Skip to main content

Des millions d'enfants privés d'un enseignement secondaire gratuit

Les gouvernements et les bailleurs de fonds participant à la conférence de Dakar devraient soutenir cet objectif

Des lycéennes assises dans la salle de classe d’une école, dans le sud du Sénégal.  © 2017 Elin Martínez/Human Rights Watch
 
(Dakar) – La lenteur des progrès dans les efforts visant à garantir un enseignement secondaire gratuit pour tous compromet l'avenir de millions d'enfants dans le monde, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui, peu avant la tenue de la Conférence de financement du Partenariat mondial pour l'éducation (Global Partnership for Education, GPE) à Dakar, au Sénégal.
 

Dans le monde, plus de 264 millions d'enfants ne sont scolarisés ni dans le primaire ni dans le secondaire, dont 62 millions sont à l'âge du début du cycle d'études secondaires et 141 millions à l'âge de la fin du secondaire. Près de 80 % des enfants du monde en âge de fréquenter l'école primaire et secondaire et qui ne sont pas scolarisés vivent dans les 65 pays associés au Partenariat mondial pour l'éducation. Tous les gouvernements participant à la conférence devraient s'engager à agir en faveur d'un enseignement secondaire gratuit, par la loi et dans la pratique.

« Les pays à bas revenus ont fait des progrès significatifs en ce qui concerne la garantie de l'enseignement primaire, mais l'enseignement secondaire demeure hors de portée pour des millions d'enfants », a déclaré Elin Martínez, chercheuse auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Les pays qui se sont engagés à fournir un enseignement secondaire gratuit devraient honorer leur promesse et ceux qui ne l'ont pas fait devraient suivre leur exemple. »

Le Partenariat mondial pour l'éducation, organisation multilatérale de financement composée de gouvernements, de fondations et de bailleurs de fonds privés, est un des plus importants donateurs mondiaux en faveur de l'éducation et fournit des ressources dans le but de renforcer l'enseignement aux niveaux du primaire et du début du secondaire dans les pays à bas revenus et affectés par des conflits, parmi lesquels l'Afghanistan, la République démocratique du Congo, le Sénégal et la Tanzanie. Plus de 43 millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire et de 35 millions d'enfants en âge d'étudier dans les premières années du cycle secondaire ne sont pas scolarisés dans ces pays.

Les 1er et 2 février 2018, des chefs d'État, des ministres et des responsables gouvernementaux de haut rang de plus de 50 pays à bas revenus et de 15 pays donateurs se réuniront à Dakar pour promettre des contributions monétaires afin de financer un enseignement correspondant aux cycles du primaire et du début du secondaire pour plus de 870 millions d'enfants vivant dans des pays à bas et moyens revenus. Le Partenariat mondial pour l'éducation vise à parvenir à allouer 2 milliards de dollars US par an à partir de 2020.

En 2015, tous les États membres des Nations Unies se sont engagés à fournir un enseignement primaire et secondaire gratuit avant 2030. La Convention relative aux droits de l'enfant, qui a été presque universellement ratifiée, et divers autres traités régionaux et internationaux ont défini un certain nombre de critères détaillés destinés à protéger le droit à l'éducation. Ils comprennent notamment les obligations essentielles de supprimer les frais de scolarité pour le primaire ainsi que les coûts indirects ou associés, et de rendre l'enseignement secondaire disponible et accessible à tous les enfants.

Les pays associés au Partenariat mondial pour l'éducation se sont acquittés à des degrés divers de ces obligations centrales.

Le gouvernement du Sénégal, qui co-organise la conférence avec la France, ne garantit pas pleinement un enseignement secondaire gratuit. Bien que la loi sénégalaise prévoie la gratuité de l'éducation pour les enfants âgés de 6 à 16 ans, des recherches effectuées par Human Rights Watch ont permis de montrer que les écoles secondaires publiques prélèvent pour chaque année scolaire des frais d'inscription et répercutent des coûts indirects allant jusqu'à 50 000 francs CFA (93 dollars) par élève, ce qui contraint de nombreuses familles à retirer leurs enfants de l'école. Dans une lettre ouverte, Human Rights Watch a exhorté le président du Sénégal, Macky Sall, un partisan de l'éducation pour tous au niveau mondial, à s'engager à rendre un enseignement secondaire de qualité totalement gratuit pour tous les élèves du pays.

Mariama, âgée de 17 ans, originaire de Kolda, dans le sud du Sénégal, a déclaré à Human Rights Watch : « Il y a des jeunes filles [dans mon école] qui veulent apprendre mais qui n'ont pas les ressources pour le faire … Je n'ai pas encore payé mes frais de scolarité. Mes parents ont du mal à les payer. Ma mère vend des cacahuètes [au marché] et mon père vend du lait. L'année dernière … ma mère n'a pas pu m'acheter les manuels scolaires dont j'avais besoin. »

Le Zimbabwe, pays partenaire du GPE depuis 2013, continue d'imposer des frais de scolarité pour les inscriptions dans les cycles primaire et secondaire, a constaté Human Rights Watch. Bien que selon la Constitution de 2013 du Zimbabwe, le gouvernement soit tenu de promouvoir « une éducation de base gratuite et obligatoire pour tous les enfants », de nombreuses familles sont confrontées à des frais excessivement élevés, en particulier pour l'accès à l'école secondaire, qui peuvent se monter jusqu'à près de 200 dollars par an.

La plupart des pays imposent également des coûts indirects, notamment pour des uniformes dont le port est obligatoire, des frais d'examen, des frais obligatoires post-scolaires et des cotisations d'association parents-professeurs. Les élèves handicapés se voient souvent imposer des frais supplémentaires pour être admis dans les écoles classiques. Les pays qui fournissent actuellement un enseignement primaire et secondaire gratuit devraient adopter des politiques visant à inscrire et à retenir les élèves issus de milieux à bas revenus qui, sans cela, risquent d'abandonner leurs études secondaires en raison des coûts indirects, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements devraient aussi intégrer dans leurs budgets des provisions destinées à garantir un aménagement raisonnable aux enfants handicapés.

Les frais de scolarité et les coûts annexes aux niveaux primaire et secondaire ont un impact négatif sur les efforts des gouvernements pour accroître les inscriptions de filles adolescentes dans les écoles secondaires. En Afghanistan, où la loi stipule que l'éducation est disponible sans frais d'inscription jusqu'à la fin du cycle d'études secondaires, Human Rights Watch a constaté que les familles font quand même face à des coûts significatifs pour envoyer leurs enfants dans les écoles publiques. Ces coûts indirects – pour les uniformes, les manuels et le matériel scolaire de base – découragent de nombreux enfants de familles pauvres d'aller à l'école. C'est particulièrement le cas pour les filles, car les familles qui n'ont les moyens d'envoyer que certains de leurs enfants à l'école donnent souvent la préférence aux garçons.

Homa, une jeune Afghane de 14 ans, a déclaré : « Ma sœur allait à l'école mais nos parents ne pouvaient même pas payer les dépenses nécessaires pour elle, donc je n'ai pas pu être scolarisée. Les filles les plus jeunes sont allées à l'école, mais moi je faisais de la couture pour gagner de l'argent et payer les frais d'études de mes plus jeunes sœurs.… Nous devions leur acheter des uniformes, des cahiers, des stylos, des crayons, des gommes, des sacs. Le gouvernement nous fournit certains livres de classe mais pas tous – nous devons en acheter d'autres au bazar. »

Au Népal et au Bangladesh, pays partenaires du GPE, respectivement depuis 2009 et 2015, les obstacles financiers tiennent des centaines de milliers de filles à l'écart de l'école et forcent beaucoup d'autres à interrompre leurs études prématurément. Dans ces deux pays, de nombreuses familles marient leurs jeunes filles pour compenser les coûts liés à leur éducation. Les filles sont également généralement très exposées au risque d'un mariage précoce lorsque leurs familles ne peuvent plus financer leur éducation.

Le Bangladesh a supprimé les frais de scolarité dans l'enseignement primaire, et la Constitution du Népal stipule que l'éducation est gratuite jusqu'au niveau secondaire, mais les coûts annexes tiennent de nombreuses filles à l'écart de l'école, en particulier au niveau du secondaire. Ces deux pays n'ont pas pris de mesures adéquates à l'échelle nationale et adopté des programmes ciblés pour couvrir les coûts indirects de l'éducation des filles issues des familles les plus pauvres. 

Ces dernières années, le Ghana et la Tanzanie, pays partenaires depuis longtemps du GPE, ont pris d'importantes mesures pour assurer la gratuité de l'enseignement primaire et secondaire. En 2015, le gouvernement tanzanien a pris l'importante décision politique de supprimer les frais de scolarité et d'interdire tous les coûts indirects jusqu'aux premières années du cycle d'études secondaires, tandis qu'en 2017, le Ghana a garanti une éducation entièrement gratuite jusqu'aux classes supérieures du cycle secondaire.

Tous les pays partenaires du GPE s'engagent à promouvoir la Charte du Partenariat, y compris son principe directeur consistant à « la concentration de nos ressources sur l’apprentissage, l'équité et l’inclusion au profit des enfants et des jeunes les plus marginalisés ». Les pays partenaires du GPE sont censés accroître leurs dépenses dans le domaine de l'éducation jusqu'à ce qu'elles atteignent 20% de leurs budgets nationaux.

Le Partenariat mondial pour l'éducation devrait encourager tous ses pays membres à assurer la gratuité de l'enseignement primaire et secondaire pour tous les enfants, a affirmé Human Rights Watch. Les pays donateurs, ainsi que la Banque mondiale et les autres institutions financières multilatérales, devraient apporter une assistance financière et technique bilatérale et multilatérale, y compris par l'intermédiaire du fonds du Partenariat, afin d'aider les pays à honorer leurs engagements en matière d'enseignement secondaire.

« Tous les pays partenaires et donateurs du GPE devraient viser haut afin de garantir une éducation à plus de 78 millions d'enfants qui demeurent non scolarisés », a affirmé Elin Martínez. « Les gouvernements qui ont sérieusement l'intention de remplir leurs engagements en faveur de l'éducation pour tous les enfants vont devoir montrer comment ils prévoient de réaliser l'objectif de la gratuité totale de l'enseignement primaire et secondaire. » 

---------------

À lire aussI :

Le Point / AFP   VOA Afrique   TV Monde Afrique

TWEETS

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.

Région/Pays