ETATS-UNISL'école à domicile au banc des accusés après le drame californien

«Maison de l'horreur» en Californie: L'école à domicile au banc des accusés

ETATS-UNISEn l'absence de contrôle autour du «homeschooling», treize frères et sœurs ont vécu l'enfer sans que personne ne soit au courant...
David et Anna Turpin ont été arrêtés le 14 janvier 2018 et sont accusés d'avoir retenu prisonniers leurs 13 enfants.
David et Anna Turpin ont été arrêtés le 14 janvier 2018 et sont accusés d'avoir retenu prisonniers leurs 13 enfants. - RIVERSIDE POLICE
Philippe Berry

Philippe Berry

Pour les services éducatifs et sociaux, les treize frères et sœurs torturés et séquestrés pendant des années en Californie étaient des fantômes. « J’aimerais pouvoir vous dire comment une telle chose a pu se produire », a déclaré, désabusé, un porte-parole du bureau du shérif de Riverside, lundi, expliquant qu’aucune plainte n’avait été déposée auprès des autorités ou des services sociaux. Alors que les époux Turpin, inculpés jeudi, risquent la prison à vie, plusieurs associations dénoncent l’absence totale de garde-fous autour du « homeschooling » (scolarisation à domicile), qui a permis à ces abus de passer inaperçus.

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« Aucun contrôle obligatoire »

Selon les estimations, 3 % des élèves américains sont scolarisés à la maison (1,7 million). Certains parents font ce choix pour des raisons de santé, financières, religieuses ou éducatives. Une minorité opte pour un enseignement en ligne, qui peut être suivi auprès d’un organisme public ou privé. Mais l’immense majorité, comme David Turpin, déclarent leur domicile comme une école privée. Et les parents sont alors seuls maîtres à bord.

« En Californie, il n’y a aucun contrôle obligatoire », explique à 20 Minutes Rachel Lazerus, de la Coalition pour une éducation à domicile responsable, un groupe qui milite pour réformer l'instruction à domicile. David Turpin a simplement eu besoin de remplir un formulaire pour enregistrer l’école Sandcastle Day School auprès des autorités, en 2011. Selon la loi californienne, les parents doivent être « capables d’enseigner » mais aucun diplôme n’est nécessaire. Contrairement à la France, il n’y a pas de visite annuelle pour vérifier que le programme scolaire est bien suivi, mesurer les progrès de l’enfant ou s’assurer que les conditions à domicile sont adéquates. Ce n’est qu’avant une éventuelle entrée à l’université qu’un élève est évalué par des tests standardisés.

La maison de David et Anna Turpin, à Perris, en Californie.
La maison de David et Anna Turpin, à Perris, en Californie. - GOOGLE MAPS

C’est ainsi que les treize frères et sœurs, âgés de 2 à 29 ans, ont passé toute leur vie sans voir une infirmière scolaire, un employé de la mairie, un représentant du rectorat ou de l’académie, qui auraient pu détecter des signes de malnutrition visibles. Selon le procureur, l’aînée ne pèse que 38 kilos, et un des enfants, âgé de 12 ans, fait le poids d’un enfant de 7 ans. Plusieurs souffrent de « déficiences cognitives » et de lésions nerveuses dues à des années de maltraitance.

Une photo de David et Anna Turpin en 2016.
Une photo de David et Anna Turpin en 2016. - FACEBOOK/ABC

Pas de loi fédérale sur l’éducation

Ce manque de supervision est dénoncé par l’élu californien Jose Medina, qui a promis de présenter un projet de loi prochainement. Paul Hill, expert des questions sur la scolarisation à domicile au Brookings Institute, relativise : « Le manque de contrôle dans l’instruction à la maison peut mener à des situations horrifiques comme en Californie, mais de tels cas sont rares. Et les enfants qui vont à l’école peuvent également être maltraités ».

Il n’y a pas de chiffres nationaux comparant le taux d’enfants maltraités en fonction du mode de scolarisation. Mais sur 27 cas de torture examinés en 2014 par la pédiatre Barbara Knox (pdf), de l'université de Washington, 76 % des enfants n’étaient pas inscrits à l’école, scolarisés à la maison ou en instance de l’être.

Pourquoi le Congrès américain ne vote-t-il pas une loi fédérale encadrant le « homeschooling » ? Aux Etats-Unis, le système éducatif « dépend de chaque Etat », précise Paul Hill – il n’y a même pas de programme scolaire national américain. Et au nom des libertés individuelles – et souvent religieuses – la moitié des Etats laissent une latitude absolue aux parents. Si les armes ont leur lobby avec la NRA, le « homeschooling » a le sien avec la HSLDA (Home School Legal Defense Association), qui s’oppose à toute régulation supplémentaire. Son président, Mike Smith, prend les devants et déclare à Reuters : « Est-ce qu’on devrait s’immiscer dans la vie de toutes ces familles innocentes à cause de cette famille [californienne] ? La réponse est non. » Aux Etats-Unis, ce drame horrifique n’est malheureusement pas le premier. Et il ne sera sans doute pas le dernier.

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