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Manque de moyens, absurdités... le personnel hospitalier se lâche avec #BalanceTonHosto
Ces anecdotes du personnel soignant font apparaître un mal-être profond de toute la profession.
Constant Forme-Becherat / Hans Lucas - AFP

Manque de moyens, absurdités... le personnel hospitalier se lâche avec #BalanceTonHosto

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Avec le hashtag #BalanceTonHosto sur Twitter, les soignants pointent avec humour les incohérences et absurdités constatées dans leurss différents établissements. Des publications symptomatiques d'un hôpital rongé par le manque de moyens.

Derrière l'humour, une lassitude. En quelques jours, le hashtag #BalanceTonHosto est devenu le symbole du mal-être hospitalier. Sur Twitter, des centaines de publications de soignants dénoncent les dysfonctionnements des hôpitaux. A l'initiative : François, animateur d'une chaîne de vulgarisation médicale sous le nom de Primum Non Nocere sur Youtube et médecin hospitalier. D'abord sans prétention. "Bon, je tente le hashtag de l'humour. Balance les absurdités de ton hôpital. #BalanceTonHosto", a-t-il tweeté le 12 janvier dernier. Désormais devenue une sorte d'exutoire numérique pour tout un secteur d'activité, l'initiative a trouvé son public.

Des situations drôles, d'autres tragiques

Sur le réseau social, des situations plus ubuesques les unes que les autres s'enchaînent. Il y a d'abord les problèmes de conception de certains établissements. Par exemple, un internaute dévoile que son CHU fait appel aux services d'ambulances privées pour transporter les patients avec des brancards. Pourquoi ? La passerelle est "trop étroite pour que les lits passent". Dans le même temps, un autre soignant fait part de la présence d'un héliport impossible d'accès sur le toit de son lieu de travail. Aucun ascenseur n'ayant été construit...

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Des situations qui ne prêtent pas toujours à sourire. Soit pour leur côté tragique : "Une dame est décédée hier à 15 heures, raconte une internaute. Elle n'a été transférée à la morgue que ce matin à 7 heures 30. Parce qu'on n'a pas de chambre réfrigérée."Pour François, interrogé sur France Inter ce mardi 23 janvier, c'est le signe d'un "manque de communication" entre "les gens qui utilisent les structures et ceux qui les pensent". C'est "cette déconnexion qui pose problème" et qui perturbe le travail des professionnels au quotidien selon le vidéaste.

Soit parce qu'elles mettent en lumière certaines difficultés, pour le personnel, dues au manque de moyens. "Bloc de cancérologie, 12 heures d'intervention" pour trois équipes de chirurgiens, raconte François sur Twitter. Puis, la climatisation s'arrête, et entraîne un malaise d'un des chirurgiens. Le personnel demande une intervention de techniciens qui ne viendra jamais. "Quand vous êtes sur la plage, il fait la même température et vous ne faites pas de malaise", leur rétorque-t-on au téléphone.

"Depuis 10 ans, on demande des économies aux hôpitaux, explique à Marianne Thierry Amouroux du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Et quand on veut économiser, on commence par réduire les services techniques chargés de l'entretien des infrastructures. Pas étonnant que ce genre de cas surviennent alors." Des cas de la sorte, il en existe beaucoup.

Conséquence des plans d'économies

Autre défaut pointé par les soignants : les effectifs trop resserrés. Entre 2015 et 2017, les différents syndicats hospitaliers, ont relevé 22.000 suppressions de postes dans toute la France pour effectuer 3 milliards d'euros d'économies. Alors, certains établissements utilisent les étudiants en stage pour combler le manque de personnel. "La direction demande aux services de prêter leurs étudiants infirmiers à la médecine, témoigne Merlin sur Twitter. Cela évite de salarier un aide-soignant diplômé." Il y a "pire", lui répond Anaïs, étudiante infirmière, à qui l'on a demandé de faire un "week-end complet" comme aide-soignante "après 5 jours consécutifs de stage. [...] Soit 7 jours sans repos", dit-elle.

Même si le créateur du hashtag nie toute velléité politique, y préférant simplement "l'humour", il semble que le slogan "balance ton hosto" ait dépassé ce simple cadre. "Il symbolise parfaitement le sentiment de désillusion que connaît chaque soignant. On ne s'engage pas pour servir une 'usine à soins', qui plus est défaillante", explique le syndicaliste. Mais est-ce simplement un moyen de se défouler ou servira-t-il de point de départ à une grogne générale du personnel de santé ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne