP, qui "est désormais trop tournée vers la dimension politique du projet et pas assez vers la maîtrise des enjeux, en particulier les objectifs de coûts".

"Le coût du projet doit désormais être stabilisé" et "ce nouveau coût doit s'imposer à la SGP", souligne la Cour en appelant également à "réviser le périmètre du projet" et à "revoir le calendrier".

Mais "la seule modification du phasage du projet d'ici 2024-2030, telle que proposée par le préfet de la région d'Île-de-France (qui avait été chargé par le Premier ministre de réaliser un rapport d'analyse) ne permet pas de s'assurer de la soutenabilité de long terme du modèle économique de la SGP et du projet".

Edouard Philippe a annoncé au début du mois que des décisions sur le Grand Paris Express seraient prises avant la mi-janvier, et qu'Emmanuel Macron clôturerait les discussions sur la gouvernance du Grand Paris en février.

Intervenant à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, la secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Brune Poirson a déclaré que "le gouvernement fera(it) part de sa décision dans les prochains jours".

Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, doit être auditionné mercredi après-midi par la Commission des finances de l'Assemblée nationale au sujet de ce rapport.

(Edité par Yves Clarisse)