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Les maires africains face au "diktat" du pouvoir central

Les maires africains face au "diktat" du pouvoir central

Sénégal

Poste électoral comme celui du chef de l’Etat ou encore de député, le maire en Afrique n’est pas à l’abri de la déchéance. Par décret ou ordonnance, les bourgmestres, notamment des grandes villes africaines, peuvent se voir éjecter à tout moment.

Depuis ce dimanche, Taabit Abdi Mohamed n’est plus le maire de la capitale somalienne Mogadiscio. Il s’est vu évincer par un décret du chef de l’Etat Mohamed Farmajo qui lui a préféré Abdirahman Omar Osman. Aucun détail pour l’heure sur les raisons qui ont conduit à ce limogeage.

“Après délibération avec le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, le président somalien a nommé Abdirahman Omar Osman au poste de nouveau maire”, peut-on lire dans un communiqué publié sur le site internet du gouvernement somalien.

Selon les médias locaux, des forces de sécurité ont pris d’assaut les bureaux du maire de Mogadiscio et en auraient pris le contrôle. Comme Taabit Abdi Mohamed, certains maires de capitales africaines ont connu le même épilogue, voire pire.

Manipulations et calculs politiques

Difficile de passer à côté de la rocambolesque affaire actuellement en cours au Sénégal, avec l’incarcération du maire de Dakar, Khalifa Sall. Accusé de “détournements de deniers publics”, ce dernier est détenu depuis mars 2017.

À Niamey, ce scénario a été évité à Assane Seydou, maire de Niamey, la capitale nigérienne. Lui, a simplement été débarqué de ses fonctions en juillet dernier pour “défaut de salubrité”. Une décision entérinée par le Conseil des ministres. Son prédécesseur, Oumarou Dogari, avait lui aussi subi le même sort en 2013.

Situation quasi-similaire pour Léhady Soglo, ancien maire de Cotonou, révoqué de ses fonctions en août dernier par le chef de l’Etat béninois. Il lui est notamment reproché sa “mauvaise gestion” de la mairie avec entre autres griefs “l’augmentation de plus de 100 % des frais de représentation en 2017 sans délibération du conseil municipal”, ou encore “la vente non-conforme au prix référentiel” d’une partie du domaine public, “l’attribution abusive d’une voie publique aux fins d’habitation”.

Après tant de remous au sein de ces mairies africaines, Mariam Djimet Ibet, la mairesse de N’Djaména ne dort plus sur ses deux oreilles. Elle et ses deux adjoints ont été suspendus par le gouvernement en raison de soupçons de malversations et de détournement de fonds.

De telles évictions sont-elles envisageables, aussi facilement, surtout lorsqu’il s’agit d’un poste électoral aussi stratégique que la municipalité. Dans une chronique publiée en août sur le site du journal Le Monde, Seidik Abba, journaliste et écrivain nigérien y est allé de son analyse. Pour lui, ces opérations généralement commandées par le pouvoir central, résultent de calculs politiques.

L’auteur s’en est référé au cas du maire de Dakar, Khalifa Sall, adversaire potentiel à la présidentielle de 2019 du président Macky Sall qui a préféré l‘écarter pour éviter toute concurrence. C’est du moins la même thèse que tiennent les soutiens de Khalifa Sall qui dénoncent un procès politique.

Ces débarquements à la va-vite seraient-ils en outre l’arbre qui cache la forêt ? Seidik Abba en est presque certain. En pointant les maires, les dirigeants tenteraient de passer sous silence leurs propres turpitudes. Il s’interroge notamment sur le patrimoine non justifié de plus de 1 million d’euros (dont un appartement aux Etats-Unis) du président sénégalais qui n’a jamais eu une autre activité que celle de fonctionnaire de l’Etat du Sénégal.

Le cas du gouvernement tchadien accusé de détournement de l’argent du pétrole (700 milliards de francs CFA, soit plus de 1 milliard d’euros) pour la seule année 2014, est également souligné.

Que disent les textes ?

Plusieurs Constitutions africaines sur la révocation des maires sont pourtant unanimes sur la question : la libre administration des collectivités locales n’exclut pas le contrôle administratif exercé par l’État. Et dès lors que des fautes lourdes ou graves sont constatées, le maire et ses adjoints peuvent subir la rigueur de la loi.

Au Bénin, en dehors de la démission, la faute lourde est la deuxième procédure qui permet de mettre un terme au mandat du maire avant son échéance. Selon l’article 20 de la loi n°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin, “le maire ou l’adjoint qui commet une faute lourde peut être révoqué de ses fonctions. La faute lourde est constatée par l’autorité de tutelle qui (…) en dresse rapport au ministre chargé de l’administration territoriale”.

Même logique au Niger, où “sans préjudice des sanctions pénales, le maire et le ou les adjoint(s) peuvent, en cas de faute grave, être révoqués par décret pris en Conseil des ministres sur rapport du ministre chargé de la tutelle des collectivités territoriales”.

Comme on le voit, dans bien de cas, la révocation des maires est conforme à la loi, même si elle pourrait induire des raisons sous-jacentes. Toutefois, elle renseigne sur la nécessité de promouvoir la bonne gouvernance ; ou tout simplement, de réformer, de moderniser et de rendre plus cohérentes les Constitutions, pour toute personne à un poste électif qui se rendrait coupable des même écarts.

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