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D'après le psychiatre Gérard Apfeldorfer, le contrôle du poids, pour les femmes, remonte aux années 1920.

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On ne compte plus les régimes minceur. Que traduit cette obsession du poids?

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Cette folie des régimes provient d'une double injonction: être beau, donc mince, et exercer un contrôle sur son apparence corporelle. Michel Houellebecq explique qu'il existe, aujourd'hui, deux formes de richesse: la richesse matérielle et celle de l'apparence, qui facilitent l'ascension sociale, les rapports sociaux... Des études sociologiques confirment, en effet, que la beauté et la minceur sont d'indéniables avantages pour être promu en entreprise ou changer de poste. Regardez François Hollande, qui a maigri pour se faire élire, comme pour signifier: "Je suis capable de contrôler mon poids, donc le pays." La minceur est devenue une névrose collective et les régimes font vendre du papier, des méthodes... Ils alimentent un business colossal.

Une névrose collective...

Oui. La deuxième partie du XIXesiècle et une grande partie du XXe ont vécu sous l'empire d'une névrose sexuelle. La sexualité était encadrée selon des normes et des interdits précis. Avec la libération sexuelle, la chose est devenue moins problématique, et c'est notre rapport à la nourriture qui s'est "névrotisé". Le discours des moralistes a été remplacé par celui des nutritionnistes, le nouveau clergé. Les femmes sont invitées à rentrer dans une taille 34 ou 36, un poids intenable pour une femme de 1,70 mètre, qui confine à la maigreur. Avec, une injonction culpabilisante pour les intéressées, qui se disent: "Si je ne suis pas conforme, c'est ma faute."

Quand ce culte de la minceur est-il né?

Dans les temps antiques, le diktat de la beauté était plus lié à une recherche d'harmonie que de minceur. Je ferais remonter le contrôle du poids, pour les femmes, aux années 1920 et aux suffragettes: effacer leurs formes féminines était, pour elles, une façon de se transformer en égales des hommes. La minceur était assimilée au pouvoir. Après la Seconde Guerre mondiale, les femmes ont repris du poids. Puis les années 1960 et la mode Twiggy, du nom d'un mannequin filiforme, ont lancé l'extrême minceur. Pour les hommes, ce concept est plus tardif: aujourd'hui, un homme se doit d'être beau et mince. Les critères féminins envahissent la masculinité. Audelà de la tyrannie de la minceur, nous vivons avec l'idée que nous pouvons maîtriser notre corps, conçu comme un objet, et la folie des régimes pousse à son apogée cette illusion.

Faux, donc?

Totalement. Nous sommes, au contraire, contrôlés par ce corps, qui nous envoie des messages. Quand il exprime un besoin de sommeil, il est bien de dormir; quand il exprime la soif, il est bien de boire... Nous sommes, par ailleurs, le produit d'un héritage génétique. On a mis en évidence des gènes qui définissent notre conformation corporelle (modèle Don Quichotte ou Sancho Pança, pour prendre deux extrêmes) et d'autres qui contrôlent notre comportement alimentaire. Certains individus sont plus sensibles à la faim... Nous sommes très inégaux dans nos comportements alimentaires.

Vous dites que les régimes commencent bien et finissent mal... Pourquoi?

Les régimes contrarient nos systèmes de régulation physiologique du poids. On connaît bien, désormais, les mécanismes complexes impliquant une batterie de neuromédiateurs qui régissent l'apparition de la faim et de la satiété. Ils commandent aussi nos envies de certains aliments plutôt que d'autres. Tout ceci s'ordonne pour construire nos repas en temps normal. En cas de régime, nous n'écoutons ni ces sensations alimentaires ni la faim, encore moins la satiété. On nous dit de manger ce dont on n'a pas envie et de ne pas manger ce dont on a envie! Le régime est une guerre contre son corps et contre son mental. Nous nous lançons dans un régime en opposition avec notre corps... jusqu'au moment où l'on n'y arrive plus.

Mais que faire, alors, si l'on veut maigrir?

Le contraire d'un régime, justement. Quand nous écoutons nos sensations alimentaires et sommes apaisés, nos mécanismes de régulation fonctionnent très bien, et chacun trouve alors un poids d'équilibre, stable sur la durée, même s'il peut varier dans une fourchette de 3 kilos à court terme. En revanche, quand nous sommes stressés ou tristes, pour nous en défendre, nous recourons à des stratégies, comme celle qui consiste à manger ou à sombrer dans des addictions. L'urgence, en l'occurrence, est de calmer l'émotion.

Que préconisez-vous? Un travail thérapeutique?

Il faut agir sur trois points cruciaux: entreprendre un travail émotionnel, non lié à la nourriture ; redevenir capable d'écouter ses sensations alimentaires et de manger en fonction d'elles ; se réconcilier avec son corps (1). Dans le domaine du poids, la volonté ne peut rien sur le long terme. Moraliser les enfants dès la maternelle sur le plan nutritionnel, dans l'idée de ne pas grossir, est dramatique. En réalité, notre corps est très bien fait, il indique la quantité à manger et ce qu'il faut manger pour un poids génétiquement programmé. Si vous faites du sport et que vous transpirez beaucoup, vous avez envie, après, de saler davantage. Il faut arrêter les régimes et retrouver ce qu'on appelle l'"alimentation intuitive", gage de plaisir et d'équilibre.




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