HISTOIREQuelles traces ont laissé les JO de 1968 à Grenoble?

Jeux olympiques de Grenoble: Quelles traces ont laissé les JO de 1968 dans la capitale des Alpes?

HISTOIRESi le succès populaire des Jeux de 1968 reste mitigé, la ville de Grenoble, métamorphosée en quatre ans, a néanmoins bénéficié d’une image dynamique et a su attirer les investisseurs…
Le stade de Grenoble le 6 février 1968 lors de la cérémonie des Jeux Olympiques.
Le stade de Grenoble le 6 février 1968 lors de la cérémonie des Jeux Olympiques. - STAFF / AFP
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Les JO de Grenoble, les premiers de l’ère moderne des Jeux se sont ouverts le 6 février 1968.
  • L’occasion de s’intéresser aux retombées de l’événement, 50 ans après.
  • Si le succès populaire reste mitigé, la ville de Grenoble, métamorphosée en quatre ans, a néanmoins bénéficié d’une image dynamique et a su attirer les investisseurs

Cinquante ans plus tard, que reste-t-il des Jeux Olympiques de Grenoble, qui se sont ouverts le 6 février 1968 ? Si l’événement a été présenté comme les premiers Jeux de l’ère de la modernité, peu s’en souviennent véritablement. À l’heure où la capitale iséroise s’apprête à commémorer l’événement, 20 Minutes se penche sur les retombées immédiates et sur les traces laissées un demi-siècle plus tard.

Un coup de pub pour… l’État. Les observateurs sont unanimes sur ce point, les JO de Grenoble ont été « un vrai coup d’accélérateur » pour la ville. Mais pas seulement. Ils ont surtout permis à la France de regagner un statut de leader. « Comme pour Nagano, Sapporo ou Sotchi après elle, ce n’est finalement pas tant Grenoble qui candidate dans l’organisation des JO, mais l’État », relève Jean-Michel Roux, maître de conférences à l’IUGA (institut d’urbanisme et de Géographie Alpine).

« À l’époque, la France sort de la Deuxième Guerre mondiale et se reconstruit. Charles de Gaulle y voit surtout le moyen d’accroître le prestige du pays et de faire en sorte qu’il revienne sur la scène internationale. C’est un signal fort qu’il envoie ». Chose exceptionnelle : l’État financera d’ailleurs à 80 % l’organisation des Jeux de 1968, chiffrée depuis à 1,1 milliard de francs.

« L’État va mettre en œuvre des projets de modernisation des stations de sports d’hiver pour promouvoir le tourisme. C’est l’inverse des Jeux d’Innsbruck (1964 et 1976) qui ont été très modestes et dans lesquels on a cherché à rentabiliser les équipements existants », poursuit Jean-Michel Roux. Et il ne lésinera pas sur les moyens.

Grenoble totalement métamorphosée. Si les JO ont eu un effet bénéfique, c’est principalement en amont de l’événement. « La ville s’est transformée de manière incroyable. Elle a complètement changé de visage en quatre ans. Elle est passée d’une image de bourgade régionale mal desservie à celle d’une ville particulièrement bien organisée. Sans les JO, ce changement aurait mis 20 ans à se faire », affirme Pierre Chaix, membre du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges et maître de conférences à l’université Mendès-France de Grenoble qui a publié un dossier sur le sujet dans son magazine.

« Il a fallu investir dans des équipements généraux mais nécessaires que Grenoble n’avait pas jusque-là. Tout était à faire. Les JO ont permis d’accélérer considérablement ces projets. Les sommes engagées pour les travaux étaient colossales, mais elles ont largement été prises en charge par l’État », rappelle Michel Raspaud, sociologue du sport. 465 millions de francs ont été dépensés pour la réalisation des infrastructures routières et ferroviaires et plus de 179 millions de francs pour la construction du village olympique.

La ville se dote ainsi d’une nouvelle gare, de l’hôtel de police actuel, d’un aéroport à Saint-Geoirs, de l’hôpital Sud, d’Alpexpo et d’une maison de la culture. Les entrées de ville sont aménagées, telles qu’on les connaît aujourd’hui. Deux nouveaux quartiers sont également construits pour héberger les athlètes ou les journalistes : Malherbe qui abrite le centre de presse et le Village olympique.

« Aujourd’hui, ils font partie intégrante de la ville. Même si on le remarque moins, ces équipements sont toujours utilisés par les Grenoblois », poursuit Wladimir Andreff, professeur émérite et grand économiste du sport à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le premier, situé à côté du stade, abrite désormais 1.500 logements et le second, 1.800.

Un succès populaire mitigé. Pour la première fois dans l’histoire, les Jeux sont diffusés en couleurs. Les droits de diffusion rapportent 12,5 millions de francs, dont 10 millions de francs pour la chaîne ABC qui s’assure l’exclusivité des droits pour les États-Unis. En revanche, le succès populaire est relatif : 503.700 billets ont été vendus, alors que le nombre escompté approchait le million de visiteurs avant les Jeux.

« Les infrastructures étaient remplies en moyenne à 70 %. Le tremplin de Saint-Nizier [où se déroulaient les épreuves de saut à ski] et le stade, qui a accueilli les cérémonies d’ouverture et de clôture, ont connu du succès. Le reste, beaucoup moins », observe Pierre Chaix. « On a construit un hôtel flambant neuf qui n’a jamais fait le plein. Entre 15 et 20 % des chambres sont restées vides », ajoute Wladimir Andreff.

« Peu d’étrangers sont venus encourager leurs athlètes car les billets étaient onéreux. Ils ont principalement été vendus à une clientèle locale », poursuit Pierre Chaix. « En réalité, peu de Grenoblois ont assisté en direct aux JO. Beaucoup les ont regardés à la télévision alors qu’ils se déroulaient chez eux », nuance Wladimir Andreff.

Les stations de ski boostées par l’événement. « Les stations du Vercors comme Autrans, Villard-de-Lans et Chamrousse sont celles qui ont le plus bénéficié de l’effet JO car ce sont elles qui accueillaient les épreuves de ski alpin ou de ski nordique. Les autres, comme l’Alpes-d’Huez où se déroulait la compétition de bobsleigh, un peu moins », énonce Michel Raspaud.

Grenoble, ville dynamique. Entre 1945 et 1965, la population grenobloise a augmenté de plus de 60 %, passant de 100.000 à 170.000 personnes. « Les JO ont été la première pierre apportée à l’édifice. Ils ont impulsé une dynamique économique qui s’est poursuivie jusque dans les années 1990 », observe Dorian Martin, urbaniste.

« Avant les JO, Grenoble n’était pas une ville touristique, elle ne l’est pas devenue pour autant. Elle est surtout restée une ville de passage où l’on s’arrête pour aller dans les stations de ski », nuance Wladimir Andreff, reconnaissant toutefois qu’elle a « su attirer un tourisme d’affaires ».

« Les JO lui ont permis d’avoir une image de ville dynamique et sportive. Cela a attiré par la suite de nombreux investisseurs », confirme Michel Raspaud. Hewlett Packard a par exemple quitté les Etats-Unis pour délocaliser son siège en Isère. Thomson et Schneider ont aussi concentré leurs activités à Grenoble. « De nombreux enseignants-chercheurs s’y sont installés », ajoute Pierre Chaix.

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