Le théologien suisse Tariq Ramadan, lors d'une conférence à Bordeaux, le 26 mars 2016

Le théologien suisse Tariq Ramadan est soutenu sur les réseaux sociaux par une horde d'internautes qui n'hésitent pas à crier au complot pour justifier de sa mise en examen.

afp.com/MEHDI FEDOUACH

Sur les réseaux sociaux, le véhémence des pro-Tariq Ramadan à l'encontre de ses détracteurs n'a rien d'inédit. Mais depuis la mise en examen et le placement en détention de l'islamologue controversé, visé par deux plaintes pour "viol", l'ardeur de cette communauté est montée d'un cran, quitte à verser dans le complotisme pour défendre à tout prix le théologien suisse. Pendant ce temps, le quinquagénaire, désormais au coeur une enquête débutée il y a trois mois, continue de nier les faits.

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Interrogé par Le Point, un membre de la communauté musulmane à Genève, qui préfère conserver son anonymat en raison d'éventuelles représailles -"car les pro-Ramadan et les Frères musulmans peuvent vous pourrir la vie"- résume la situation.

Selon lui, Tariq Ramadan "fait croire qu'il est persécuté par les Juifs, par les services de renseignements, par les islamophobes du monde entier. Et malheureusement, ça marche auprès de beaucoup de jeunes musulmans, qui le prennent pour un nouveau prophète". Pour cet homme, c'est ce qui a permis à l'islamologue, petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, "de partir à la conquête des banlieues françaises."

"Pour s'en prendre à Tariq Ramadan, ils sont tous là"

Sur Twitter et Facebook, les pro-Ramadan s'affichent facilement. Et leurs attaques sont parfois violentes. "Tariq Ramadan en garde à vue? Arrêtez vos conneries, vos viols virtuels sans aucune preuve. Il a juste mis à l'amende tout vos soi-disant intellectuels, c'est le seul viol dont il est coupable. Bizarrement, y'a pas de gardes à vue pour Jeremstar et son pote Babybel, contre qui il y'a plein de preuves", écrivait l'un d'eux le 31 janvier.

Ils sont plusieurs à faire un comparatif entre l'affaire Jeremstar -du nom de ce blogueur spécialisé dans la télé-réalité, soupçonné de "complicité" d'atteinte sexuelle sur mineur- et la mise en examen de Tariq Ramadan. Deux dossiers qui n'ont pourtant rien en commun, hormis leur agenda judiciaire.

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"Évidemment Tariq Ramadan est un des 'représentants' de la communauté musulmane, ça sonne bien s'il y'a un scandale médiatique lié à un viol. Par contre Jeremstar qui est homo et 'journaliste' français cautionné par les sionistes, non ça passe pas... Donc silence radio", commente une jeune femme sur Twitter, dans un discours ostensiblement complotiste. "Pour s'en prendre à Tariq Ramadan, ils sont tous là, mais quand c'est des Frédéric Mitterrand, Jeremstar, DSK, ça parle bien de présomption d'innocence", abonde un autre.

La parole des victimes présumées remise en cause

Autre argumentaire de cette défense auto-organisée: remettre en cause le statut des victimes présumées. La première, Henda Ayari, ancienne salafiste devenue militante féministe, accuse le suspect de l'avoir violée dans un hôtel à Paris en 2012. La seconde, qui a souhaité rester anonyme, a relaté des faits similaires, qui se seraient cette fois déroulés dans un hôtel à Lyon, en 2009. D'autres possibles victimes ont également été entendues par les enquêteurs.

"La justice fait super vite, alors qu'ils ont une femme qui a menti et l'autre on ne sait rien d'elle", s'insurge un jeune homme sur Twitter, qui n'a, sans nul doute, jamais eu accès au dossier. Certains s'en prennent directement et vigoureusement à Henda Ayari, qui dispose d'un compte sur le réseau social.

Comme le relate Le Point, la présidente de l'Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse, Nadia Karmous, a elle aussi décidé de prendre la défense de l'homme, dont elle est proche, en mettant en cause la probité des victimes présumées. En plus des deux plaignantes, quatre anciennes étudiantes du Suisse affirment avoir été harcelées et avoir eu des relations sexuelles avec lui dans les années 1990. L'attaque de Nadia Karmous est frontale: elles sont "frustrées de ne pas avoir pu aller plus loin dans leur histoire" avec Tariq Ramadan et seraient "fragiles", clame-t-elle dans une interview accordée au journal suisse L'impartial.

"Une officine gouvernementale malveillante" à l'oeuvre

Autre sujet de complot potentiel pour ces défenseurs du professeur d'Oxford mis à pied: la cicatrice qu'il présente près de l'aine et qui a été décrite par l'une des plaignantes. Les théories sont pour certaines très alambiquées.

"Une officine gouvernementale malveillante peut sans difficulté soudoyer une ex-maîtresse ou accéder à son dossier médical via l'extranet du médecin traitant ou de la clinique qui l'a opéré et repérer ce genre de détail", s'imagine un homme sur Twitter.

Un autre avance une explication tout aussi poussée: "Il suffit que tu dises avoir eu une hernie inguinale ou une extraction de varices au niveau des fémorales, pour qu'on sache que tu as une cicatrice à l'aine."

"Il se peut que cette cicatrice ait été espionnée par une caméra, vu qu'on a retrouvé des photos de Tariq en short sur Google image...", écrit aussi un défenseur du mis en examen, comme le révèle une capture écran postée sur Twitter.

Tariq Ramadan, incarcéré depuis vendredi, devrait être fixé d'ici mardi sur son placement en détention provisoire. Il a demandé sa remise en liberté.

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