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Menacés par Daech, ces salariés que Lafarge a abandonnés en Syrie

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Le cimentier français a maintenu son usine à Jalabiya malgré les risques encourus et la présence de l’Etat islamique. D’anciens employés du site témoignent auprès de «Libération» des nombreux kidnappings. Des comptes rendus réguliers ont pourtant alerté la direction.
par Ismaël Halissat, envoyé spécial en Turquie
publié le 16 janvier 2018 à 17h51

Ce 18 septembre 2014, l’Etat islamique mène une nouvelle offensive contre les Kurdes dans le Nord de la Syrie. Le téléphone sonne, Jarir Yahyaalmullaali répond. Il est alors salarié de Lafarge et se trouve de l’autre côté de la frontière avec sa famille réfugiée en Turquie. Au bout du fil, la cimenterie de Jalabiya, située entre Kobané et Raqqa, au cœur des combats. «Mon responsable m’explique qu’ils ont besoin de moi à l’usine et me demande de venir tout de suite, se souvient-il. Sur la route, j’étais le seul à aller dans ce sens, je voyais toutes les voitures qui fuyaient le pays. C’était très angoissant, mais la direction nous assurait que l’usine était en sécurité.» Malgré la situation chaotique, la cimenterie carbure de nouveau après quelques semaines d’arrêt. Dans un mail envoyé le même jour depuis Paris, Frédéric Jolibois, fraîchement nommé responsable de la filiale de Lafarge en Syrie (LCS), envoie ses consignes et paraît totalement déconnecté du danger qu’encourent les salariés. Dans son message, le dirigeant ordonne de «garder un minimum d’employés», de «préparer des matelas, de la nourriture, de l’eau, du sucre» et «si les affrontements arrivent à l’usine, déplacer les équipes dans les tunnels et attendre». Sur place, les tirs se rapprochent et des explosions ont lieu à quelques kilomètres de l’usine mais aucun plan d’évacuation n’est mis en œuvre par la direction. Dans la nuit, Jarir et la trentaine d’employés pré

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