Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Contre le « manterrupting », le bâton de parole

Cette habitude masculine consistant à interrompre sa collègue vous agace ? Optez pour une technique venue de lointaines tribus du Pacifique qui garantit au possesseur d’un bout de bois de pouvoir terminer sa phrase.

Publié le 05 février 2018 à 10h42, modifié le 05 février 2018 à 15h51 Temps de Lecture 3 min.

Article réservé aux abonnés

L’appli Women Interrupted permet, grâce au micro du smartphone, de savoir combien de fois les femmes qui parlent ont été indûment interrompues.

Dans les grands classiques du sexisme ordinaire au bureau, on trouve l’interruption systématique et injustifiée des femmes par leurs collègues masculins. Dénommée manterrupting (un terme popularisé par la journaliste américaine Jessica ­Bennett), cette pratique de territorialité oratoire participe d’un paternalisme dégradant dont on semble n’avoir découvert que récemment la sidérante étendue. Une étude menée par les universités Brigham Young et Princeton en 2012 montre que les hommes accapareraient ainsi 75 % du temps de parole en réunion, et souvent pour enquiller les banalités.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés C’est moi le patron !

Cette déviance est, bien entendu, exacerbée dans la sphère publique. De Kanye West piquant sans ménagement le micro à Taylor Swift lors des MTV Video Music Awards, à Donald Trump interrompant quarante fois Hillary Clinton lors du premier débat présidentiel (contre une seule interruption pour la candidate démocrate), les exemples ne manquent pas de cette goujaterie si répandue qu’elle passerait presque inaperçue. Les stratégies de parole étant également des stratégies de pouvoir, des façons d’asseoir des hiérarchies, de faire progresser des carrières, on peut se demander de quelle manière freiner ce type de pratiques au quotidien. Comme souvent en pareil cas, la technologie, avec son appétit pour la métrique, se propose d’apporter son éclairage.

L’appli Women Interrupted permet ainsi, grâce au micro du smartphone, de savoir combien de fois les femmes qui parlent ont été indûment interrompues. Mais une fois passé le constat, on fait quoi ? Une nouvelle réunion sur le manterrupting, où les hommes accapareront de nouveau la parole pour dire tout le bien qu’ils pensent de cette campagne de mesures ?

Pour sortir de l’ornière, une pratique ancestrale a récemment été remise au goût du jour par la sénatrice républicaine du Maine, Susan Collins : le bâton verbal. Matérialisée par un bout de bois joliment décoré, cette technique venue de lointaines tribus du Pacifique donne la garantie à l’orateur de terminer son propos sans être interrompu, avant qu’un autre ne prenne la parole – et le bâton. Si la technique fait penser au symbolisme un peu simpliste de « Koh-Lanta », elle évite néanmoins que la cacophonie ambiante soit mise à profit par les hommes pour imposer leur mainmise sur les débats.

Mais le bâton verbal ne suffira pas, à lui seul, à venir à bout de la dominance masculine lors des réunions. Car, bien souvent, la bonne idée qu’une femme aura réussi à énoncer sera reprise à son compte par un collègue masculin peu scrupuleux, phénomène d’appropriation récurrent connu sous le nom de bropropriating. Là aussi, des stratégies inédites sont nécessaires, comme celle qui fut un temps mise en place par les femmes travaillant dans l’équipe de Barack Obama. Bien souvent tenues à l’écart des débats, les conseillères pratiquaient alors l’« amplification », technique consistant, pour chacune d’elles, à donner de l’écho aux propos d’une consœur ayant formulé une bonne idée. Bref, une forme de sororité obligée qui n’est, bien entendu, pas idéale, mais qui a le mérite de faire entendre d’autres voix.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.