Politique

Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat que l'on ne recadre pas

Marlène Schiappa incarne « l’engagement », cette vertu que le chef de l’Etat célèbre volontiers dans ses discours fleuves. Alors, pas question de désavouer cette secrétaire d’Etat qui aurait été un temps « recadrée » par Christophe Castaner, le porte parole du gouvernement.

Dans la lettre de mission de la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, il est précisé qu’elle a à faire connaître au plus grand nombre les inégalités entre femmes et hommes « afin d’en réduire le seuil d’acceptation ».

PHILIPPE LOPEZ / AFP

Matignon l'a soutenue. Et l'Elysée, donc qui l'a conviée au déplacement présidentiel en Corse dont elle est originaire ! Brigitte Macron a, depuis le début, montré  envers elle une solidarité " femme " sans faille. Avec " Marlène ", elles sont sœurs de combat pour l'égalité. Quant à son époux Président, il " l'aime " ! Marlène Schiappa incarne " l'engagement ", cette vertu que le chef de l'Etat célèbre volontiers dans ses discours fleuves. Alors, pas question de désavouer cette secrétaire d'Etat qui aurait été un temps " recadrée " par Christophe Castaner, ministre des Relations avec le Parlement et patron d'En Marche. Celui-ci l'avait gourmandée pour avoir " commenté une affaire en cours ", celle dite de " la joggeuse ", avant que l'on apprenne que c'était son mari, apparemment éploré, qui l'avait étranglée, puis ainsi habillée avant de déposer son corps en forêt pour faire croire à un crime de rôdeur.

Le " commentaire " de Marlène Schiappa était pourtant salutaire puisqu'elle exprimait un haut-le-cœur, et une contestation très partagés de cette stratégie employée par l'avocat de la défense qui banalisait le crime et le criminel, et faisait de la victime quasiment la coupable, en tout cas l'instrument provocateur de son malheur !

Pendant… 24H, ce fut " haro sur Schiappa ". Son intervention était un " scandale " pour les journaux conservateurs, comme le Figaro qui s'offusquait " de l'ingérence d'une ministre dans des affaires en cours ". Une indignation, bizarrement, absente lorsque le gouvernement a pris fait et cause pour Gérald Darmanin, le ministre du Budget, poursuivi pour une affaire de " viol ", peut être injustement, mais ce n'était pas à ses collègues d'en exprimer jugement si l'on suit le raisonnement du quotidien droitier du matin. Mais là…rien. Silence… point d'indignation contre la classe ministérielle interventionniste.

"Combattante"

Mais scandale encore du côté des ténors du barreau, dont le volcanique Hervé Dupont Moretti, qui fulminait " un ministre n'a pas à censurer la parole d'un avocat ". La secrétaire d'état n'a rien censuré du tout, mais peu importe " l'avocat n'est pas là pour établir la vérité, il est là pour aider son client, poursuivait-il. Il est le porte-voix d'un homme qui n'en a plus. Qu'elle s'occupe de ses affaires ". Mais justement, ce sont ses affaires " d'être le porte-voix des femmes ", en général, et en particulier celle-ci qui n'en a pas, puisque c'est  elle qui a été étranglée.

Dans la lettre de mission de la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa, il est précisé qu'elle a à faire connaître au plus grand nombre les inégalités entre femmes et hommes " afin d'en réduire le seuil d'acceptation ". Or parmi ces inégalité figurent cette présentation obstinément misogyne de la femme qui provoquerait le viol ou le meurtre par des comportements affriolants ou déplacés. Ainsi, dans les tribunaux, comme dans les médias, parle-t-on volontiers de " drame passionnel ", alors qu'il s'agit d'un assassinat perpétré par un compagnon, dont on dit qu'il " a perdu le contrôle ", alors qu'il ne supporte pas simplement que la compagne échappe à " son contrôle ". Si une femme meurt tous les trois jours sous les coups d'un homme, c'est dans la majorité des cas parce que celui-ci voulait " perpétuer " une domination qu'elle refusait !

Or, dans l'affaire Daval, l'avocat du mari, abondament relayé par les médias, avait commencé justement à dérouler ce scénario de " la victime coupable ", puisque c'était " une dominatrice, qui avait une personnalité écrasante "… " elle avait des accès de violence extrêmement importants à l'encontre de son compagnon en période de crise. " C'est ce scénario noir, répété ad nauseam, que la secrétaire d'Etat à l'Egalité a stoppé, avec la certitude, confortée par l'Elysée qu'elle était fidèle à la mission qui lui avait été confiée d'endiguer les violences faites aux femmes et tout le fatras sexiste qui peut y contribuer. A commencer par les discours de justification qui prétendent les autoriser et les légitimer. Même Christophe Castaner d'ailleurs a applaudi ce week-end. Et il ajoute, en privé, admiratif " je dois reconnaître que Marlène est une combattante, une guerrière ". Pas du genre en tout cas à être recadrée…