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Société

Caroline De Haas, la médiatique militante féministe à la "voix qui porte"

Caroline De Haas en mai 2017.

Caroline De Haas en mai 2017. - PATRICK KOVARIK / AFP

Au fil de ses combats militants, Caroline De Haas est devenue la figure du féminisme en France. Elle est pourtant bien plus qu’une simple bête médiatique.

On la voit partout. De plateaux télés en tribunes dans la presse, de manifestations en pétitions: Caroline De Haas est devenue le visage du féminisme en France. Selon Le Monde, c’est sur ses conseils que Sophie Spatz a changé d’avocat pour déposer une nouvelle plainte pour viol, qui vaut maintenant à Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, de faire face à une enquête préliminaire, automatique dans ce type de dossier.

Jeudi soir, sur son blog hébergé par Mediapart, elle a elle-même confirmé l'information. "J’ai reçu depuis des mois des informations et des témoignages qui concernent des responsables politiques. De tous bords. A de très hauts niveaux de responsabilités. (...) Contrairement à ce que la société semble penser, les femmes victimes parlent. Le problème, c’est que souvent personne ne les entend. Je ne suis ni journaliste, ni juge. Je ne peux enquêter ou juger. Je suis militante féministe. Je peux accueillir la parole des femmes victimes et les orienter. C’est ce que j’essaye de faire. C’’est ce que je ferai à nouveau si d’autres femmes victimes de ministres ou responsables politiques viennent me voir", écrit-elle.

"Sa voix porte. Ca plaît à certaines et pas à d’autres"

Car aujourd’hui, Caroline De Haas est devenue la figure médiatique du militantisme féministe en France. "Il y a plusieurs visages qui émergent, mais c’est vrai que c’est quelqu’un qui a su s’imposer assez vite", commente Fatima Benomar, elle aussi militante féministe et cofondatrice des Effronté.e.s. "Elle a une vision assez généraliste, donc elle va intervenir sur les violences faites aux femmes, la question économique, la parité… Est-ce qu’elle fait l’unanimité chez les féministes? Pas vraiment, mais personne ne fait l’unanimité dans le monde féministe. Il y a beaucoup de courants, qui ne sont pas d’accord sur tout. Sa voix, elle porte. Du coup, ça plaît à certaines et pas à d’autres".

Les deux femmes se sont rencontrées à l’Unef, un syndicat étudiant marqué à gauche. Simple militante, Fatima Benomar est repérée par Caroline De Haas, qui lui propose de la rejoindre chez "Osez le féminisme!", qu’elle lance en 2009. Elle prendra ses distances avec l’association en 2011, en quittant le poste de porte-parole. "Il allait bientôt y avoir un conflit d’intérêt parce qu’elle allait rejoindre le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. Elle s’était aussi engagée dans la campagne des primaires de Martine Aubry. Déjà, quand elle a créé "Osez le féminisme!", elle était salariée de Benoît Hamon. Comme on a souvent fait le procès à l’association d’être le énième satellite (du PS, NDLR)… C’était aussi important que le porte-parole soit un peu plus neutre", raconte Fatima Benomar.

"Son militantisme dépasse la question du féminisme"

Car la politique est l'autre terrain de jeu de Caroline De Haas. Conseillère chargée des relations avec les associations et de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem entre 2012 et 2013, elle quitte le PS en 2014. En 2016, elle est directrice de la campagne de Cécile Duflot pour la primaire des écologistes. Soutenue par EELV et le PCF, elle se présente aux législatives un an plus tard dans le 18e arrondissement de Paris, mais elle est battue dès le premier tour. Elle y avait retrouvé Myriam El Khomri, elle aussi battue.

Un an auparavant, c’est sur le web que Caroline De Haas avait lancé le combat contre celle qui était alors ministre du Travail: sa pétition, "Loi Travail: non merci" avait recueilli 1,3 million de signatures. Car sur Internet aussi, la féministe sait se faire entendre. "Il y a eu très vite une prise de conscience de la part de Caroline qu'Internet allait pouvoir nous aider à contrebalancer le débat public", se remémore Clara Gonzales, qui a travaillé avec elle sur plusieurs campagnes digitales. "C’est aussi ça qui est intéressant avec Caroline: son militantisme dépasse très largement la question du féminisme. Parfois, elle aimerait bien être mieux entendue sur d’autres sujets. Les politiques ont le droit de s’exprimer sur tout ce qu’ils veulent et dire des grosses conneries, mais quand on est militante affichée comme féministe, il faudrait quasiment qu’on se taise sur tous les autres sujets".

"Elle est très à l’aise avec les médias, mais c’est aussi quelqu’un qui travaille"

Malgré tout, c’est bien sur le terrain du féminisme qu’elle "imprime" le plus. Autant dans l'espace public que chez les militantes qu'elle forme. "Ce que j’ai appris de Caroline, c’est qu’on peut faire des campagnes de com’ de fou, des happenings, des vidéos, mais sur le fond on doit être irréprochables et prudentes", raconte Claire Serre-Combe, ancienne porte-parole d’"Osez le féminisme!". "Elle est très à l’aise avec les médias, mais c’est aussi quelqu’un qui travaille, avec des militants derrière. Elle s’inscrit dans un travail d’équipe, elle n’est pas seule, isolée, à porter ce qui serait la voix".

Cette "voix", ses détracteurs lui reprochent d’exister médiatiquement pour faire vivre Egaé, sa société de conseil aux entreprises et aux collectivités sur la thématique de l’égalité femmes-hommes. Sans parler de la violence des attaques que Caroline De Haas affronte souvent sur les réseaux sociaux: dans un portrait de Cheek magazine, elle raconte avoir bloqué plus de 1300 comptes Twitter et filtré les mots "putes", "salope" et "féminazie". "Caroline, comme elle est plus visible médiatiquement, ça peut tout de suite prendre des proportions dingues, rapporte Claire Serre-Combe. Et comme toutes les personnes qui vivent ça, on ne le vit pas bien. Ça ne veut pas dire que ça détruit. Elle sait en tirer une force: quand on est victime de ça, on a raison dans le combat qu’on mène".

Antoine Maes