« Le Monde » reproduit le texte lu par la procureure de la République de Bobigny, Fabienne Klein-Donati, lundi 29 janvier, lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Bobigny. En 2017, 168 888 affaires ont été traitées avec les 56,6 postes de magistrats du parquet de Seine-Saint-Denis. Elle reconnaît que la « réponse pénale » de la justice se dégrade et dresse un bilan inquiétant de l’évolution de la délinquance dans ce département où la pauvreté et le chômage battent des records nationaux. Elle réclame des « mesures exceptionnelles pour un département exceptionnel ». Voici les principaux extraits de son intervention.
« Il est remarquable qu’en dépit d’une délinquance quotidienne qui désespère, tant le sentiment est fort de vider un puits sans fond, les magistrats de ce parquet gardent chevillé en eux le sens de leur mission au service de leurs concitoyens. (…)
La situation demeure préoccupante et le demeurera tant que la juridiction ne sera pas renforcée en conséquence des besoins. 418 dossiers d’instruction stagnent dans les rayons, sans réelle perspective ni à court terme ni à moyen terme. (…)
Plus préoccupant encore : la dégradation de la réponse pénale. Faute de ces moyens, le parquet est contraint quotidiennement de dégrader la réponse ou de la différer. Quand le taux national de poursuites est de 50 % des affaires poursuivables, il est de 31 % ici. Quand le taux des mesures alternatives est de 43 % au niveau national, il frise 50 % ici. Notre taux de réponse pénale est voisin du taux national, mais la nature de la réponse renvoie un message peu audible aux victimes, peu audible aux enquêteurs qui ont mis leur énergie à élucider les affaires et interpeller les auteurs et par contre très audible des délinquants.
Cette juridiction devrait avoir deux audiences de comparutions immédiates par jour ; elle devrait pouvoir doubler le nombre quotidien de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité CRPC-défèrement ; elle devrait avoir une chambre correctionnelle supplémentaire, etc.
« Est-ce mission impossible de prendre des mesures exceptionnelles pour un département exceptionnel ? Bon sang ! Avouez que ceci est rageant quand même ! »
Le 30 juin 2017, j’ai écrit ceci à Madame la procureure générale : « Avoir à se battre quotidiennement pour trouver la réponse pénale la moins dégradée, alors que dans chaque dossier existent des situations humaines individuelles ou collectives méritant un autre traitement, use moralement, tout comme le fait de ne pouvoir répondre aux demandes fort légitimes de justice pénale des habitants du département exprimées par la voix d’une grande partie des élus… Il est difficile d’imaginer continuer dans des conditions identiques. La remise à niveau des effectifs et leur renfort significatif sont impératifs (…). A défaut, il est illusoire d’imaginer une quelconque influence de l’intervention judiciaire sur l’état de la délinquance de ce département, sur l’ancrage de ses auteurs et leur “rayonnement” hors ressort. » (…)
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