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Politique

Hollande, Macron, Montebourg… Cambadélis dézingue ses anciens camarades dans un livre

EXCLUSIF Jean-Christophe Cambadélis publie mercredi "Chronique d'une débâcle", un essai "coup de poing" sur le quinquennat de François Hollande, dans lequel chacun en prend pour son grade. Un sommet dans la perfidie.

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Jean-Christophe Cambadélis

Hollande, Macron, Montebourg… Jean-Christophe Cambadélis dézingue ses anciens camarades dans un livre

AFP

Jean-Christophe Cambadélis ne va pas se faire beaucoup d'amis avec son livre « Chronique d’une débâcle ». Sorti de son droit de réserve, l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste signe mercredi un essai "coup de poing" sur le quinquennat raté de François Hollande aux éditions L'Archipel. L'ex-député de Paris, emporté par la vague macroniste au mois de juin, y règle ses comptes avec les ténors du Parti socialiste, responsables selon lui du "plus grand revers électoral de l'histoire du PS". Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et surtout François Hollande -  président impuissant et incapable de dire non - passent sur le grill de l'ancien locataire de Solférino, qui ne se montre pas plus enthousiaste face à l'élection d'Emmanuel Macron, « l’homme qui vient de la gauche et qui convient à la droite ». Morceaux choisis.

François Hollande, « on peut tout lui demander… même le plus grotesque »

Les pages réservées à François Hollande sont peut-être les plus cruelles du livre de Jean-Christophe Cambadélis. L’ancien premier secrétaire du Parti socialiste y décrit un président impuissant, balloté par les événements, incapable de dire non. Le soir de sa victoire, place de la Bastille, déjà, il est sommé par sa compagne Valérie Trierweiler de l’embrasser en public. Une scène fondatrice selon l’ex-député de Paris :

«Embrasse-moi!» Et François Hollande s’exécuta. Il esquisse un léger et furtif baiser à Valérie Trierweiler, place de la Bastille, résumant ainsi le soir de sa victoire la teneur de son quinquennat, laissant sous-entendre qu’il ne se désistera à aucune demande... sans vraiment les embrasser. Cette scène révèle à la France entière la manière dont il la présidera : on pourra tout lui demander, même le plus grotesque, il y répondra. Il ne sera pas l’homme qui dit non. Il fera au mieux. »

De ce quinquennat « terriblement illisible », Jean-Christophe Cambadélis retient que les échecs auront été « plus nombreux » que les réussites, jusqu’à la décision finale de François Hollande de ne pas se représenter. « Je ne sais pas pourquoi, sur l’instant, j’ai pensé à Joseph Ratzinger, Benoît XVI », note l’ancien patron du PS. Cet échec était-il écrit d’avance ? Oui, à en croire « Camba » qui se remémore la première prise de parole de François Hollande après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn à New York et raconte l'impréparation du président du Conseil départemental de Corrèze : « devant tant de regards qui sont autant de demandes, il hésite, recule sur son siège et, d’une intervention courte – alors qu’il a pour habitude de faire long –, pointe uniquement le nécessaire respect du calendrier. Une sortie désincarnée, sans compassion aucune, au ton neutre pour ne pas dire froid. On le sent : il n’est pas prêt. Lui qui se voyait volontiers Premier ministre de DSK, le voici en première ligne. (…) Il se dérobe à la fonction à laquelle il est désormais censé aspirer. Il ne se résignera à enfiler le costume qu’en le retaillant à sa mesure, ou à ce qu’il était capable à ce moment- là d’assumer: «l’homme normal». »

Le 10 janvier 2014, le magazine Closer dévoile des photos de François Hollande, rue du Cirque, où il voit en secret l’actrice Julie Gayet. La publication fait l’effet d’une bombe. Jean-Christophe Cambadélis a rendez-vous le lendemain matin avec le président de la République à l’Elysée, qu’il retrouve affaibli :

« Au vu des événements et de l’heure matinale de notre rendez-vous, je lui envoyai un message lui proposant de différer cette rencontre. À mon étonnement, il déclina, ne se dérobant une fois de plus à aucune demande. Il voulait absolument m’expliquer les raisons de son tournant économique et avoir mon avis pour la conférence de presse. L’entretien fut plus long qu’à l’accoutumée. Le président luttait contre le sommeil et y sombra même quelques secondes. Je fis de mon mieux pour tenir son attention. La situation devint surréaliste lorsque je dus hausser le ton pour éviter de le laisser s’assoupir à nouveau. »

Arnaud Montebourg, « il ne pense pas… il plaide »

L’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste et le chantre du Made in France ne se portent pas une affection démesurée. C’est peu dire. Régulièrement opposés sur la ligne du parti, les deux hommes se sont affrontés à de multiples reprises par voie de presse interposée. A son propos, « Camba » note :

« Arnaud Montebourg est un homme de cause. Son style, c’est la plaidoirie. Il ne pense pas, il plaide. Il ne discute pas, il plaide. Il ne débat pas, il plaide... sans cesse. Il lui arrive d’ailleurs assez souvent de plaider en dépit du bon sens et de faire de mauvais procès. »

Le premier secrétaire du PS n’est pas le seul à entretenir des relations compliquées avec l’homme de Frangy-en-Bresse. Dès juillet 2014, Montebourg, qui vient d’être nommé ministre de l’Economie, a coupé toutes relations avec François Hollande, comme il le raconte au premier secrétaire du PS :

« Quelques jours plus tard, le ministre me reçoit au ministère. Il m’explique sa vraie motivation et sa réelle feuille de route: «J’ai encore deux, trois choses à terminer contre les corporations en situation de monopole. » Je retrouverai la totalité des mesures, y compris le travail le dimanche, dans la loi Macron. «Puis en décembre je m’en vais. [...] Manuel n’a pas respecté le contrat. [...] Il a été étouffé par François Hollande, il n’a impulsé aucune politique économique volontariste. [...] Moi je n’ai plus de contact avec l’Élysée. Je refuse de me rendre aux réunions.»

Macron, « il est quand même bizarre, ton gars »

Lire les pages consacrées à Emmanuel Macron par Jean-Christophe Cambadélis, c’est faire la liste des nombreux avertissements adressés par le premier secrétaire du PS à François Hollande. A chaque fois, le président de la République se montre confiant : « Je l’aime beaucoup. Il a un esprit juvénile, inventif, et il est tout à fait loyal », lui glisse-t-il une première fois. « Camba » revient à la charge quelques mois plus tard : «Il est quand même bizarre, ton gars. Je ne suis pas certain qu’il ait en tête notre maintien au pouvoir. Il se voit jouer un rôle plus autonome.» Mais Hollande reste de marbre. Finalement, les deux hommes découvriront les intentions du jeune ministre, ensemble, lors d’un dîner à l’Elysée, que raconte l’ancien premier secrétaire du PS :

« Ce moment donna lieu à l’une des scènes les plus cocasses de nos rendez-vous du mardi soir. Nous dînons dans les appartements privés du président, dont la salle à manger n’est pas équipée d’une télévision permettant de voir Emmanuel Macron poser les jalons de sa future candidature. Les agents de l’Élysée s’activent pour dresser un immense écran qui ne fonctionne pas bien. Il s’éteint puis redémarre, avec un Macron couleur pastel puis virant au rouge... pendant que Didier Guilaume, président du groupe socialiste au Sénat, mime l’orateur, reproduisant ses propos, étant donné que nous n’avons plus de son. Le président rit jaune. Il s’énerve même, fait rarissime. Les huissiers se dépêchent, changent la télévision de place. Emmanuel Macron vire au vert pâle et sa voix tourne au ralenti. La tablée est prise d’un fou rire. Stéphane Le Foll rappelle qu’il l’avait bien dit. Le président est au paroxysme de l’agacement en éteignant le téléviseur. Tout le monde comprend qu’Emmanuel Macron ne reviendra pas, ne se retirera pas, ne se rabattra pas. »

Jean-Christophe Cambadélis a bien tenté de désamorcer la candidature de l’ancien banquier – en vain. Dans un dernier coup de poker, le patron du PS a même proposé au ministre de prendre la tête… du parti Radical. « Je lui suggérai de prendre le plus vieux parti de France et de le transformer... radicalement. » Un deal qui ne séduira pas le jeune politique. « Quelque temps plus tard, il se plaindra auprès de François Hollande de cette proposition qui lui semblait être une voie de garage. » L’ancien banquier a d’autres ambitions, comme le révèle une anecdote racontée par le hollandais Stéphane Le Foll :

« Stéphane Le Foll me conta cette anecdote qui éclaire le personnage. La veille de la nomination du gouvernement Valls I, le ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement attend dans l’antichambre. Emmanuel Macron sort du bureau de Manuel Valls, embrasse Le Foll et lui glisse, amer : « Je m’en vais, mais je reviendrai. J’attaquerai tout cela au pic à glace.» Il était fâché de n’avoir pu être nommé ministre. »

Manuel Valls, « un hara kiri »

Le 19 avril 2017, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, Manuel Valls appelle à voter Emmanuel Macron, s’affranchissant des engagements pris pendant la primaire socialiste. Un coup de poignard pour Benoît Hamon. Et une erreur tactique selon Jean-Christophe Cambadélis:

« J’ai de l’amitié pour Manuel Valls, mais son attitude équivaut pour le coup à un hara-kiri. Qu’il soit en désaccord avec l’orientation de Benoît Hamon, que cette gauche lui semble incapable d’être à la hauteur du temps présent, on l’avait compris. Mais, il suffisait d’attendre. Sans être grand clerc, on pouvait penser que Benoît Hamon ne gagnerait pas la présidentielle. Évidemment, à la sortie de cette élection, l’ancien Premier ministre allait apparaître comme le repreneur naturel d’une gauche déboussolée. Non seulement Manuel Valls n’attendit pas, provoquant l’éparpillement de ses propres amis, mais il s’engagea avec Emmanuel Macron dans une stratégie digne du « génie des Carpettes» (…) dans le seul but de ne pas avoir de candidat EM face à lui à Évry... (…) Il s’acharna à vouloir entrer par effraction dans le macronisme, acceptant l’humiliation de l’apparentement. »

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