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Gérald Darmanin n'envisage pas, pour l'heure, de démissionner. Il a le soutien d'Edouard Philippe.
Gérald Darmanin n'envisage pas, pour l'heure, de démissionner. Il a le soutien d'Edouard Philippe.
JACQUES DEMARTHON / AFP

Plainte contre Darmanin : ses avocats ne nient pas les faits... mais n’y voient pas un viol

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Les avocats de Gérald Darmanin ne nient pas le rapport sexuel avec une ex-call girl en 2009, mais seulement les accusations de viol. Une défense exclusivement juridique qui n'éteint pas toutes les questions.

Le droit, rien que le droit. Tel est l’angle de défense de maître Pierre-Olivier Sur, l’avocat de Gérald Darmanin, depuis le début de l’enquête préliminaire pour viol qui touche son client. En résumé, l’avocat explique que l’accusation de viol portée par Sophie Spatz à l’encontre de son client ne peut pas tenir. En creux, il ne nie pas l'essentiel des faits avancés, comme ce mardi 30 janvier sur RTL : « Ce ne sont pas les faits qui sont graves, c’est la qualification : viol. (...) Il n’y a pas eu viol et il ne pourra jamais être dit et jugé qu’il y aurait eu un viol. »

L’autre avocat du ministre, Mathias Chichportich avance lui aussi que la qualification de viol « par surprise » ne peut être retenue car elle correspond à des faits bien précis, comme une erreur sur la personne. « Il y a, je crois, cinq décisions judiciaires en près d'un siècle qui ont constaté la surprise en droit français », a-t-il soutenu sur BFMTV ce lundi 29 janvier, en assurant que la surprise était la plupart du temps une « erreur sur la personne ». En l’espèce, Mathias Chichportich estime que la surprise est impossible à prouver : « Je n'ai jamais vu qu'on puisse être dans une chambre d'hôtel un certain temps, totalement libre de ses mouvements, et ensuite pouvoir dire qu'on a été surpris, ou alors je suis très très très inquiet de ce que seront les jurisprudences à venir dans la matière. »

"Abuser de sa position !"

Ce faisant, les avocats de Gérald Darmanin n’ont pas contesté les faits. Lesquels, s’ils ne seront peut-être pas condamnés en justice, pourraient rester éthiquement troublants. Ils remontent à 2009. Sophie Spatz – une ex-call girl - avait pris contact avec Gérald Darmanin, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP, dans l’espoir de faire réviser une vieille condamnation en justice. L’élu, alors âgé de 26 ans, aurait promis d’appuyer sa demande auprès de la ministre de la Justice... non sans adresser lui aussi une requête. « Il va falloir m’aider vous aussi », aurait-il annoncé, selon la plaignante. Se serait ensuivie une soirée à Paris, un détour par un club libertin, puis une nuit dans un hôtel où a eu lieu ce rapport sexuel, qui n’est pas contesté par les conseils du ministre. Plus tard, celui-ci a envoyé une lettre d’intervention à la garde des Sceaux, ce qu’il ne nie pas non plus.

Selon les SMS qu’elle a envoyés à Gérald Darmanin entre 2009 et 2012, Sophie Spatz ne garde pas un très bon souvenir de cette soirée - et c'est un euphémisme. Dans son esprit, le rapport sexuel est manifestement lié à la promesse de voir son dossier défendu auprès de la ministre. « Abuser de sa position ! Pour ma par cet être un salle con !!!! Surtout quand on et dans la peine , la politique te correspond bien !!! [sic] » ; « Quand ont sait l, effort qu, il ma fallu pour baiser avec toi !!!! Pour t, occuper de mon dossier [sic] », écrit-elle notamment.L’élu de Tourcoing répond : « – « Tu as raison je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ? Merci de me redonner une chance.. Es tu dispo des ce soir ? [sic] »

"A l'époque, Gérald Darmanin n'était 'rien'"

Aujourd’hui, les qualifications d'éventuels délits de trafic d’influence et d’abus de faiblesse sont prescrits pour ces faits. Il n'empêche : une situation de détresse, un service à demander, un rapport sexuel, une lettre envoyée à la ministre... Ne pourrait-il pas s’agir d’un abus de pouvoir de la part de Gérald Darmanin, éthiquement critiquable ? Pas du tout, a répondu Pierre-Olivier Sur à Mediapart : « Pour qu’il y ait abus de pouvoir, il faut déjà qu’il y ait pouvoir. Or, à l’époque, Gérald Darmanin n’était "rien" ». Les avocats du ministre ont annoncé porter plainte pour dénonciation calomnieuse à l’égard de Sophie Spatz.

Dans ce dossier et au vu des faits, l'extinction de l'action en justice pourrait ne pas suffire à dissiper les débats sur le comportement de Gérald Darmanin. L’appartenance du ministre à La République en Marche, par exemple, ne pourrait-elle pas être questionnée ? Selon la charte des valeurs du parti macroniste, chaque membre doit respecter « les règles élémentaires de la courtoisie, du respect d’autrui, de l’honnêteté et de la probité. » En conséquence, « chacun de nos adhérents s’engage donc à ne pas commettre de discrimination ou d’abus de pouvoir et à être vigilant sur toute situation de conflit d’intérêt », assure LREM.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne