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Mobipel, le centre d'appels de Free aux 266 licenciements pour "faute grave"
Au premier semestre 2017, le chiffre d'affaires de Free a atteint 2,46 milliards d’euros

Mobipel, le centre d'appels de Free aux 266 licenciements pour "faute grave"

Prud'hommes

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Dans l’un des cinq centres d’appels du groupe Free en France, on licencie à tour de bras : 60% des effectifs ont ainsi disparu comme neige au soleil en à peine trois ans, la majorité pour "faute grave". Les syndicats dénoncent un plan social déguisé.

Chez Mobipel, l’un des cinq centres d’appels de l’opérateur Free en France, les effectifs fondent comme neige au soleil. Au total, l’entreprise a licencié 315 employés en trois ans, soit pas moins de 60% des effectifs. Détail troublant : ils sont 266 à avoir été licenciés pour faute grave, selon les informations d’un rapport publié dans Le Parisien.

Dans ce document de 90 pages qui doit être remis à la direction dans les prochains jours, le cabinet d’experts-comptables Alter examine la fonte des effectifs du centre d’appels. Force est de constater qu’elle est conséquente : ouvert en 2012 à Colombes, dans les Hauts-de-Seine, Mobipel commence à licencier à tour de bras deux ans plus tard : de juin 2014 à septembre 2017, le nombre d’employés est ainsi réduit de 711 à 287. Une chute d’autant plus surprenante qu’elle est parallèle à la bonne santé de la maison mère : au premier semestre 2017, Free a gagné 440.000 abonnés sur mobile. Sur la même période, son chiffre d’affaires a fait un bond de 7,3%, pour atteindre les 2,46 milliards d’euros.

Selon le rapport du cabinet Alter, cette multiplication des licenciements, dont la majorité pour faute grave, “ne sont pas indépendants de la volonté de l’employeur” : “Cette réalité confirmerait la thèse de certains représentants du personnel selon laquelle la direction de Mobipel chercherait par toutes les solutions individuelles possibles à contourner son obligation de mettre en œuvre une procédure collective qui l'obligerait notamment à mettre en œuvre des mesures coûteuses puisque proportionnelles aux moyens du groupe.

Une "économie" de près d'un million d'euros

Au-dessus de dix licenciements sur un mois, l'employeur doit procéder à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), rappelle en effet au Parisien Anousone Um, délégué syndical SUD-Télécom. Or depuis 2014, il y a plus de dix licenciements par trente jours glissants. Les gens perdent leur travail pour deux retards ou une absence injustifiés". En utilisant le terme de “faute grave” pour remercier un employé, l’entreprise s’épargne toute période de préavis et ne verse aucune indemnité de licenciement. Une “économie” aux frais des licenciés et qui se révèle conséquente quand elle est ramenée au nombre de départs, souligne Maître Abdel Kachit, avocat en droit du travail au barreau de Paris : “Si vous calculez 266 licenciements pour faute grave que multiplient deux mois de salaire à 1.800 euros, cela représente quasiment 1 million d'euros économisés rien qu'en préavis”.

Me Abdel Kachit représente quatre anciens salariés du centre d’appel. Ils font partie des 84 contentieux engagés contre l’entreprise, “pour un montant total de 1,9 million d’euros” et “22.523 euros par demande”, note le cabinet Alter. Parmi les cas déjà passés aux prud'hommes, tous les anciens salariés sauf un ont jusqu’ici obtenu gain de cause.

Grève interdite, employés récalcitrants blacklistés… Les conditions de travail des employés des centres d’appels de Free, que son patron Xavier Niel surnomme “les ouvriers du XXIème siècle”, ont déjà été pointées du doigt à plusieurs reprises, notamment en septembre dernier dans une enquête du magazine de France 2 Cash Investigation. Des accusations auxquelles il a réagi : “Free n'est sûrement pas parfait avec ses salariés mais nous ne sommes heureusement pas ce que décrit ce reportage à charge”, a-t-il déclaré, ajoutant : Nos salariés sont au cœur de la réussite de Free”.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne