Entrée d'immeuble, 3e arrondissement de Marseille - Pascale Pascariello
Entrée d'immeuble, 3e arrondissement de Marseille - Pascale Pascariello
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Shéhérazade et Samia habitent dans le 3ᵉ arrondissement de Marseille, un quartier surnommé "la zone des oubliés", où le taux de pauvreté s'élève à 54%. Elles racontent leur quotidien dans les logements insalubres, quelques mois avant l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne.

Shéhérazade, bientôt 17 ans, elle habite dans un bloc surnommé "La Derche" depuis 8 ans, en plein centre de la ville de Marseille. Les marchands de sommeil continuent à prospérer dans ce quartier aux allures de faubourg. "Je ne vais pas vous mentir, j'ai froid la nuit. À cause de la fuite d'eau et de l'eau qui monte, ma mère a arrêté l'électricité. On s'est regroupés tous les cinq dans la même chambre pour vivre." Shéhérazade.

Entrée d'immeuble - 3e arrondissement de Marseille
Entrée d'immeuble - 3e arrondissement de Marseille
- Pascale Pascariello

Ces conditions de vie ne sont pas sans conséquences sur la scolarité de Shéhérazade : "Je suis souvent en retard à l'école. J'ai envie de dormir quand je suis en cours. J'ai du mal à me concentrer quand je révise. J'aimerais bien avoir une chambre à moi pour travailler. Les professeurs ne sont pas au courant, je ne leur raconte pas ma vie." Shéhérazade.

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"On est obligés de se laver avec de l'eau que ma mère réchauffe."

La jeune femme, qui a déjà redoublé deux fois, préfère rester discrète sur sa situation. Lorsque ses amies lui demandent si elles peuvent venir chez elle, elle explique que sa chambre n'est pas bien rangée. Mais vivre dans l'insalubrité n'empêche pas Shéhérazade de prendre soin d'elle. "Je suis toujours bien habillée, bien maquillée, mais au fond, je vis dans la pauvreté. Du coup, au collège, je préfère rester seule." Shéhérazade.

Un jour, Shéhérazade se fait mordre par un rat : "Ma jambe était paralysée. J'avais du mal à marcher, je suis allée à l'hôpital. Ils m'ont donné des médicaments, et j'ai dormi pendant trois jours. Voilà, il faut se méfier des petits rats." Shéhérazade.

"J'aimerais bien avoir un appartement pour mes parents, pour qu'ils soient heureux."

Samia a 20 ans. Arrivée en France en 2009, elle vit avec sa famille dans un immeuble insalubre. Sa mère se remarie, et la famille s'agrandit : ils vivent à sept, entassés dans un petit deux-pièces. Le quotidien n'était pas facile pour la jeune femme : "On partageait tout ensemble, et quand j'ai eu 13 ans, ça me gênait. Je ne voulais pas me changer devant tout le monde." Samia.

"On faisait nos devoirs aux toilettes, c'est mon petit frère qui m'a montré cette technique."

Samia rêve de devenir auxiliaire puéricultrice et de s'occuper de nourrissons. Elle passera bientôt le concours, après l'obtention de son bac et une prépa. Une de ses professeures de lycée l'a particulièrement aidé à persévérer dans ses études : "Elle me disait que j'avais les capacités, elle voyait que je voulais réussir. J'avais des mauvaises notes, mais je lui ai expliqué ma situation, elle a compris, sans me juger. Parfois, j'allais chez elle faire les devoirs, et j'ai eu une bonne moyenne au troisième trimestre. C'est rare d'avoir une prof qui vous considère comme ça." Samia.

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Samia raconte aussi les conséquences de l'insalubrité sur sa santé : à cause de la moisissure, elle a développé des allergies, et a même souffert de la teigne, une infection très transmissible dont les symptômes prennent la forme, entre autres, de plaques sur le corps. Sa petite sœur, touchée aussi par la maladie, a même perdu ses cheveux.

La famille a finalement déménagé dans un HLM, dans les quartiers nord de Marseille.

Merci à Shéhérazade, Samia, Diane et Nassurdine.

Cet épisode a été diffusé pour la première fois le 25/01/2018.

  • Reportage : Pascale Pascariello
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy, Anne-Laure Chanel et Charlotte Roux

Chanson de fin : "Voltaire", Heroic - Album : Voltaire (2014).

Quelques nouvelles

Samia, 27 ans aujourd'hui, a déménagé dans les quartiers sud de Marseille, où elle vit avec son mari et son fils de deux ans. Elle s'est réorientée pour devenir gestionnaire de recouvrement. Bien qu'elle soit en bonne condition physique, elle fait toujours de l'asthme.

Le bâtiment 7 dit "La Derche", dans l'impasse qui mène au collège rénové et renommé "Joséphine Baker", n'est toujours pas détruit et des gens sont encore susceptibles d'y vivre.

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