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Santé

90 médicaments plus dangereux qu’utiles selon la revue Prescrire


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Pour aider à choisir des soins de qualité, la revue spécialisée Prescrire a mis à jour son bilan des médicaments qu'elle conseille "d’écarter pour mieux soigner". Il s’agit de médicaments dont la balance bénéfices-risques est défavorable dans toutes les situations cliniques pour lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l’Union européenne.

Pour la sixième année consécutive, la revue Prescrire publie son bilan "des médicaments à écarter pour mieux soigner", qui recense des cas flagrants de médicaments plus dangereux qu'utiles, à écarter des soins. En 2018, il porte sur les médicaments analysés durant huit ans, de 2010 à 2017. Ils sont 90 en tout (79 commercialisés en France) dont la balance bénéfices-risques est défavorable dans toutes les situations cliniques pour lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l'Union européenne.

"L'objectif est d'aider à choisir des soins de qualité, pour d'abord ne pas nuire aux patients et pour éviter des dégâts", expliquent les auteurs de l'article. Ces derniers partent du constat que tous les médicaments ne se valent pas: dans certaines situations, des médicaments sont utiles car ils apportent un progrès thérapeutique par rapport à d’autres options. En revanche, d’autres médicaments sont plus nocifs qu’utiles et sont à écarter de la panoplie thérapeutique.

Des médicaments trop récents, anciens ou peu efficaces

L'évaluation des médicaments s'appuie sur plusieurs critères: la hiérarchisation des données d’efficacité, la comparaison au traitement de référence quand il existe, et la détermination des critères d’évaluation clinique les plus pertinents pour les patients. Enfin, leurs effets indésirables ont été passés au crible, au cours d'essais cliniques ou après plusieurs années d'utilisation. Cancérologie, cardiologie, diabète, rhumatologie, neurologie, psychiatrie: les médicaments de toutes spécialités confondues ont été passés en revue.

Leur balance bénéfices-risques peut avoir été jugée défavorable pour une ou plusieurs raisons: il s’agit de médicaments qui exposent à des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices qu’ils apportent, de médicaments anciens dont l’utilisation est dépassée par d’autres médicaments plus récents, de médicaments récents dont la balance s’avère moins favorable que celle de médicaments plus anciens, et de médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée au-delà d’un effet placebo.

"Aucun médicament ne permet de perdre du poids"

En gynécologie par exemple, deux médicaments autorisés dans le traitement hormonal substitutif de la ménopause sont évoqués. Le premier est une association d'estrogènes conjugués équins et bazédoxifène (Duavive, non commercialisé en France), dont les risques de thromboses et de cancers hormono-dépendants ont été trop peu évalués. Le deuxième, la tibolone (Livial) est un stéroïde de synthèse qui expose à des troubles cardiovasculaires, des cancers du sein ou de l’ovaire.

En dermatologie, le tacrolimus dermique (Protopic), utilisé dans l’eczéma atopique, expose à des cancers cutanés et des lymphomes, "des effets indésirables disproportionnés", estiment les auteurs. En ce qui concerne les traitements pour la perte de poids, ces derniers sont sans appel. "Début 2018, aucun médicament ne permet de perdre du poids de façon durable et sans risque. Mieux vaut s’en tenir à des modifications d’activité physique et diététiques."

Certains anti-nauséeux montrés du doigt cette année

Sont également cités plusieurs médicaments autorisés dans la dépression qui exposent plus que d’autres antidépresseurs à des risques graves sans avoir une meilleure efficacité: l’agomélatine (Valdoxan), la duloxétine (Cymbalta), le citalopram (Seropram). Pour le sevrage tabagique, la bupropione (Zyban) est à écarter, car ce traitement n’est pas plus efficace que la nicotine et expose à des troubles neuropsychiques et à des réactions allergiques parfois graves.

A noter que par rapport au bilan de l'année 2017, trois médicaments qui y figuraient ne sont plus disponibles ni autorisés. Il s'agit du ranélate de strontium (Protelos) dans l’ostéoporose, dont la firme a cessé la commercialisation mondiale, l’association dexaméthasone + salicylamide + salicylate d’hydroxyéthyle (Percutalgine) dans les tendinites et entorses car la firme a cessé la commercialisation en France et le catumaxomab (Removab) dans l’ascite maligne, à la suite du retrait de l'AMM dans l’Union européenne.

Encore trop de médicaments autorisés à tort

A l'inverse, les experts ont notamment ajouté cette année la métopimazine (Vogalène, Vogalib), un neuroleptique utilisé contre les vomissements et nausées et qui expose à des troubles cardiaques graves. Ce bilan indique qu'encore trop de médicaments sont autorisés malgré une balance bénéfices-risques défavorable dans toutes les indications de l’AMM. D'autant que certains sont commercialisés depuis de nombreuses années et d’utilisation courante.

"Du point de vue de la santé des patients, comment justifier de les exposer à un médicament qui cause plus d’effets indésirables que d’autres du même groupe pharmacologique, ou d’efficacité similaire? Il n’y a pas de raison valable pour que ces médicaments plus dangereux qu’utiles restent autorisés ou sur le marché", concluent les auteurs. Ces derniers demandent aux autorités de santé de prendre des dispositions concrètes pour inciter les soignants et patients à s’orienter vers des traitements à balance bénéfices-risques favorable.

Alexandra Bresson