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Nos grands-mères font vendre... Les start-up s'en saisissent !

Petits plats mijotés, bonnets tricotés en laine... Trois jeunes pousses misent sur la tradition et le savoir-faire de nos mamies pour mieux vendre dans l'alimentaire et l'habillement. Eclairage avec Nos Grands-Mères ont du Talent, Mamie Foodie et Gang de Grands-Mères.

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Marie-Ange (à gauche) concocte des plats mauriciens et Martine (à droite) est spécialisée dans la cuisine sénégalaise. (Mamie Foodie)
Publié le 3 janv. 2018 à 14:00

Mamie B., tablier rouge siglé « Nos Grands-Mères ont du Talent » noué autour de la taille, livre ses conseils cuisine sur YouTube. « Ce lapin, il va pas faire le malin longtemps », lance-t-elle l’air amusée. A 54 ans, Mamie B. est l’une des seniors qui conçoit les recettes de la start-up Nos Grands-Mères ont du Talent. Le concept : des grands-parents imaginent des recettes « traditionnelles » (pintade fermière au porto, velouté de potimarron…) qui se renouvellent chaque semaine, puis le plat est confectionné par un prestataire externe. Les repas sont ensuite vendus dans des corners en gare par des employés de plus de 50 ans.

Les retraités ne sont pas rémunérés, mais les seniors présents sur les trois points de vente (gare Montparnasse, gare de Saint-Quentin-en-Yvelines et Gare de Colombes) sont employés en CDI. Un modèle fructueux qui a permis à « NGMODT » de lancer un nouveau format en gare Montparnasse depuis décembre 2017 : les passagers peuvent commander un repas et le recevoir lorsqu’ils prennent leur train.

Si les repas ne sont pas cuisinés par des grands-mères, la start-up n’hésite pas à les mettre en avant : grand-mère coiffée d’une toque de chef sur Facebook, tutoriel de Mamie B. sur YouTube…

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« Au départ, l’idée était de lancer un foodtruck tenu par des mamies. Mais les retraités ne veulent pas s’imposer d’horaires de travail fixes et le cumul emploi-retraite n’est pas encore entré dans les mœurs. Donc nous avons gardé les grands-mères seulement pour penser les recettes », explique Jean de Guerre, qui a cofondé NGMODT en 2014 aux côtés d’Arthur Juin.

Jean de Guerre (à gauche) et Arthur Juin (à droite) ont débuté en cuisinant eux-même les plats.Nos Grands-Mères ont du Talent

« Les seniors portent un message que les jeunes ne peuvent pas forcément transmettre, ils ont plus de crédibilité pour communiquer sur des recettes traditionnelles et faites maison », décrypte Pierre-Louis Desprez, directeur général associé de Kaos Consulting.

Mamie Foodie, « le traiteur Madeleine de Proust »

Une opportunité également décelée par Mamie Foodie, « le traiteur Madeleine de Proust », comme le définit sa cofondatrice Johanna Pestour. La start-up, créée en 2016, travaille avec des retraités qui cuisinent des repas et des cocktails pour des entreprises ou des particuliers. 

Johanna Pestour (à gauche) et Valentine Foussier (à droite) ont imaginé Mamie Foodie lors d'un projet école en septembre 2015.Mamie Foodie

Les cuisiniers ont en moyenne 65 ans et sont micro-entrepreneurs. « Ils font la cuisine, on gère l’approvisionnement en aliments et la logistique », explique Johanna Pestour. « Au-delà de l’utilisation marketing, la tendance senior structure l’offre de cette start-up : ce sont réellement des retraités qui réalisent les produits. Cela est très précieux pour se différencier de la concurrence », analyse Pierre-Louis Desprez.

Et les retraités ne sont pas seulement derrière les fourneaux : ils sont également mis en avant lors des événements, où ils servent les clients. « Les invités discutent avec eux, leur demandent des conseils de cuisine. Et ce n’est pas rare qu’ils applaudissent à la fin », raconte Johanna Pestour.

Forte de son succès, elle a décidé, avec la cofondatrice Valentine Foussier,de recruter deux ou trois nouvelles personnes en 2018. « Nous voulons nous diversifier encore plus sur la cuisine du monde : péruvienne, sri-lankaise, argentine… », explique la jeune femme. Cette-fois, elles prendront en compte l’isolement et le revenu des retraités afin de favoriser leur réinsertion. Actuellement, 15 grands-parents travaillent pour Mamie Foodie, à raison de deux à trois fois par mois.

La start-up a déjà séduit des entreprises comme Orange, Les Galeries Lafayette et Action contre la Faim. Des agences de publicité et le ministère des Finances ont également fait appel à Mamie Foodie. « Les produits réalisés par des grands-parents sont très en phase avec les valeurs du moment : la réassurance et l’authenticité », affirme Pierre-Louis Desprez. Selon l’expert, ce positionnement est particulièrement efficace dans les secteurs de l’alimentaire et de l’habillement, pour lesquels les consommateurs sont suspicieux. Quand l’industrie agroalimentaire enchaîne les scandales sanitaires et que les enseignes de vêtements engagent une main d’œuvre à bas coûts dans des conditions déplorables, la promesse d’un produit « fait avec amour par quelqu’un de plus de 55 ans » est porteuse.

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Le « Gang de Grands-Mères »

Hugo Camusso, 28 ans, a joué cette carte dans l’habillement. Son concept : des bonnets designés par un jeune et tricotés par des mamies. En 2015, il lance la marque « Gang de Grands-Mères » en micro-entrepreneur. Puis il crée l’association « Les Mamies du Gang ». Les cinq adhérentes tricotent les bonnets que son entreprise rachète. Elles reçoivent 10% du chiffre d’affaires, soit 30% du bénéfice. Elles utilisent cette somme pour aller chez le coiffeur, à la piscine, ou toutes sortes d’activités.

Loin des grands-mères qui tricotent au coin du feu, Gang de Grands-Mères veut véhiculer une image de dynamiqueGang de Grands-Mères

Fort de son succès, Hugo Camusso vend désormais des nœuds papillons, des cravates, des écharpes, des bijoux en laine... et travaille avec une trentaine de tricoteuses en France. « J’ai tout misé sur ce concept, jusqu’à créer une communauté. Les clients sont ainsi "les gangsters", et moi "le parrain" », s’amuse le jeune entrepreneur. Il va même jusqu’à inscrire le nom de la grand-mère qui a tricoté sur le bonnet. Sans oublier les « stories » mettant en scène les tricoteuses, régulièrement postées sur Instagram.

Le bonnet artisanal cousu main est vendu 69 euros, dont 7 euros sont reversé aux "Mamies du Gang"Gang de Grands-Mères

Hugo Camusso assure doubler ses ventes chaque année, principalement auprès de jeunes actifs, une génération qui revient aux produits authentiques et au savoir-faire. En 2016, 600 bonnets ont été vendus, avec un prix variant de 35 à 180 euros selon le modèle. 

« C’est étonnant de vendre des bonnets de grands-mères à des jeunes. Or la surprise est le premier facteur de vente dans ce secteur. C’est une technique qui marche très bien pour la consommation courante car les achats sont impulsifs », explique Pierre-Louis Desprez. Hugo Camusso affirme surtout miser sur l’affectif. Il raconte : « un jour une cliente nous a demandé de faire un tricot que sa grand-mère décédée n’avait pas fini. »

« Tu n'as pas de grands-parents ou ils ne savent pas tricoter? Tu peux quand même avoir un bonnet! », Hugo CamussoGang de Grands-Mères

« Les produits de ces start-up séduisent à la fois les personnes âgées qui ont connu l’époque invoquée et les jeunes qui y voient un paradis perdu », analyse Pierre-Louis Desprez. Pour Hugo Camusso, au-delà de la tendance, ces offres sont un fait de société. « Il y a de plus en plus de retraités, nous devons trouver un moyen de les occuper », assure le jeune homme. Les entreprises pourraient en effet travailler de plus en plus avec des seniors : selon l’INSEE, un habitant sur trois serait âgé de 60 ans ou plus en 2050, contre un sur cinq en 2005.

Amélie Petitdemange

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