Pour accoucher, évitez le Texas (et le reste des Etats-Unis)

Pour accoucher, évitez le Texas (et le reste des Etats-Unis)
Laura Lenss, l'une des 134 femmes mortes en couches dont le site ProPublica a retracé l'hitsoire ((SITE PROPUBLICA))

Avec près de 900 décès par an, les Etats-Unis détiennent l'un des taux de mortalité en couches les plus plus élevés du monde développé.

Par Bérénice Rocfort-Giovanni
· Publié le · Mis à jour le
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C’est l’envers d’un pays qui encense la maternité. Beyoncé pose avec ses jumeaux façon madone kitsch, il est plus tolérable d’abandonner que d’avorter (l’ado enceinte de "Juno"), mais on fait bien peu de cas de la santé des mères. Chaque année aux Etats-Unis, quelque 900 femmes meurent en couches : 26 décès pour 100.000 naissances, soit l’un des pires ratios du monde développé. Par comparaison, en France, on compte près de huit mères décédées pour 100.000 naissances.

C’est simple : de tous les Etats de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), seul le Mexique fait pire que les Etats-Unis. Et alors que tous les pays riches ont vu leur mortalité maternelle chuter, la courbe a grimpé sans relâche de 2000 à 2014 dans la nation la plus prospère du globe.  

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Le Texas, Etat américain le plus dangereux pour mettre au monde un enfant, fait figure de zone de guerre : 36 femmes y meurent sur 100.000 naissances.

Des complications évitables

Ces mères succombent le plus souvent à une hémorragie, un problème cardiaque, une infection ou une pré-éclampsie, cette hypertension spécifique à la grossesse et aux suites de couches. Avec un suivi adapté pourtant, la plupart de ces complications auraient pu être bien traitées, voire évitées.

ProPublica, pure player spécialisé dans le journalisme d’investigation, a entrepris de raconter au long cours l’histoire de ces victimes dans un mémorial, "Lost Mothers".

On y trouve celle de Laura Lenss, 38 ans. De retour de la maternité avec Wally, son nouveau-né, cette architecte de Seattle est comblée : "Il est parfait. Il est si beau", répète-t-elle à l'envi à sa sœur. Certes, Laura souffre d’une importante déchirure du périnée, mais cela ne lui était-il pas déjà arrivé trois ans plus tôt à la naissance de son premier fils, Henry ?

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Quelques jours après l'accouchement, Laura, épuisée, n’ose pas répondre à un appel vidéo de ses parents tant son visage est bouffi. En débarquant chez elle, ces derniers alertent immédiatement les secours. Quelques heures plus tard, la jeune femme décède à l’hôpital, des suites d’une infection causée par sa blessure au périnée. 

"Depuis ce jour, nous n'avons pas cessé de pleurer", témoigne sa sœur. 

Trop de césariennes ?

Pour ProPublica, les raisons de cette hécatombe sont complexes : il y a bien évidemment le système de santé américain, qui prive tant de femmes dépourvues d’une bonne assurance d'un suivi de grossesse de qualité. Mais ce fait n’explique pas à lui seul la crise sanitaire. Nombre de martyres de la grossesse appartiennent à un milieu favorisé, à l’image de Laura Lenss.

ProPublica pointe le grand nombre de césariennes pratiquées à travers le pays, à l’origine de davantage de complications, les grossesses tardives, l’obésité et le diabète, très répandus.

Mais le site avance aussi une hypothèse étonnante. Au fil des ans, le corps médical américain s’est spécialisé dans la prise en charge des nouveau-nés et est même en pointe en matière de prématurité. Ces prouesses techniques ont-elles paradoxalement éloigné les soignants des mères, les rendant moins à l'écoute ?

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Le calvaire de Serena Williams

Récemment, la championne de tennis Serena Williams a raconté au magazine "Vogue" son accouchement apocalyptique.

Après une césarienne pratiquée en urgence pour donner naissance à sa fille Olympia, la sportive est prise d’essoufflements. Déjà sujette à des phlébites, elle craint de faire une embolie pulmonaire et alerte sur-le-champ médecins et infirmières. Ceux-ci restent sourds à ses plaintes.

Ce n’est qu’au terme de longues protestations qu’on lui fait passer un scanner : Serena Williams a bien des caillots de sang dans les poumons. La joueuse de tennis tousse tant à cause de l’embolie que la cicatrice de sa césarienne se rouvre.

Dans la foulée, nombre de femmes ont fait part d'expériences similaires sur Twitter et un autre chiffre terrifiant a émergé. Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, les femmes noires américaines payent un tribut plus lourd encore à la maternité : elles sont trois à quatre fois plus nombreuses à mourir en couches que les femmes blanches.

Bérénice Rocfort-Giovanni
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