Animaux marins

On sait enfin où les requins vont manger

Une équipe internationale a déterminé dans quelles zones les requins allaient chercher leur pitance. Une information précieuse pour la préservation d'espèces en danger d’extinction.

Les habitudes alimentaires des requins font l'objet d'études.

© ARDEA/MARY EVANS/SIPA

ISOTOPES. On en sait un peu plus sur les habitudes alimentaires des requins. Une équipe du Centre national océanographique de l'Université de Southampton (Royaume Uni) a réussi à déterminer les zones où ces poissons se nourrissent. Ces chercheurs ont récupéré les données prélevées sur 5400 requins par 73 scientifiques de 21 pays et par comparaison des isotopes du carbone ont ainsi pu déterminer où ils prenaient leur repas.

L'article qui vient de paraître dans Nature Ecology and Conservation révèle deux comportements. Les requins fréquentant les eaux côtières et les hauts fonds sont plutôt casaniers et ne couvrent pas de grandes distances, profitant d'une faune diversifiée. Les requins vivant en haute mer en revanche se déplacent beaucoup et fréquentent les eaux fraîches situées entre 30 et 50 degrés de latitude, deux bandes nord et sud entourant les eaux chaudes tropicales. A cela une raison : ces eaux plus froides sont aussi plus riches en nutriment attirant toute la chaîne alimentaire.

Les isotopes du carbone restent constants tout au long de la chaîne alimentaire

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont donc utilisé les variations des isotopes du carbone. Element de base de la vie, le carbone connaît des variations de ses isotopes 12C et 13C lors de réaction chimique comme la photosynthèse. En conséquence, la composition isotopique du plancton varie au sein des océans selon l'ensoleillement et la température de l'eau. Cet indicateur n'était jusqu'à présent pas utilisé par manque de données. L'océan est vaste et il est impossible de collecter des mesures partout. Aussi, l'Université de Southampton a contourné l'obstacle en construisant un modèle simple qui prédit la composition isotopique du plancton en s'appuyant notamment sur d'autres modèles de la composition physique et biochimique des eaux marines. Le carbone planctonique ne varie pas tout au long de la chaîne alimentaire, aussi la composition isotopique prélevée dans la chair d'un requin est-elle révélatrice de l'endroit où l'animal s'est nourri. Si la composition du plancton et celle du requin sont la même, c'est que le poisson est resté sur place. Si elle diffère, c'est qu'il s'est déplacé et le modèle peut même donner la distance parcourue.

Des scientifiques du monde entier ont donc été mis à contribution pour effectuer le plus de prélèvements possible. L'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (Ifremer) a ainsi contribué à l’étude grâce à ses programmes de recherche sur la biodiversité marine, comme les campagnes EVHOE. C’est ainsi que les deux comportements ont pu être mis en évidence. Ces informations constituent un premier pas dans la connaissance du rôle écologique des requins. On en sait en effet très peu sur l’influence dans les écosystèmes des plus de 500 espèces de poissons cartilagineux : les chondrichthyens. Chaque espèce de requins, raies et chimères occupe des niches écologiques très différentes, du grand requin baleine de 10m de long se nourrissant en surface de plancton au requin lanterne de 30cm de long qui vit dans les abysses. Si bien qu’il est aujourd’hui impossible de connaître les conséquences de l’effondrement de ces populations surpêchées dont le nombre a diminué de moitié ces dernières décennies. Connaître leurs zones d’alimentation devrait améliorer les programmes de conservation de ces espèces.