Reportage dans une classe inversée: "Avant, on écoutait juste, le prof était ennuyant"
- Publié le 02-02-2018 à 14h13
- Mis à jour le 02-02-2018 à 14h14
"Une année, j’ai eu 17 élèves sur 25 en échec, se souvient Valérie Béguin, professeure de mathématiques à l’Institut de la Providence de Namur. J’en ai parlé avec eux, ils m’ont tous dit que ‘les maths c’est barbant’". Depuis, l’enseignante a changé sa méthode : elle pratique la classe inversée. On apprend la théorie à la maison, on fait les exercices en cours. Et ses élèves voient la différence. L’année passée, Lorian suivait des cours normaux. "On écoutait juste, le prof était ennuyant."
La trentaine d’adolescents rentre en classe. Ils sont en 3e secondaire. Ils rejoignent en bavardant leurs "îlots", des regroupements de tables, quatre par quatre. Au programme, cours de géométrie : les angles inscrits. La veille, tous les élèves ont étudié une courte vidéo sur le sujet, essayant de comprendre par eux-mêmes.
"On commence par le quizz"
"Sortez vos cartes roses, on commence par le quizz ! On va voir si vous avez bien regardé les vidéos", lance Mme Béguin à la cantonade. Sur les cartons, quatre lettres et un code QR individuel. A chaque lettre correspond l’une des réponses possibles. C’est un test à main levée. Une forêt de bras se lève pour répondre, carte au bout des doigts. La professeure scanne et enregistre leurs réponses avec son smartphone.
Clémence et Gabrielle sont sur le même îlot. Elles discutent d’une voix étouffée, plutôt optimistes. Mme Béguin annonce la fin du test, elle projette au tableau le pourcentage de chacun. C’est gagné pour Clémence et Gabrielle : 100 % pour l’une, 90 % pour l’autre. Les deux élèves se tapent les mains, victorieuses. Presque tout le monde a la moyenne.
La nouvelle méthode semble fonctionner. "Ils sont toujours sur leur GSM, sur Internet, sur YouTube. Regarder une vidéo à la maison, c’est mieux que faire des exercices."
Valérie Béguin sait que certains de ses collègues se posent des questions. Est-ce que tous les enfants ont accès à un ordinateur ? "Presque tous ont un GSM avec Internet, expose-t-elle. Ils peuvent aussi regarder les vidéos dans l’un des deux cyber-centres de l’école." Est-ce qu’ils ont tous des parents pour les aider à comprendre le cours ? "Ce problème se pose avec les exercices à la maison. C’est pour ça qu’on fait les rappels et les exercices en classe."
"On va noter la théorie"
"Prenez vos cahiers, on va noter la théorie et voir les rappels. Quels angles a-t-on déjà vu jusqu’ici ?" Une élève répond : "Les angles complémentaires, supplémentaires, alterne-interne, alterne-externe." La jeune prof s’attaque à leur définition. "Alec, tu peux nous dire ce que sont des angles complémentaires ?" Facile pour Alec. "Deux angles dont la somme des amplitudes fait 90°." La parole n’arrête pas de rebondir entre l’enseignante et ses élèves. Elle encadre, ils animent. Pour Amélie, ça change tout. "On n’écoute pas tout le temps la prof parler, on participe, on peut chuchoter."
"Ouvrez vos livres à la page 137, on passe aux exercices." C’est le moment où l’enfant teste ses connaissances. L’exercice a commencé, pourtant les élèves discutent à voix basse. Près des fenêtres, Amélie et son amie cherchent ensemble la solution. Elles s’expliquent ce dont elles ne sont pas sûres.
Les exercices en bavardant
Lorian, à la même table, aime travailler seul. Indifférent aux bavardages, il s’applique à déterminer l’amplitude des angles. Penchée au-dessus des trois adolescents, la professeure jette un rapide coup d’œil à leur cahier. Rien à signaler, ils ont compris. Elle passe à l’îlot suivant. "Je peux pratiquer un enseignement beaucoup plus individualisé, c’est ce que je recherchais. Je peux aider ceux qui ont plus de difficultés."
Ce sont les élèves qui corrigent les exercices. "Alec m’a dit que l’angle C égale l’angle D parce que ce sont des angles droits. Qu’est-ce qu’on sait d’autre, Adrien ?" Le jeune homme sèche. "Qui peut l’aider ? Amélie ?" La jeune fille donne la bonne réponse. "Avec ce système, on a clairement des résultats. J’enseigne depuis 16 ans. Mes élèves ont en moyenne un point de plus qu’avant. L’année dernière, je n’ai eu que trois échecs sur mes vingt-cinq élèves."