À Paris, Airbnb est devenu un business très lucratif. À tel point qu’aujourd’hui de nombreux Parisiens ont fait de la location de meublés touristiques leur fonds de commerce. D’après une enquête menée par Le Figaro sur près de 54.000 annonces parisiennes, 9% des hôtes proposant un logement sur la plateforme américaine sont des multiloueurs. Derrière ce terme se cachent des entreprises de gardiennage qui gèrent divers appartements à louer pour le compte de propriétaires, des entreprises de location de meublés touristiques, des maisons d’hôtes mais aussi un grand nombre de particuliers qui possèdent plusieurs logements destinés à la location.

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«Les multiloueurs, pour certains, ont acheté des appartements dès le départ avec l’envie de les transformer en meublés touristiques. On n’est plus du tout dans la logique de départ de Airbnb: c’est du business effectué avec des professionnels déguisés en amateurs. Lutter contre cette pratique est notre combat principal», explique au Figaro Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence. Pour les particuliers parisiens, proposer un meublé touristique autre que sa résidence principale s’avère être illégal si une procédure de changement d’usage n’a pas été effectuée. C’est-à-dire la transformation juridique d’un local d’habitation en local professionnel. Une mise en conformité contraignante et rarement réalisée.

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Sur la plateforme, les hôtes qui proposent plusieurs logements dans la capitale sont légion. D’après nos informations, plus de 2000 annonceurs louent plus de deux appartements entiers à Paris, et ils sont plus de 120 à en louer au moins 10. Dans cette dernière catégorie, on retrouve dans la majeure partie des cas des professionnels. C’est notamment le cas de Parisian Home, une entreprise spécialisée dans la location d’appartements meublés pour du court terme qui comptabilise plus de 250 annonces dans la capitale, ou encore HostnFly qui dispose, elle, de plus de 70 appartements. À l’inverse, on retrouve aussi des hôtes présentés dans leur description comme des particuliers qui proposent entre 10 et 20 logements meublés touristiques. Une pratique qui pose problème aux yeux de la mairie. «Ces gros loueurs sont notre cible prioritaire», précise l’élu communiste.

En proportion, ces 9% de multiloueurs regroupent à eux seuls près de 20% des annonces dans la capitale. Mais pour Laurent Duc, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, l’impact de ces multiloueurs est bien plus grand. «Le propriétaire qui met sur Airbnb son logement principal va le louer quand il est en vacances, en week-end ou en en déplacement mais pas constamment comme le font ceux qui louent plusieurs meublés touristiques. Donc automatiquement, ce sont les multipropriétaires qui font une grande partie du chiffre d’Airbnb», affirme Laurent Duc. L’enquête menée par Le Figaro montre également qu’une différence de prix subsiste entre les deux catégories de loueurs. Le prix médian des annonces de multipropriétaires est de 100 euros quand celui des loueurs d’un seul bien est de 70 euros.

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Sans réelle surprise, c’est dans les quatre premiers arrondissements de Paris que le nombre de multipropriétaires est le plus important. Ainsi, 40% des annonces Airbnb dans le 4e arrondissement appartiennent à des personnes ayant au moins deux appartements en location. Ce taux atteint 38% dans le 1er arrondissement, 36% dans le 2e et 34% dans le 3e. Des chiffres bien supérieurs à la moyenne de l’ensemble de la capitale, qui s’élève à 20%.

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Pour lutter contre ce phénomène, la mairie a intensifié son combat face aux multipropriétaires qui ne respectent pas la loi. Entre le 1er semestre de 2016 et le 1er semestre de 2017, les sanctions ont été multipliées par 10. Ainsi, sur l’ensemble de l’année 2017, 1.3 million d’euros d’amendes ont été infligées par la ville à des loueurs de meublés touristiques. Des sanctions qui, dans la grande partie des cas, visaient des multipropriétaires. Fin décembre, pour la première fois, la mairie a même obtenu la condamnation d’une agence immobilière qui jouait le rôle d’intermédiaire pour un particulier. «L’agence a écopé d’une amende de 100.000 euros pour la location de deux appartements. Le propriétaire était également poursuivi mais celui n’a pas été condamné puisqu’il n’y avait pas d’enrichissement personnel: l’agence immobilière lui versait un loyer fixe. C’est donc elle qui faisait commerce», confie la mairie. Au-delà de l’accentuation des sanctions, la ville a également augmenté ses effectifs. «La ville de Paris a depuis longtemps une équipe qui travaille sur ce sujet. Celle-ci est passée de 20 à 30 agents et a vocation à se renforcer dans les années à venir», explique Ian Brossat.

MÉTHODOLOGIE 

La base de données sur laquelle repose l’enquête du Figaro compte 53.746 annonces Airbnb localisées à Paris, à la mi-janvier. Celle-ci contient différentes informations pertinentes comme: le prix, la localisation et l’évaluation de la location, le type de logement proposé (entier ou fractionné), le statut ainsi que l’identifiant du propriétaire. Pour s’assurer de la véracité et de l’intégrité de notre base de données, nous sommes partis des profils des hôtes, et non des annonces. Une démarche plus précise qui nous a permis d’obtenir l’ensemble des locations de chaque propriétaire présent dans notre base. Ce jeu de données représente environ 80% de la totalité des annonces Airbnb dans la capitale.