L'obésité recule chez les adolescents américains de familles aisées, mais continue à grimper parmi les jeunes de milieux défavorisés, une différence provenant de l'inégalité d'accès à l'exercice physique et à une alimentation saine, révèle une étude publiée lundi.

L'obésité prospère particulièrement chez parmi les jeunes de milieux défavorisés qui ont moins facilement accès à l'exercice physique et à une alimentation saine.

afp.com/Jeff Haynes

Si elle n'est pas considérée comme maladie par l'Organisation mondiale de la santé, l'obésité est pourtant souvent décrite comme une épidémie. Une récente étude menée par deux économistes américaines montre en tout cas l'excès de poids pourrait être contagieux, rapporte le L.A. Times.

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Dans leurs travaux, publié le 22 janvier dans JAMA Pediatrics, Ashlesha Datar de l'Université de Californie du Sud et Nancy Nicosia de la Research And Development Corporation ont voulu répondre à la question: "Est-ce le fait de vivre près de communautés où les taux d'obésité sont plus élevés peut augmenter l'indice de masse corporel (IMC) et les risques de surpoids et d'obésité des individus?". Selon elles, la réponse est oui, "ce qui pourrait suggérer l'existence d'une forme de contagion sociale", précisent-elles dans leur étude.

Une première étude aux biais méthodologiques évidents

L'idée que l'obésité peut être contagieuse n'est pas nouvelle. La théorie selon laquelle de nombreux comportements se propagent par nos cercles de connaissances a été notamment élaborée par Nicholas Christakis, professeur de l'Université de Yale, et James Fowler, de l'Université de San Diego. En analysant les relations entre amis et membres de même famille sur trois générations dans le cadre de l'enquête Framingham Heart, ils avaient publié plusieurs études montrant que fumer, être heureux ou divorcer pouvait se propager aux proches comme s'ils étaient contagieux.

Ils s'étaient également penchés sur le cas de l'obésité dans une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, en 2007. Les deux chercheurs américains y expliquaient que si un ami, un frère, une soeur ou le conjoint d'un individu devenait obèse pendant un certain temps, les chances pour que l'individu devienne également obèse augmentait de 37% à 57%.

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À l'époque, d'autres chercheurs avaient néanmoins souligné que leurs résultats pouvaient s'expliquer par le fait que les personnes avaient tendance à se rapprocher de ceux qui pensent comme eux, ou leur ressemble le plus, mais aussi que les personnes ayant grandi dans le même environnement ont tendance à se comporter de la même manière.

L'étude idéale, suggéraient-ils, consisterait à étudier des personnes non-obèses assignées de manière aléatoire à différents réseaux sociaux dont le taux d'obésité serait variable. Si l'obésité est effectivement contagieuse, alors les personnes assignées à des réseaux sociaux où les personnes sont plus obèses auraient tendance à gagner plus de poids que les autres.

Le cas particulier des familles de militaires assignées à des bases

Ashlesha Datar et Nancy Nicosia, les auteurs de la récente étude, se sont justement rendu compte que l'armée a réuni ces conditions en assignant différentes familles à différentes bases militaires réparties sur tout le territoire américain. Les assignations n'étaient évidemment pas aléatoires, mais comme elles n'étaient pas non plus basées sur le poids des militaires ou de leurs enfants, elles fournissaient une base solide d'étude.

Il ne leur restait plus qu'à collecter les données de l'étude M-TEENS, qui suit de près l'IMC de milliers d'enfants de militaires assignés à l'une des 12 bases militaires réparties sur différents counties [départements], où les taux d'obésité varient de 21% à El Paso, dans le Colorado, à 38% à Vernon, en Louisiane. Grâce à ces données, les deux chercheuses ont pu déterminer qu'environ un quart des adolescents (sur 1111) et les trois-quarts des parents (sur 1314) étaient soit en surpoids, soit obèses.

Plus les familles sont proches des locaux, plus leur IMC est influencé

Après avoir ajusté les résultats avec divers facteurs, comme l'âge, le sexe, l'éducation, les revenus ou même le grade militaire, les chercheuses ont déterminé que les familles de militaires étaient plus susceptibles d'être en surpoids ou obèses quand elles étaient affectées dans des counties où le taux d'obésité était élevé.

Elles ont par exemple montré que chaque fois que le pourcentage d'obésité d'un county augmentait d'un point, la probabilité pour qu'un enfant soit en surpoids ou obèse augmentait de 4 à 6%. Pour les parents, la probabilité qu'il soit en surpoids ou obèse augmentait de 5%.

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Mieux encore, Ashlesha Datar et Nancy Nicosia ont déterminé que plus ces familles étaient "proches du réseau social local", plus leur poids était lié aux communautés locales. Par exemple, la relation entre l'indice de masse corporelle des adolescents et le taux d'obésité du county était plus forte chez les adolescents vivaient sur une base ou à proximité de celle-ci depuis plus de deux ans que chez les adolescents nouvellement arrivés. Et cette relation était encore renforcée chez les familles qui vivaient hors de la base par rapport à celles vivant dans la base.

En revanche, les chercheuses affirment n'avoir trouvé aucune preuve que l'environnement dans lequel évoluait ces familles -fast-food à proximité, équipements de sport, a joué un rôle significatif dans leurs résultats. "La contagion sociale [un concept qui signifie qu'un grand nombre de personnes et pas seulement un individu imitent le comportement d'un modèle] pourrait donc expliquer nos résultats", soulignent les auteurs de l'étude dans leur conclusion.

L'idée selon laquelle l'obésité est contagieuse est renforcée

Les deux économistes reconnaissent toutefois que leur étude, si elle est plus solide que celles précédemment effectuées, est imparfaite. D'abord, vivre à proximité d'une personne ne veut pas nécessairement dire qu'elle fait partie de votre "réseau social", écrivent-elles. Ensuite, la plupart des données -tailles et poids- de l'étude M-TEENS étaient auto-déclarées.

Et, bien que les IMC soient similaires dans les deux groupes, il est possible que les familles de militaires ne soient pas totalement représentatives des familles américaines dans leur ensemble. Les chercheuses soulignent également qu'il aurait été préférable de connaître les IMC des familles avant qu'elles s'installent dans les bases ou à proximité, mais aussi après qu'elles soient parties.

Mais malgré ces limites, ces résultats semblent bien renforcer l'idée que l'obésité peut être contagieuse, soulignent d'autres chercheurs dans un "éditorial" également publié dans JAMA Pediatrics, dans lequel il salue le sérieux de l'étude. Un facteur supplémentaire, en plus de l'âge, la génétique ou encore le niveau de vie.

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