Baisse des subventions : la grande brocante des collectivités locales

Confrontées à la baisse des dotations de l’Etat, de plus en plus de collectivités locales mettent en vente sur Internet - et aux enchères - des biens immobiliers et toutes sortes d’équipements d’occasion.

 ILLUSTRATION. Pour arrondir leurs fins de mois, les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à brader leurs bijoux de famille.
ILLUSTRATION. Pour arrondir leurs fins de mois, les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à brader leurs bijoux de famille. LP/O . Boitet

    Et si demain, vous deveniez l'heureux propriétaire d'un étang bucolique à Corbenay, en Haute-Savoie? Ou d'une villa impériale à Deauville, d'une vieille Twingo de la municipalité de Reims, d'un ancien hôpital près de Saumur ou encore d'un presbytère à deux pas du Mont-Saint-Michel... Pour arrondir leurs fins de mois, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à brader leurs bijoux de famille. Bâtisses, matériel agricole ou informatique, véhicules d'occasion, objets totalement insolites : tout y passe! Et, la plupart du temps, pour une bouchée de pain. Les collectionneurs et les particuliers avides de bonnes affaires scrutent d'ailleurs les petites annonces postées par les villes, les départements et les régions sur des sites Internet comme Agorastore ou Webenchères. Mais ces derniers temps, le nombre de ventes aux enchères des collectivités a explosé. Chez Agorastore, qui travaille avec plus de 1500 villes et départements partout en France, on enregistre 60% de croissance annuelle depuis trois ans. « Rien qu'en 2016, les ventes ont été multipliées par quatre en volume », décrit Servan Ndjantcha, le directeur des ventes des collectivités locales.

    « Aujourd'hui, elles vendent même les fonds de tiroirs »

    « Au départ, elles proposaient des biens à forte valeur ajoutée. Aujourd'hui, elles vendent même les fonds de tiroirs, confirme Marie Le Roy, la responsable du service du développement informatique de Webenchères, qui comptabilise 2000 collectivités. L'idée, c'est évidemment de gagner de l'argent. Mais aussi d'arrêter d'en perdre. » Car entreposer de vieilles tondeuses dans des entrepôts ou entretenir des bâtiments anciens coûte cher. Or les collectivités n'en ont clairement plus les moyens.

    La faute à qui ? A l'Etat, dont les dotations aux collectivités ont fondu de 11,5Mds€ sur la période 2014-2017. Et ce n'est pas terminé. En juillet, le gouvernement avait mécontenté les élus locaux en annulant 300M€ de crédits qui leur était destinés, avant finalement de leur accorder un sursis pour 2018... Mais sur le quinquennant, Emmanuel Macron a été très clair : les collectivités territoriales devront participer à hauteur de 13 Mds€ aux économies afin de tenir son objectif d'une baisse de trois points des dépenses publiques par rapport au PIB. Annuellement, les dotations de l'Etat aux collectivités atteignent environ 50Mds€...

    La vente de biens immobiliers se développe

    « Avec la baisse des subventions, la plupart des collectivités n'ont pas d'autres choix que de chercher de nouvelles recettes, précise Servan Ndjantcha. Cela risque de s'intensifier avec la suppression progressive de la taxe d'habitation, qui donnera moins d'indépendance financière aux élus. » Chez Agorastore, la vente de biens immobiliers, possible depuis quatre ans, cartonne. « Elle leur permet d'enregistrer une recette immédiate, décrypte-t-il. Du coup, ces ventes se développent particulièrement. » Et spécialement en fin d'année, si l'on en croit ce responsable. Là, lorsqu'il faut boucler le budget et que les dépenses ont été plus lourdes que prévues, certaines collectivités redoublent d'énergie pour alimenter le stand - sur Internet- de leur brocante.

    La caverne d’Ali Baba des collectivités