SNCF en Ile-de-France : «Les huit prochaines années vont être très difficiles»

EXCLUSIF. Alain Krakovitch, directeur général de Transilien, et Didier Bense, directeur de SNCF Réseau Ile-de-France, ne le cachent pas : la circulation des trains s’annonce fortement perturbée… et pour longtemps.

 Didier Bense (à g.) et Alain Krakovitch jouent carte sur table.
Didier Bense (à g.) et Alain Krakovitch jouent carte sur table. Eric Garault/Pascoandco

    Avec une accumulation de travaux dans les années à venir, la circulation des trains sera forcément compliquée pour les usagers. Mais Alain Krakovitch et Didier Bense promettent d'être irréprochables sur l'information voyageurs.

    Vous voulez adresser un « discours de vérité » aux utilisateurs du réseau Transilien. Quel est-il ?

    DIDIER BENSE. On entre dans une phase difficile, car nous menons énormément de chantiers, tout en devant composer avec les trois millions de voyageurs quotidiens sur les RER et les Transilien.

    Nous travaillons déjà depuis deux ans très intensément sur la rénovation du réseau existant au cours des périodes où c'est le moins gênant : la nuit et les week-ends. Mais cela ne suffit plus, il va aussi falloir que nous coupions, parfois pendant plusieurs jours d'affilée, certaines lignes. C'est difficile mais indispensable, car en 2025, nous aurons 4 à 4,5 millions de voyageurs quotidiens.

    A cela s'ajoutent les travaux de développement du réseau (Eole, Grand Paris Express…) qui auront forcément un impact sur les transports du quotidien.

    ALAIN KRAKOVITCH. Cela veut dire que les huit prochaines années vont être difficiles pour nos clients, mais nous veillons conjointement à en réduire les inconvénients au maximum.

    Vous citez Eole, dont un forage non autorisé a provoqué l'interruption du RER A pendant trois jours fin octobre 2017.

    D. B. Il serait illusoire de penser que ce genre d'incident ne pourrait pas se reproduire. Etant donné le volume de travaux en cours et à venir, de nouveaux aléas de chantier sont inévitables. Même s'ils sont très médiatisés, ces aléas restent plutôt rares rapportés à notre volume de travaux : c'est près d'un chantier majeur que nous lançons chaque jour en Ile-de-France. Avec Eole, on est en train de construire l'équivalent d'une ligne à grande vitesse (LGV). Et pas en rase campagne mais en plein Paris, tout près de voies existantes et exploitées.

    En 2017, ce sont notamment les travaux d'interconnexion à Cachan (94) sur le RER B, réalisés par la RATP, qui ont été mal vécus pour les usagers.

    A. K. J'admets sans difficulté que l'année a été difficile sur le RER B. Mais cela va être encore plus compliqué dans les années qui viennent, puisque d'ici à 2025 il y a 22 autres gares du Grand Paris Express interconnectées avec le réseau SNCF prévues !

    Construire une gare sous une autre, qui est exploitée, c'est évidemment compliqué. D'autres villes, comme Madrid avec le Metrosur, ont choisi de créer de nouvelles lignes totalement déconnectées du réseau existant. C'est beaucoup plus simple et moins gênant pour les usagers, mais à terme, l'option retenue en Ile-de-France permettra des transports plus fluides.

    Ne faudrait-il pas ralentir le rythme des travaux ?

    D. B. On ne peut pas les reporter : remplacer toutes les caténaires du RER B ou sur la ligne C, c'est absolument nécessaire, comme de nombreux autres travaux prévus depuis déjà bien longtemps. Et puis Paris va organiser les Jeux olympiques en 2024. Cela rajoute une pression supplémentaire qui rend impossible tout report.

    A. K. On doit trouver le bon équilibre entre la nécessité de réaliser ces travaux tout en continuant à transporter nos voyageurs.

    Quelles solutions proposez-vous pour rendre ces huit années de galère le plus supportable possible ?

    D. B. Durant les travaux, nous renforçons les offres de transport partout où cela est possible. En moyenne et grande couronne, la réponse passe par la mise en place de services de bus de substitution de qualité. Ils accompagneront des coupures de ligne plus longues, qui nous permettent de réaliser les travaux plus rapidement et de manière mieux maîtrisée. Pour nos clients, cela signifie davantage de prévisibilité, c'est-à-dire une meilleure capacité à anticiper et à s'organiser.

    A. K. Un client averti en vaut deux. En 2018, la priorité de Transilien sera l'information voyageurs. Il est indispensable que nous soyons le plus pédagogues et le plus transparent possible et que nous délivrions des informations claires à nos clients sur les plans de transport, les itinéraires alternatifs, les bus de substitution géolocalisés…

    Pouvez-vous donner de plus amples détails ?

    A. K. Nous allons commencer par mettre en cohérence les informations diffusées sur les écrans en gare, sur les smartphones et dans les trains. Nous allons aussi déployer dans tous nos trains un système qui va permettre aux « tours de contrôle » des différentes lignes de pouvoir directement prendre la parole dans les trains.

    Nous avons également ajouté une nouvelle fonctionnalité dans l'appli SNCF, qui permettra à tout à chacun de signaler un incident, sur le modèle de Waze (NDLR : l'appli GPS communautaire sur smartphone). Cela va nous permettre de gagner en transparence et en réactivité.

    Et d'ici quelques semaines, nous allons personnaliser les notifications « push ». Vous entrez votre trajet dans l'application, qui ne vous enverra dès lors que des informations relatives à votre parcours et non à l'ensemble de la ligne, tel que c'est le cas actuellement. Enfin, je rappelle que le covoiturage via notre application iDVroom est gratuit durant les travaux.